Les traces de la plus ancienne grève la situent en Egypte, sous le règne de Ramsès III. Des artisans employés sur un chantier se mirent en grève pour réclamer leur salaire.
Les ouvriers qui ont construit la pyramide de Khéops vers 2 558 av. J.-C. ont mené la plus ancienne grève en Égypte. Selon l’historien grec Hérodote, les artisans qui participaient à cette construction recevaient une partie de leur salaire sous forme d’ail. On leur attribuait également une ration quotidienne de cette plante, dans le but d’améliorer leurs performances physiques et de renforcer leurs défenses immunitaires. Les vertus médicinales de l’ail étaient bien connues depuis l’Antiquité. Cependant, un jour, les autorités ont décidé de supprimer cette ration quotidienne. Les artisans ont alors déclenché une grève pour exprimer leur mécontentement.
La véritable première grève en Egypte
Mais l’épisode de grève le plus connu est celui des ouvriers de Deir-el-Medineh en 1 166 av. J.-C. Toujours en Egypte, les monuments de la Vallée des rois étaient en construction. Les travailleurs étaient employés par Ramsès III.
Guillemette Andreu-Lanoë, égyptologue, évoque ce conflit :
« Les caisses de l’État commencent à être vides, il devient alors compliqué de continuer à approvisionner les équipes. D’autant plus que Ramsès III a la folie des grandeurs : il veut une tombe très, très, très grande. L’équipe est donc augmentée pour atteindre un effectif de 120 hommes… que l’État n’est plus en capacité de payer. »
Cet épisode est mentionné dans le Papyrus de la Grève se trouvant au musée Egyptien de Turin en Italie. Le scribe Amenakht nous raconte cette grève :
« 29, deuxième mois de l’hiver, jour 10. Ce jour-là, l’équipe est passée devant les cinq postes de garde du tombeau en disant : ‘Nous avons faim, car 18 jours se sont déjà écoulés en ce mois’ et ils s’assirent à l’arrière du temple de Menkheperrê. »
Le scribe : une place primordiale dans cette grève
Habituellement, le scribe a pour fonction d’enregistrer tout ce qui se passe, l’avancée du travail, la progression et les difficultés rencontrées sur le chantier. Il va devenir le témoin privilégié du premier mouvement de grève connu de l’histoire.
« Les artisans en charge de la construction du tombeau du pharaon se mirent en grève pour protester contre le retard de ravitaillement de différents produits qui leur étaient indispensables : de la farine et de l’huile. A l’époque, ces artisans percevaient des rations de nourriture : des miches de pain, des mesures de bière, en quantités fixées selon le métier et la fonction de chacun ; et même des sacs de céréales pour les contre-maîtres et les scribes. »
Les ouvriers manifestèrent leur insatisfaction en arrêtant de travailler. Ils bloquèrent l’activité des bâtiments administratifs et des temples. Le scribe observa attentivement la situation afin de rédiger un rapport détaillé à ses supérieurs. Les autorités s’efforcèrent de convaincre les artisans de reprendre le travail.
Le scribe Amenakht relate leur réponse :
« Si nous en sommes arrivés à ce point, c’est à cause de la faim et de la soif ; il n’y a plus de vêtements, ni d’onguents, ni de poissons, ni de légumes ; écrivez au pharaon, notre bon seigneur, à ce propos, et écrivez au Vizir, notre supérieur, pour que les provisions nous soient données. »
Une grève dans la durée pour obtenir gain de cause
La grève va s’étendre sur plusieurs jours. La première action de ces ouvriers a été d’aller manifester devant les temples de la région. Ces grands temples étaient de véritables relais économiques de l’administration royale. Ils assuraient une partie de leur rémunération en nature.
Dans le village de Déir el-Médineh, des chercheurs ont retrouvé des étiquettes avec des inscriptions sur des jarres. Elles permettaient de transporter la viande, la bière, le vin. Beaucoup de ces récipients provenaient du grand temple de Ramsès II. Les ouvriers se sont rendus là où on pouvait leur débloquer une aide alimentaire d’urgence.
Après plusieurs jours de grève, les ouvriers présentent leurs revendications au pharaon. Le papyrus ne permet pas de connaître précisément le déroulement de cette fin de grève. Des rations ont été distribuées temporairement aux ouvriers. L’apaisement sera de courte durée. La grève s’étalera sur plusieurs semaines avant que les artisans n’obtiennent enfin gain de cause. Ils reprendront finalement le travail.
Il y a 3 000 ans déjà, il convenait de faire durer la grève pour obtenir des résultats. Encore aujourd’hui, le système est resté le même.
Sources :