Tout le monde connaît le nom de Ramsès II. Le « pharaon bâtisseur » a laissé une trace indélébile dans l’Histoire à travers des constructions incroyables, le temple d’Abou Simbel en tête. Mais pour les Egyptiens de l’époque, sa grandeur ne repose pas exclusivement sur des édifices. Non, sa divinité provient d’un événement clé de son règne : la bataille de Qadesh. Considérée comme la première grande guerre de l’Antiquité, elle permit au pharaon d’acquérir une notoriété jamais vue auparavant. Pourtant, ses exploits militaires sont aujourd’hui contestés, voire perçus comme une propagande orchestrée par le pouvoir…
La revanche de Ramsès II
Le règne du pharaon fut l’un des plus longs de l’histoire égyptienne, s’étendant de 1279 à 1213 avant J.-C. Comme d’autres figures de l’Antiquité, il était vénéré par son peuple et craint par ses ennemis. Formé à l’art de la guerre dès son plus jeune âge, il fut nommé chef des armées à 10 ans par son père et souverain, Séthi 1er. Illustre pharaon ayant grandement participé au rayonnement économique et culturel de l’Egypte, il fut le premier à arracher Qadesh aux Hittites, un peuple d’Asie mineure. Mais, alors qu’il retournait sur ses terres, la cité fut reprise presque aussitôt par l’adversaire. Lorsque Ramsès II décide de reprendre Qadesh après cinq années de règne, l’objectif est double : laver l’honneur de son père, et graver sa légende pour l’éternité.
La bataille de Qadesh
Hittites et Egyptiens revendiquent tous deux le royaume d’Amurru, en actuelle Syrie. À la frontière se situe Qadesh, ville lourdement fortifiée dans la vallée du fleuve Oronte. Une position hautement stratégique donc, convoitée par les deux empires. Le roi Muwatalli, à la tête des Hittites, n’entend pas laisser tomber la cité si facilement. Il envoie ses espions désinformer les troupes adverses, soufflant aux Egyptiens que leur victoire est assurée, l’autre camp hésitant à prendre les armes.
Après un mois de marche, l’armée du pharaon arrive finalement en bordure de Qadesh au mois de mai 1274 avant J.-C. Ramsès II, confiant d’inspirer la peur à ses ennemis et se croyant en sécurité, ordonne de s’arrêter afin de récupérer. Mais alors que les soldats se reposent, Muwatalli et un bataillon de 2500 chars hittites attaquent par surprise. Désemparés, les Egyptiens tentent de résister, mais les troupes adverses fondent vers les tentes royales.
La légende débute alors. Ramsès II, entouré d’Hittites, voyant ses alliés périrent les uns après les autres, se jette seul dans la bataille. Il enfourche le char le plus proche, attrape un arc et perce les troupes adverses, renversant une situation désespérée. Comme protégé par les dieux, sa hargne va encourager ses troupes à combattre jusqu’au bout. Cet acte héroïque va faire l’objet d’un bas-relief célèbre, les récits vont se multiplier. Le constat est évident : Ramsès II est un dieu parmi les hommes. Auréolé de gloire, son retour en Egypte le propulse au rang du pharaon suprême, adulé de tous. Mais cette version, fantasmée est aujourd’hui critiquée par les historiens. Si les sources Hittites ne sont pas légion, des documents permettent tout de même de remettre en cause l’exploit militaire de Ramsès II.
Papyrus et propagande
Le conflit ainsi que son courage légendaire sont relatés dans le poème de Pentaour, écrit par… Son propre scribe. Comme le dit l’adage, « L’Histoire est écrite par les vainqueurs ». Ce qui laisse penser que la bataille de Qadesh est davantage une victoire personnelle que militaire. Deux raisons à cela.
L’œil d’Horus ou des généraux ?
D’abord, car le conflit ne s’est pas déroulé comme relaté dans les textes officiels. L’affrontement fut un bain de sang terrible, à tel point qu’un cessé le feu suivi d’une trêve ont été déclarés le soir même, afin d’éviter un nouveau massacre. Plus encore, le pharaon était dans une posture calamiteuse, qui aurait pu lui coûter la vie. En vérité, son salut vint des stratèges militaires égyptiens qui avaient anticipé la menace d’une embuscade, envoyant une division de char à Qadesh par la mer. Bien malins furent-ils, puisque ces renforts obligèrent les forces de Muwatalli à battre en retraite vers le fleuve Oronte. Ramsès II n’a donc pas repoussé à lui seul les troupes adverses, comme l’affirment les récits.
Finalement, huit ans plus tard, Ramsès II s’empare sans difficulté d’une ville de Qadesh en pleine crise de succession. Cependant, alors qu’il aurait pu réduire le royaume Hittite en poussière, il confectionna le premier pacte de paix connu. Ainsi, la prise de la cité fut d’abord un échec cuisant, puis une formalité n’opposant aucune résistance.
Déchiffrer les hiéroglyphes
Mais sa victoire réside aussi dans son statut quasi divin suite à la bataille. Avec le poème de Pentaour, le pharaon se fait une place au panthéon des plus grands personnages de l’Histoire. C’est pourtant une réelle manipulation des faits qui fut orchestrée. À l’instar des régimes dictatoriaux contemporains, le gouverneur a caché la réalité afin de sublimer son image. Résultat ? Cet épisode est relaté dans la quasi-totalité des temples, des fresques et autres documents. Le fameux traité de paix, source d’admiration pour le peuple qui vit en lui un diplomate grandiose, n’est pas à l’avantage de l’Egypte. Pire encore, suite à la trêve et avant de conquérir Qadesh en 1269 avant J.-C., la majorité du territoire revient au royaume hittite. Première grande bataille de l’Antiquité, et première propagande ?
Ramsès II s’est forgé sa propre légende. Ses talents militaires ne sont pas mensongers, et son aura fut certainement cruciale pour motiver les troupes. Pour autant, difficile de lui attribuer l’entière réussite de ce qui n’est qu’une victoire au goût amer. Le fameux poème de Pentaour dresse un portrait glorifié du pharaon, véritable tremplin pour s’affirmer aux yeux du peuple égyptien.
Pour en savoir plus :
- Les grandes Civilisations de l’Histoire, Histoire de l’Egypte Ancienne, Paris, ORACOM, n°16 Juill-Août-Sept, 2019, 145 p.
- Simplissime, Le livre pour comprendre l’Egypte Antique le + facile du monde, Vanves, Hachette, 2019, 256 p.
Merci Corentin pour vos explications sur l’épisode de la bataille de Quadech.
C’est succinct et très clair.