Non, la France Antarctique ne se situe pas en Antarctique. Mais au bord des côtes brésiliennes, près de Rio de Janeiro, dans la baie de Guanabara de 1555 et 1560. La France s’est aventurée sur tous les continents du monde, alors il est probable que vous ne connaissiez pas cette colonie française.
Premières expéditions françaises au Brésil
Parmi les expéditions françaises à la conquête du nouveau monde, l’une fut la tentative de colonisation dans la région de Rio de Janeiro, au Brésil. C’est le navigateur Binot Paulmier de Gonneville qui, en 1504, fut sûrement le premier Français à accoster au Brésil. Il y passa six mois et revint en France avec Essemeric, fils du chef d’une tribu locale, les Carijós. Après lui, de nombreux marchands s’installèrent là-bas. Depuis 1494, le Brésil était tombé sous la souveraineté portugaise avec le traité de Tordesillas. Mais le roi François Ier voulait s’implanter là-bas. Donc à partir de 1523, le navigateur Verrazano y mena plusieurs expéditions. En 1554, le corsaire français Nicolas Durand de Villegagnon s’aventura en secret sur la côte brésilienne. Il retrouva là-bas plusieurs protestants qui s’y étaient réfugiés et obtint pléthore d’informations utiles à l’établissement d’une colonie.
Genèse de la France Antarctique
Le projet de Nicolas Durand de Villegagnon était d’établir une base navale militaire dans la baie de Guanabara. Celle-ci permettrait aux Français de prendre le contrôle d’une partie du commerce avec les Indes occidentales. Mais aussi d’offrir un refuge sûr aux huguenots, des protestants français persécutés en Europe. Par ailleurs, cette région était délaissée par les Portugais : ils craignaient la population locale, les Indiens Tupinambas (qui étaient cannibales). Mais Villegagnon parvint à se lier avec eux. En revenant en France, il persuade Diane de Poitiers d’établir une colonie au Brésil. Henri II remet des fonds à Villegagnon et l’organisation de l’expédition à son ministre Gaspard de Coligny. Le projet fut soutenu par plusieurs investisseurs de Dieppe, et Villegagnon recruta son équipage parmi les prisons du nord de la France. L’expédition partit du Havre en août 1555, à trois navires et 600 personnes. Le capitaine Nicolas Barré dirigeait le voyage.
Conquête de la baie de Guanabara
L’expédition atteignit le Brésil en novembre 1555. Les Français s’installèrent sur l’île de Serigipe et construisirent (avec l’aide des indigènes) un fort pour protéger leur colonie naissante : le fort Coligny. Cependant, dès le début, la France Antarctique fut confrontée à de nombreux défis. Les relations avec les autochtones Tupinambás se détériorèrent rapidement, entraînant des conflits qui compromirent la sécurité de la colonie. En effet, les Français donnaient aux indigènes une plus lourde charge de travail. Villegagnon demanda du soutien de la part du roi : des soldats professionnels, des femmes à marier sur place et des ouvriers spécialisés.
Dès février 1556, la France Antarctique fait face à sa première révolte. Une trentaine de personnes tentèrent d’assassiner Villegagnon. Mais le complot fut vite mis au jour, certains des révoltés s’enfuirent, deux furent pendus et d’autres punis. Villegagnon força ses troupes à épouser des femmes indigènes. Mais beaucoup s’échappèrent en forêt vivre avec les Tupinambás. Certains Français repartirent en France. En outre, les autorités coloniales à Paris n’accordaient que peu d’attention et de ressources à cette colonie éloignée, préférant concentrer leurs efforts sur des territoires plus établis en Amérique du Nord et dans les Caraïbes. Le manque de ravitaillement et de renforts fut un obstacle majeur pour les colons français en terre brésilienne. En effet, les soutiens demandés par Villegagnon n’atteignirent jamais ses espérances.
La fin de la France Antarctique
En 1560, une nouvelle force menaçante fit son apparition : les Portugais. Ces derniers considéraient le territoire de la France Antarctique comme faisant partie intégrante de leur empire colonial naissant. Ayant laissé les Français s’installer jusque-là, le nouvel héritier du royaume du Portugal envoya de nouveaux renforts pour prendre d’assaut la baie de Guanabara. Les Portugais, déterminés à reprendre possession de la région, lancèrent une série d’attaques contre les Français. Ils prirent d’abord un navire français et ces derniers se retrouvèrent rapidement acculés, dépassés en nombre et mal préparés pour résister à une telle pression. Le 15 mars, les Portugais annoncèrent un ultimatum aux Français. Legendre de Boissy, le colon qui tenait le fort Coligny, voulu le défendre. Le 17 mars, les Portugais avaient conquis le fort, qu’ils rasèrent le jour même. En 1567, les Portugais réussirent à chasser définitivement les Français de la région, mettant fin à l’aventure de la France Antarctique.
Malgré son échec, la France Antarctique laisse un héritage historique significatif. Après l’expulsion des Français, les Portugais consolidèrent leur contrôle sur la région de Rio de Janeiro. La fondation de la ville de Rio de Janeiro en 1565 fut une conséquence directe de cette rivalité franco-portugaise. En voyant la population française subsister, les Portugais décident de fonder une ville dans la région. C’est Estácio de Sá qui dirigea l’expédition qui débarrassa la région des Français. Le 1er mars 1565, il pose les premières pierres de la ville : une ligne de défense sur une plage entre le Mont du Pain de Sucre et le mont Cara de Cão.
La France Antarctique fut une expérience coloniale ambitieuse et tumultueuse du XVIe siècle. Souvent oubliée, mais à l’origine de la création de la ville de Rio de Janeiro.