L’heure est venue de découvrir Les Belles Créatures, le second long-métrage du réalisateur islandais Guðmundur Arnar Guðmundsson. Une plongée dans la fureur d’une adolescence gangrénée par la violence, mais filmée sous l’œil d’une caméra tout sauf voyeuriste.
Les Belles Créatures : un peu de Zola dans la banlieue d’une Reykjavík contemporaine
Synopsis : « Addi, 14 ans, est élevé par sa mère clairvoyante qui perçoit l’avenir dans les rêves. Il prend sous son aile Balli, un garçon introverti et en marge, victime de harcèlement scolaire. En l’intégrant à sa bande, ces garçons désœuvrés et livrés à eux-mêmes explorent la brutalité et la violence, comme seuls moyens d’expression et d’exister. Alors que les problèmes du groupe s’aggravent, Addi commence à vivre une série de visions oniriques. Ses nouvelles intuitions lui permettront-elles de les guider et de trouver leur propre chemin ? »
Le film s’ouvre ainsi sur le personnage d’Addi, admirablement campé par l’acteur Birgir Dagur Bjarkason. Une séquence onirique où le jeune homme, plongé dans une eau cristalline, confie un de ses songes. Une parenthèse enchantée qui semble se briser à la minute où le film enchaîne sur le quotidien de Balli (Áskell Einar Pálmason), un adolescent introverti et à la marge, harcelé par les autres jeunes de son âge.
Une violence exacerbée qui parait alors se perpétuer au moment où Balli rencontre Addi et sa bande. Un groupe qui, derrière sa cruauté première envers le jeune homme, se révèlera à sa manière aimant et fraternel. Un contraste étouffant qui à lui seul nous résume assez bien l’essence du long-métrage Les Belles Créatures. L’histoire d’adolescents qui, prisonniers du milieu dans lequel ils sont nés, chercheront par tous les moyens d’échapper à leur condition.
La fureur de vivre ou la fureur de s’exprimer ?
Le langage est peut-être un des éléments clés dans Les Belles Créatures. Une œuvre dans laquelle le réalisateur offre sa propre vision déconstruite d’une masculinité toxique. Addi, Balli, Siggi (Snorri Rafn Frímannsson) et surtout Konni (Viktor Benóný Benediktsson) ne sont pas des jeunes hommes foncièrement mauvais.
Ce sont seulement quatre enfants, quatre hommes en devenir qui, au travers d’une narration aiguisée et d’une caractérisation nuancée, sont avant tout victimes d’un contexte familial et social empreint de noirceur et de violence. Des pères absents, des pères violents, des parents désabusés… Le portrait d’une jeunesse au masculin, qui vivant sans repères, doit apprendre par ses propres moyens à se trouver une place dans ce monde peu accueillant.
Grandir rime alors avec sévir, communiquer avec marteler, vivre avec se pencher au-dessus du vide, mais les deux mains dans celles de son meilleur ami. Virgin suicides montrait le poids des injonctions faites aux jeunes femmes. Les Belles Créatures montre toute la pesanteur d’une masculinité empoisonnée sur l’esprit de jeunes garçons ayant évolué dans un monde où parler et frapper vont de pair. La frénésie d’un regard masculin qui ne demande qu’à baisser ses poings pour enfin prononcer quelques mots.
La lumière et la tendresse enfouies sous la noirceur…
La violence du film, parfois portée par des scènes à la limite de l’insoutenable, est soulignée par une certaine forme de luminosité. Qu’est-ce qui fait la singularité d’un film comme Les Belles Créatures ? Sa lumière, sa tendresse.
La réalisation de Guðmundur Arnar Guðmundsson ne survalorise jamais en effet les excès de violence de Konni où cette façon si singulière qu’ont les garçons de se violenter comme pour communiquer. Bien au contraire. Là où l’animosité règne, la froideur domine. Les plans se serrent, le montage se saccade et les teintes se grisent. Une nervosité plastique et esthétique qui s’efface au moment où Konni baissera sa garde pour enlacer tendrement Addi.
Les rayons de la beauté percent alors l’étau opaque de la laideur. Une sublimation soulignée par l’aura surnaturelle du film apportée via le personnage d’Addi qui découvre ses dons de clairvoyance hérités de sa mère (Ísgerður Gunnarsdóttir), ainsi que sa photographie extrêmement soignée. Le temps de la narration s’étire ainsi pour laisser la sensibilité des acteurs prendre toute sa splendeur dans de longs plans d’ensemble. Derrière la rudesse sa cache la tendresse à travers l’amitié.
Une mise en scène documentaire et une narration naturaliste soulignées par le regard juste d’un réalisateur qui a su avec acuité dessiner le portrait d’une jeunesse aussi effrayante que belle. Les Belles Créatures, un film bercé entre poésie et cruauté mais, indéniablement percutant. À découvrir le 25 septembre 2024 au cinéma.
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