« Monkey Man » : un énième John Wick ? [critique]

"Monkey Man" : un énième John Wick ? [critique]

À seulement 33 ans, Dev Patel a déjà une carrière très bien remplie. Vous l’avez certainement découvert en 2008 dans l’excellent Slumdog Millionaire de Danny Boyle. Depuis, le comédien est apparu dans quelques autres succès comme Chappie (2015), Lion (2016) ou encore The Green Knight (2020). Il est de retour cette semaine avec son premier film en tant que réalisateur : Monkey Man.

Monkey Man : Dev Patel se lance dans la réalisation

Pour sa première réalisation, Dev Patel décide de se lancer dans un film d’action musclé qui prend place dans le pays d’origine de ses parents : l’Inde. Le récit raconte le destin d’un jeune homme qui sort tout juste de prison et qui cherche à prendre sa revanche contre l’assassin de sa mère. Une histoire classique pour un film d’action efficace mais parfaitement oubliable.

Dev Patel sur le tournage de Monkey Man

Forcément, Monkey Man va évidemment souffrir de la comparaison avec la saga John Wick, la référence actuelle du genre. La licence portée par Keanu Reeves a évidemment lancé une nouvelle mode dans la fabrication des films d’action. Une approche plus réaliste, plus fluide, plus violente qui semble séduire le public depuis quelques années. Monkey Man tente évidemment de s’inscrire dans cette continuité visuelle par sa grammaire de mise en scène, toujours très proche du héros.

C’est long et répétitif

Malheureusement, Monkey Man, malgré quelques beaux moments d’action, est une proposition beaucoup trop longue. Deux heures de métrage, c’est un peu excessif par rapport à la matière du récit, assez sommaire. Le scénario n’a pas grand-chose à raconter à part une traditionnelle histoire de vengeance qui aurait largement pu tenir sur 1h30.

Le terrible Monkey Man

La faute, notamment, à des flashback trop présents, trop redondants et terriblement surfaits. Des retours en arrière qui servent évidemment à raconter le background de notre héros. Mais ces flashback, visuellement peu inspirés, scénaristiquement un peu stupides, prennent beaucoup trop de place sur un récit déjà cousu de fil blanc. Une sur-explication du contexte qui n’est clairement pas nécessaire, qui prend son public pour un con et qui traduit un cruel manque d’idée de narration.

Quant au schéma narratif de Monkey Man en lui-même, il est très simpliste. Une histoire de vengeance casuelle, mais pas forcément décevante. En soit, on n’a rien contre les scénarios timbres postes. Mais le problème avec Monkey Man, c’est qu’il gère mal son rythme. Dev Patel s’attarde trop sur certains clichés du genre. Par exemple, il passe trop de temps autour de la reconstruction de son héros. Comme dans beaucoup de films d’action, le protagoniste chute, perd, et doit se reconstruire dans un endroit sein pour se relever. Les exemples sont légion : The Dark Knight Rises, Largo Winch, Mourir peut attendre, Equalizer 3, etc…

On retrouve ainsi notre Monkey Man dans un temple où il s’entraîne et gagne en maturité d’esprit. Le coup classique. Pourquoi pas, mais Dev Patel passe bien un quart de son film dans ce décor finalement très répétitif, dans une configuration éculée depuis très longtemps. On se soigne, on s’entraîne, on gagne en philosophie grâce à un vieux sage. Bref, on connaît l’idée…

A contrario, il passe trop vite sur la première partie de son œuvre pourtant intéressante, dans laquelle le protagoniste monte les échelles sociales pour atteindre son ennemi. Des séquences presque sociales, qui portent un regard sur les castes indiennes et sur l’écart de richesse entre puissants et pauvres. Malheureusement, le tout est survolé, un peu comme les séquences sur le ring, trop absentes… 

Un manque d’identité visuelle

L’autre problème de Monkey Man, c’est que le film ne parvient pas à se créer sa propre identité. Dev Patel s’inspire beaucoup de ses aînés et n’hésite pas à piocher à gauche et à droite pour agrémenter son film. Ainsi, dans la première partie, on retrouve un style de mise en scène façon Taken (2008).

Une mise en scène saccadée, montage épileptique, une caméra qui tremble en permanence. Un style qui a imposé le mode opératoire des films d’action du début des années 2010 avec des œuvres comme Sécurité Rapprochée (2012), Sans identité (2011), Colombiana (2011) ou bien évidemment les différentes suites de Taken. Un genre déjà obsolète, et pas franchement très joli à regarder, tout droit sorti de l’école Besson et EuropaCorp. 

Puis, plus tard dans le film, Dev Patel prend un virage esthétique inattendu et propose une mise en scène plus fluide, plus posée, avec des plans fixes qui laissent parler les chorégraphies, à la manière d’un 007 ère Daniel Craig ou de John Wick encore. Cette pluralité des références fait de Monkey Man un film parfois fourre-tout, mais clairement généreux en termes d’action et d’hommages. Malheureusement, le film de Dev Patel va subir la comparaison face à la quadrilogie John Wick, mais aussi face à des productions comme The Raid ou le récent Farang (cocorico). À cause de cette paresse visuelle, Dev Patel ne parvient jamais à réellement magnifier des chorégraphies qui sont pourtant plutôt bien montées.

La légende du Monkey Man

En fait, ce qui sort réellement de l’ordinaire dans Monkey Man, c’est sa localisation. Dev Patel a l’intelligence de placer son récit en Inde, proposant ainsi des décors assez différents des films d’action traditionnels. Il se sert même des légendes et des coutumes de son pays d’origine pour agrémenter son film.

Par exemple, le Monkey Man (qui nous rappelle aussi beaucoup Hit-Monkey) est une légende hindoue. Le personnage est inspiré de Hanuman, symbole de sagesse, de force, de courage, de dévotion et d’autodiscipline. Cette légende remonte à 1500 ans avant notre ère et raconte l’histoire d’un singe divin, symbole de liberté.

Physiquement invincible, mais profondément humain, il met en garde ses partisans contre la « nature précaire d’un pouvoir débridé ». Selon la légende, il s’est cassé la mâchoire en tombant du ciel. Un retour de karma après qu’il ait été trop ambitieux en tentant d’attraper le soleil lorsqu’il était enfant. Le film se déroule dans la ville indienne fictive de Yatana, un mot sanskrit qui peut signifier lutte ou effort, mais aussi vengeance. 

"Monkey Man" : un énième John Wick ? [critique]

Dev Patel transpose ainsi cette légende dans son scénario. Il s’inspire de cette histoire pour construire son personnage, lui aussi symbole de liberté contre l’oppresseur. Après tout, il s’oppose à la caste sociale dominante, riche, influente mais terriblement égoïste, injuste et violente. Une caste opprimante contre les minorités, contre ceux qui n’ont pas les mêmes croyances ou religions, ou les mêmes orientations sexuelles. C’est un peu cliché, peut-être même égocentrique, mais la transposition fonctionne relativement bien. Et on a envie de croire à cette histoire de vengeance juste.

De par cette approche, Dev Patel se sert de ce film d’action pour aborder les problèmes politiques qui rongent l’Inde depuis des décennies. Il critique ainsi directement le pouvoir en place de Narendra Modi depuis 2014, et sa politique d’expulsion et d’oppression musulmane qu’il applique illégalement depuis une décennie. Il parle ainsi de corruption politique et policière, d’injustice sociale et économique, de pauvreté, de précarité, dans un cercle vicieux qui ne semble pas avoir de sortie. Et on pourrait presque penser qu’il prône la violence et la justice personnelle pour enfin débloquer les choses. Presque… 

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