Retour sur un évènement historique du Portugal qui fêtait en 2024 son 50ème anniversaire : la révolution des œillets.
Contexte historique
Le Portugal a été une dictature pendant près de 40 ans, de 1933 à 1974, sous l’Estado Novo dirigé par le dictateur António Oliveira Salazar, puis par Marcelo Caetano. Comme toute dictature, il s’agissait d’un régime autoritaire régi par la répression des opposants politiques, une censure sévère, la suppression de libertés comme les grèves et une police politique avec la PIDE. De plus, ce régime s’appuie sur 3 piliers : l’Eglise, l’armée et le patronat.
Cette dictature n’était économiquement pas efficace, créant de grandes inégalités sociales, une stagnation économique et une pauvreté généralisée principalement à cause des guerres coloniales que le régime entretenait avec notamment l’Angola, le Mozambique et le Guinée-Bissau. En effet, les guerres coloniales causèrent la mort de 16 300 soldats coloniaux et 26 000 soldats indépendantistes. C’est ainsi qu’un sentiment de rébellion s’est formé au sein des militaires et de la population plus généralement.
C’est alors que le Mouvement des Forces Armées naît, constitué de militaires voulant tourner le dos au régime suite au rejet de décrets pouvant leur faciliter les guerres coloniales. Bien que l’origine de ce mouvement ne partait pas forcément de leur envie de rejeter le régime, ils déduisent pourtant que la solution était de faire cesser les guerres et ainsi de changer le régime politique.
La révolution des œillets
Le 25 avril 1974, à minuit, le MFA engage son coup d’état non-violent ainsi organisé par des militaires comme Otelo de Carvalho. C’est par la diffusion à la radio de Grândola, Vila Morena, chanson interdite par le régime, que les militaires se lancent pour s’emparer des points stratégiques du pays. Il s’agit alors d’occuper les aéroports, les stations de radio pour diffuser les messages de la MFA et les quartiers généraux militaires.
Malgré les appels des militaires incitant la population à rester chez eux, les Portugais les rejoignent dans les rues. Le marché aux fleurs de Lisbonne devient une place centrale de l’occupation des militaires. Une vendeuse décide de distribuer aux militaires les fleurs de saison, des œillets rouges. Les officiers auront l’idée de mettre cette fleur dans les canons de leurs fusils, devenant ainsi le symbole de la révolution et du pacifisme de celle-ci. La foule chante l’hymne national portugais et d’autres chansons patriotiques dans les rues, les poings levés.
Seulement, la police politique PIDE a voulu résister à ce coup d’état en tirant dans la foule et a malheureusement fait 6 morts.
Marcelo Caetano, dictateur du régime, retranché dans la caserne principale de la gendarmerie de Lisbonne, a été encerclé par le capitaine Salgueiro Maia et ses hommes du MFA. Soucieux d’éviter que le pouvoir ne tombe entre les mains des rebelles, le dictateur déchu accepte de se rendre, à condition de transférer le pouvoir au général Spínola, ancien principal officier qui prône la démocratie au Portugal. Après cet accord, Marcelo Caetano a été exilé au Brésil.
Dès le 26 avril, le général Spínola, dirigeant une junte de salut national, a annoncé la restauration des libertés publiques, la libération des prisonniers politiques et le retour des exilés, dont l’opposant socialiste Mario Soares. Devenu président, Spínola a formé un gouvernement pluraliste et initié le processus de décolonisation des colonies portugaises en Afrique, qui s’est achevé en 1975.
Conséquences
Ce coup d’état a permis la chute de la dictature salazariste et la construction de la démocratie au Portugal, ouvrant la voie à la réalisation des premières élections libres au suffrage universel, ainsi qu’à l’indépendance des colonies africaines. Celui-ci, organisé par des officiers, a la particularité de ne pas avoir donné suite à un nouveau régime autoritaire cette fois-ci régi par des militaires. La Revolução dos Cravos en portugais marque le début de la démocratisation du Sud de l’Europe, suivi par l’Espagne et la Grèce. Cette révolution a aussi permis l’ouverture du Portugal à l’Europe, jusqu’alors isolé par la dictature.
C’est ainsi que la révolution des œillets compte parmi les révolutions les plus pacifistes du monde, marquée par une quasi-absence de violence.
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Sources :
- La révolution des œillets : Lumni
- La révolution portugaise par Alan Woods