« La Vie douce » de Célia Millat et Bastien Garcia est un hommage à l’ordinaire [critique]

C’est l’histoire d’une amitié qui se transforme en série YouTube. Depuis deux ans, Célia Millat et Bastien Garcia, deux jeunes réalisateurs, filment les épisodes de la web série La Vie Douce. Si vous suivez la série, tous vos dimanches ou presque doivent être rythmés par la sortie d’un épisode. À une époque où il faut briller et s’exhiber, La Vie Douce dresse un tableau subtil d’une génération sensible. 

La Vie douce, une immersion dans notre propre quotidien

Célia Millat, Bastien Garcia, ainsi que la plupart des acteurs de La Vie douce, se sont rencontrés à l’occasion d’un stage à l’Actors Factory, une école de cinéma parisienne. L’amitié est si forte qu’ils décident de monter un projet artistique ensemble : La Vie douce est née.

La série YouTube comporte désormais 66 épisodes qui durent entre cinq et trente minutes. Les réalisateurs, qui jouent également dans la série, filment le quotidien de jeunes gens qui nous ressemblent. La série aborde des thèmes omniprésents dans notre quotidien : l’amour, l’amitié, la famille, mais aussi le doute, la quête et la solitude. La caméra filme avec beaucoup de sensibilité les relations humaines, qu’elles soient familiales, amicales ou amoureuses.

Célia Millat et Bastien Garcia brouillent la frontière qui sépare la fiction de la réalité. Les premiers épisodes peuvent nous gêner tant les images, les échanges et les gestes des personnages sont réalistes. Chaque acteur semble jouer son propre rôle. On peut même avoir la désagréable impression de trop se reconnaître dans les personnages.

Ces derniers deviennent cependant tous très attachants au fil des épisodes. Les réalisateurs filment des moments que l’on pourrait juger trop ordinaires pour figurer dans une série : les premières minutes un peu embarrassantes d’un « date » ou encore l’ennui de l’été. Les personnages arrivent toutefois à mettre en valeur toute la poésie qui peut se dégager d’un quotidien parfois terne. La caméra sublime particulièrement bien les creux de l’existence, ces moments de la vie qui sont un peu moroses sans être dramatiques. Les musiques et les scènes dansées rendent les images encore plus légères et poétiques.

YouTube, un espace de création

Le format de la web série YouTube est très original. Un épisode sort quasiment chaque dimanche sur la chaîne YouTube de la série depuis deux ans. Le spectateur a ainsi l’impression de voir grandir chacun des personnages.

Le choix même de la plateforme est lui aussi particulièrement intéressant. En effet, elle permet à Célia Millat et à Bastien Garcia de bénéficier d’une plus grande liberté artistique et de diffuser plus largement leur travail. On retrouve par ailleurs des figures connues de YouTube dans La Vie douce, comme Kemar ou Le Monde à l’Envers. La plateforme ne permettant pas aux réalisateurs d’être rémunérés, ils ont lancé une cagnotte Tipeee afin d’obtenir des soutiens financiers.

Nous n’avons pas coutume d’associer YouTube à des courts et longs-métrages. Les web séries font toutefois de la plateforme un véritable espace de création, notamment pour les générations de réalisateurs plus jeunes, qui ont grandi avec elle. Pour la première fois cette année, le festival du court-métrage de Clermont-Ferrand décernera un prix YouTube à un court-métrage diffusé à l’origine sur la plateforme. C’est l’occasion de montrer que les travaux diffusés sur YouTube ont leur place au sein d’un festival de cinéma.

La Vie douce nous appelle à la bienveillance vis-à-vis des autres et, surtout, vis-à-vis de nous-mêmes. N’hésitez surtout pas à aller voir les premiers épisodes sur YouTube ! Célia Millat et Bastien Garcia prévoient par ailleurs de projeter bientôt leur premier long-métrage, très largement inspiré de la série.