Pourquoi les chapeliers étaient-ils appelés « chapeliers fous » ?

Romain Lesourd
Romain Lesourd
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Il y en a un dans Les Aventures d’Alice au pays des merveilles, œuvre majeure de Lewis Carroll, mais également un dans l’univers de Batman. Toujours coiffé d’un beau chapeau, il semble être dans un autre monde et un peu déconnecté de la réalité. Il s’agit du Chapelier. Mais d’un chapelier particulier, car on le qualifie de fou. Est-ce une idée des auteurs d’apporter cet aspect un peu extravagant ? Ou est-ce plutôt la présentation d’une réalité historique ?

Une sacrée recette pour faire un chapeau

Le métier de chapelier existe depuis le Moyen Âge. Mais, à l’époque, ce dernier se divisait en plusieurs branches. Il y avait les chapeliers « de fleurs », « de coton », « de paon » … Tout dépendait de la matière utilisée pour confectionner le chapeau.

Faisons un saut dans le temps. Nous sommes désormais à l’Ancien Régime, aux alentours du XVIIIe siècle. Au cours de l’Ancien Régime, la mode était essentielle à la cour. Il fallait être bien présenté, les habits étaient signes de bourgeoisie et de noblesse. De la perruque, on passe au chapeau. On se dit alors que c’est beaucoup plus chic. Les plus fortunés se parent donc de couvre-chefs. Le chapeau feutre devient un véritable produit de luxe, très prisé.

Les chapeaux prisés par l’élite sociale étaient faits avec des poils de castor, un animal très présent au Canada, à l’époque sous domination française depuis 1534 avec Jacques Cartier et François Ier. Mais en 1763, à l’issue de la guerre de Sept Ans, la France perd ses territoires canadiens. Ces derniers appartiennent désormais aux Britanniques.

On décide de remplacer les poils de castor par des poils de lapin et de lièvre. Mais le rendu n’est pas le même, ce qui déplait aux acheteurs. Les Flamands proposaient quant à eux de magnifiques chapeaux. Les acheteurs préfèrent donc ces derniers. On décida de découvrir la composition de leurs chapeaux pour s’en imprégner. Et l’ingrédient essentiel est : le mercure.

Le mercure : un ingrédient qui rend fou

Le mercure a une sacrée histoire. Déjà utilisé au cours de l’Antiquité, il était administré pour lutter contre les maladies de la peau.

Le mercure est notamment utilisé dans le domaine pharmaceutique, comme un antidote pour lutter contre la syphilis, mais il est également utilisé pour des biens architecturaux. Il sert notamment à la dorure pour plaquer le cuivre et le laiton. Il sert également dans la miroiterie, dans l’industrie, et aussi dans la chapellerie.

Les chapeliers français décident, à la manière des Flamands, de confectionner les chapeaux avec le mercure, sous forme saline. On dissout le métal avec de l’acide nitrique, dans de grandes cuves. Puis, avec le mélange obtenu, on agglomère les poils d’animaux utilisés pour faire le chapeau. Voilà la recette pour faire un magnifique couvre-chef.

Mais le mercure provoque de graves problèmes de santé, un souci bien connu à l’époque. On parlait de la syphilis et du traitement au mercure. Le mercure faisait souffrir les patients à un tel point qu’ils refusaient de se faire soigner grâce au métal, comme nous l’explique Hutten, un médecin anti-mercurialiste :

 « Les malades préféraient mourir de la maladie que subir le traitement au mercure. »

Pour ce qui concerne les chapeaux, on dénombre plus de 40 000 victimes dans le département de la Seine, vers 1830. Les porteurs de chapeaux souffrent d’acrodynie, une neuropathie périphérique qui provoque de vives douleurs aux niveaux des membres. Les porteurs de chapeaux souffrent aussi de stomatite, une inflammation de l’intérieur de la bouche. Cette inflammation cause une forte salivation et des difficultés à avaler. On ajoute à cela les éruptions cutanées.

À toutes ces maladies s’ajoutent des pertes de mémoire, une forte nervosité, des troubles psychiques, mais surtout un langage confus. Ainsi est né le surnom de « chapelier fou ». Il l’était à cause du mercure.

Aujourd’hui, le mercure est interdit, à cause des problèmes de santé qu’il inflige. Toutefois, on peut encore trouver du mercure dans l’océan. La consommation de fruits de mer permet alors au mercure de continuer à impacter des vies.

 

Sources :

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