En voilà une expression française peu rassurante, et pour cause ! Vous avez sûrement dû entendre autour de vous des individus évoquer cette fameuse épée de Damoclès. Un outil saillant qui lévite au dessus de votre tête, prêt à vous assaillir à la moindre occasion. Ca donne envie non ? Avouez-le, vous la connaissez bien cette sensation du danger qui plane dans l’air, cette menace continuelle qui vous prend souvent au dépourvu.
Des situations inédites
Sans aucun doute, il nous arrive à tous de nous retrouver quelquefois dans des situations inconfortables : faire un choix délicat, prendre un risque majeur, manquer à la réalisation d’objectifs que l’on s’était fixés. Et dans ces moments-là, outre un profond sentiment d’échec, c’est l’angoisse qui nous abat d’un coup, et d’un seul.
C’est bien cette idée que semble illustrer « l’épée de Damoclès », allégorie du danger éminent et que l’on ne voit pas venir, celui qui pourrait nous frapper tel l’éclair, à n’importe quel moment…
Mais d’abord, qui est Damoclès ?
Pour commencer, plongeons-nous au sein de la mythologie grecque afin d’éclairer notre lanterne. C’est à Timée de Tauroménion, historien grec, que reviennent les honneurs. En effet, Damoclès n’est nul autre qu’un personnage de ses Histoires. De quoi ça parle ? Nous sommes à Syracuse, ville sicilienne somptueuse et au patrimoine prodigieux. Dans un château vivait Denys l’Ancien, le tyran.
C’est là qu’entre en scène Damoclès. Roi des orfèvres, ce dernier ne tarissait pas d’éloges envers Denys dont il enviait le pouvoir sans limites. Son maître, étonné et fatigué de cela, envisage de lui proposer sa place pour une journée entière. Quel ne fut pas l’engouement de notre orfèvre : décider, n’y a-t-il pas de rôle plus impactant ?
Lors de cette fameuse journée, un festin est donné. Damoclès, confortablement assis, finit par remarquer, suspendue juste au-dessus de sa tête, une grande et somptueuse épée, tenue par un crin du cheval du tyran. Perdant de sa quiétude, il se tourne vers Denys qui ne manque pas de lui expliquer le fond de sa pensée. L’idée que l’on se fait de ses fonctions est fallacieuse, témoigne-t-il.
Certes, le pouvoir est bien présent mais à tout moment, il peut disparaître aussi vite que sa vie elle-même, il suffirait qu’il soit assassiné. Le pouvoir et la reconnaissance, oui, mais à quel prix ? A méditer…
La symbolique de l’épée
L’épée, création somme toute bien cruelle, est vectrice de divers symboles. Dans notre inconscient collectif, l’épée renvoie indéniablement à la chevalerie et donc au combat. Arme tranchante, l’épée ôte la vie de l’adversaire avec violence et rage. Elle invite au duel, au rapport de force exacerbé et à l’horreur. Celui qui se targue de savoir combattre se doit également de manier l’épée comme une extension de ses propres membres. A cet effet, cette création meurtrière peut prendre des atours d’injustice et d’inhumanité.
Pourtant, il convient de réaliser qu’elle tue au même titre qu’elle protège les plus démunis. La menace sanguinaire se fait le prélude à la justice rétablie et à la clémence. Etrange paradoxe, n’est-t-il pas, que la main qui la tienne puisse tant servir les forces obscures que les lumineuses ? Quelle dualité poétique que cet objet à double tranchant.
Outre cette définition oxymorique, l’épée est l’outil conférant à l’homme un titre et une reconnaissance. C’est au moyen de celle-ci qu’un chevalier se fait adouber. En cela, elle se ferait l’allégorie d’une puissance spirituelle. Aussi il convient de rappeler que le symbole de l’épée comme force ésotérique tire ses origines du Moyen Âge.
En effet, il n’y a qu’à se replonger dans la quête du Graal faite par notre cher Perceval pour se délecter de la magie qu’elle contient et des mystères qui en émanent. En plus d’évoquer le rapport de force, cette arme coupante fait référence au combat psychique, à celui que l’on mène peut-être également avec ses propres démons. Elle permet une élévation de l’âme, qui après avoir connu la souffrance, connaît un souffle nouveau.
Après tout, comme le déclare Boris Cyrulnik : « Tout être blessé est contraint à la métamorphose ». L’épée fait également penser à la vision claire, à l’honnêteté intellectuelle et à l’intuition, qualités souvent mobilisées par les érudits.
Enfin, si elle permet de couper la peau et d’annihiler l’élan vital, l’épée permet aussi de couper des chaînes et de se faire fervent défenseur de la liberté.
Illustration de la malfaisance, de la destruction et du massacre, l’épée nous protège, nous élève et nous inspire. Il semblerait que le fléau soit aussi le héros.
Les adaptations du mythe
Parce qu’il est intéressant d’analyser les inspirations suscitées par la mythologie grecque, nous vous avons déniché une merveilleuse toile de Felix Auvray intitulée L’épée de Damoclès. Elle a été peinte en 1831 et est exposée aux Musée des Beaux-Arts de Valenciennes. Le peintre met en scène un festin, avec au centre Damoclès levant la tête vers l’épée. Comme un objet céleste, elle trône fièrement au-dessus de sa tête.
Si vous êtes en quête de suspense, tournez-vous sans plus attendre vers l’œuvre du même nom de Patrick Meens. Ce roman policier fait fi de toute notion de temporalité et joue avec la mort comme vous l’avez rarement vu.
Enfin, nous n’oublions pas les cinéphiles ! Manuel Schapira a réalisé en 2016 un film appelé Damoclès. Il y met en scène un homme qui se rend chez une voyante. Cette chère dame lui fait une prophétie qu’il ne croit que très peu, et il continue sa vie sans trop d’inquiétudes. Après tout, il serait stupide de croire que la menace est prête à surgir, quoique…
Si vous désiriez une explication de cette expression, c’est chose faite ! Usitée de nos jours comme signe de mauvais augure et insaisissable, elle nous fait souvent froid dans le dos. Et si Damoclès avait simplement choisi de changer de place à ce festin, qu’en serait-il actuellement ? Roi des orfèvres, dans ta miséricorde, range cette maudite épée !
4 Replies to “L’épée de Damoclès : une histoire à couper au couteau !”