Initialement, David Yarovesky est un pote de James Gunn. Il apparaît notamment dans la peau d’un Ravageur dans le premier Les Gardiens de la Galaxie. C’est donc en toute logique que James Gunn participa ensuite comme producteur exécutif à Brightburn – L’enfant du mal (2019), une série B super-héroïque et horrifique nerveuse qui détourne le concept de Superman. Après ce succès inattendu (33 millions de dollars de recette pour un budget de 6 millions), David Yarovesky est de retour cette semaine avec une nouvelle série B luxueuse : Piégé !
Piégé : un concept efficace
Contre toute attente, Piégé est une série B attachante et efficace, qui repose l’entièreté de son attrait sur un high concept simple. Le personnage incarné par Bill Skarsgard, un petit gars de la rue qui survie en volant ça et là, monte à l’intérieur d’un superbe véhicule dans l’espoir de trouver de quoi dérober. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que cette voiture est un piège mortel mis en place par un oligarque américain sur le point de mourir d’un cancer. Ce dernier, incarné par Anthony Hopkins, veut appliquer, par ce procédé, une forme de justice hégémonique.
Évidemment, Piégé s’inscrit dans la droite lignée de films à concept identique tels que Buried (2010), Phone Game (2002) ou le récent A l’intérieur (2023). Des films simples dans leur forme, sans fioriture, généralement diablement efficace, qui permettent de créer une unité de temps et de lieu souvent salvatrice. C’est aussi le cas avec Piégé, qui propose un divertissement relativement haut de gamme en se reposant sur ce simple concept de A l’intérieur.
Une série B revigorante, mais qui ne parvient jamais à dépasser son idée de base
David Yarovesky opte pour une réalisation très clipée, vive, explosive, dans la lignée d’un Peter Berg ou d’un Michael Bay. On se retrouve avec une mise en scène aérienne, souvent circulaire, agrémentée d’un montage épileptique façon Bay. David Yarovesky va même plus loin en proposant un étalonnage un peu crasseux, très « street » qui rappelle, là encore, le domaine de Michael Bay, Ambulance en tête. Piégé est donc un énième thriller claustro qui se repose sur une tension et une action en lieu exigu. Même si le film n’est pas très original, David Yarovesky a le mérite d’offrir un récit resserré, ramassé, suffoquant, un véritable grand huit sans temps mort.
Évidemment, en plus d’être une série B efficace et pétante, Piégé a heureusement des choses à raconter. Avec Piégé, David Yarovesky veut évidemment présenter une opposition de classes sociales. La collision entre deux mondes : celui de la survie et celui de la richesse. Bill Skarsgard et Anthony Hopkins incarnent deux visions du monde, deux conditions, deux ambitions. David Yarovesky vient confronter un riche médecin qui a fait de longues études et un jeune galérien de la rue, qui préfère la facilité à l’effort. De ce schéma social, David Yarovesky va proposer quelques joutes verbales relativement intéressantes autour de la dichotomie du bien et du mal, autour de l’argent, autour du respect social, et autour de la justice sociale.
Malheureusement, le duel psychologique entre les deux personnages demeure souvent assez succin, et parfois même redondant. Surtout parce que les deux personnages sont des clichés ambulants. Bill Skarsgård campe un petit américain défavorisé, qui n’a de respect pour personne, ni pour la loi, ni pour autrui. Mais David Yarovesky nous le rend évidemment emphatique parce que le bonhomme a une fille, qu’il aime. Et s’il est hors la loi, c’est pour qu’elle ne manque de rien. De l’autre côté, Anthony Hopkins incarne un vieux riche blanc cisgenre qu’on a évidemment envie de détester.
Pourtant, ses concepts moraux autour de la justice, de la loi, du respect sont clairement évidents. Alors qui a raison ? Le petit fauteur de troubles ou le vieux riche qui vie dans sa tour d’ivoire ? C’est tout le concept du film. Il est parfois difficile d’y voir clair dans ce récit de vengeance tant les leçons de morale sont floues, et les prises de positions assez grossières. Par moment, David Yarovesky parvient tout de même à distiller un humour sadique assez intéressant. Via quelques plans, notamment sur des panneaux publicitaires (qui renvoient à la société consumériste que Piégé veut dénoncer), David Yarovesky réussi à nous arracher quelques sourires ironiques.
Malheureusement, Piégé ne parvient jamais réellement à dépasser sa condition de série B inoffensive. Parce que pour transcender le genre du thriller claustro en huit clos il faut une sacrée dose d’inventivité dans la mise en scène et/ou dans l’écriture pour réellement offrir quelque chose de novateur, ou à défaut, de ludique.
David Yarovesky manque cruellement d’idées ingénieuses pour faire de Piégé autre chose que son synopsis de départ. Piégé se retrouve vite coincé dans son intrigue, et David Yarovesky va même jusqu’à utiliser quelques facilités scénaristiques déconcertantes pour faire avancer son intrigue, notamment dans l’utilisation de certains objets comme les menottes ou le pistolet, qui n’est ni fait ni à faire (ça nous rappelle le récent Vol à haut risque tient !).
Piégé s’apparente finalement davantage à un Direct-to-DVD ou à un film de plateforme qu’à un véritable film de cinéma. On se demande encore pourquoi Metropolitan FilmExport a opté pour une sortie en salle plutôt que sur une quelconque plateforme tant les chances de réussite de Piégé au box-office sont maigres.
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