Ladj Ly a frappé un très grand coup avec Les Misérables. Avec ce film, le cinéaste veut dénoncer la réalité qui anime les banlieues françaises. Brûlot contre l’État, film réaliste qui ne tombe pas dans le mono-point de vue. C’est simple, rien d’aussi percutent n’a été fait sur le sujet depuis La Haine.
Les Misérables : un monde gris compliqué à comprendre
La qualité première de Les Misérables, c’est qu’il est tout sauf manichéen. Contre toute attente, Ladj Ly choisit de prendre le point de vue des forces de l’ordre. À l’inverse de Kery James et son récent Banlieusards, le cinéaste prend les policiers comme protagonistes pour montrer la vie compliquée qui anime les banlieues parisiennes. Avec cette idée, il ne place pas les forces de l’ordre comme les grands méchants, mais plutôt comme des soldats fatigués, qui ne savent plus comment gérer un peuple en colère qui en a marre de se faire marcher dessus.
Il offre évidemment une opposition entre les deux camps, mais également un rapprochement, montrant que la police vit dans le même quartier, côtoie la même misère et agit surtout exactement de la même manière. Sans forcément être dépeinte comme corrompue, cette police est en tout cas fanée, entachée par des cow-boys qui jouent aux gangsters. Les confrontations où les deux parties tentent d’atteindre un équilibre fragile sont asphyxiantes. Ladj Ly ne diabolise pas la police, mais tente d’en dresser un portrait brut, sans justifier pour autant ses actes, parvenant à lui donner une certaine justice, surtout à travers le personnage de Damien Bonnard.

Par cette approche qui mélange les points de vue, Les Misérables est un film très précis, d’une justesse à couper le souffle, qui permet de remettre les choses dans l’ordre. Le regard sans jugement quant à une réalité qui dépasse les politiciens et dont les premières victimes sont les habitants des quartiers, quelle que soit leur origine et surtout leur camp. Ladj Ly ne tombe jamais dans la moralisation. Comme Mathieu Kassovitz, il ouvre les yeux sur un affrontement qui dure depuis trop longtemps et met en exergue une banlieue qui brûle de l’intérieur face au désintérêt des puissants.
Les Misérables est un uppercut qui n’a pas usurpé sa réputation. Le bruit que le film a fait à Cannes est entièrement mérité. En plus de traiter ce sujet bancal avec sagesse, Ladj Ly offre une mise en scène parfaitement maîtrisée. Le long-métrage ne tombe jamais dans le pathos ou la surenchère. Le réalisateur met en scène des situations légitimes, totalement crédibles et en même temps parfaitement cinématographiques. Le rythme est haletant, servant une histoire d’une sincérité pure. Le final est d’une force intense, où le spectateur retient sa respiration jusqu’aux tous derniers instants. Une véritable leçon de cinéma et une œuvre rare à la portée inestimable.
Ainsi, Les Misérables est un véritable film coup de poing. Il s’affirme comme le meilleur regard sur la cité depuis La Haine. Rien n’est tout blanc ou tout noir, tout est complexe et inextricable. C’est en tout cas un puissant constat d’urgence, brillant et poignant.
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!["Les Misérables" : l’uppercut de Ladj Ly [critique]](https://cultea.fr/wp-content/uploads/2025/04/phpRWFjUu.jpg)

