Août 1961, dans la nuit du 21 au 22, un tableau de Francisco Goya disparaît. Pendant plus de quatre ans, les enquêteurs essayeront de remettre la main sur le tableau. En vain. Il faudra attendre 1965 pour que Kempton Bunton ne se rende aux autorités, après avoir rendu le tableau. Cependant, il se trouve que le coupable en cachait un autre.
Nous sommes dans les années 1960 en Angleterre, lorsque le vol a été commis. Kempton Bunton, un chauffeur du bus britannique retraité, se bat depuis des années contre la redevance audiovisuelle qu’il juge trop chère. Pour lui, les personnes âgées ne devraient pas avoir à la payer. Par ailleurs, le retraité a été arrêté plusieurs fois pour ne pas avoir réglé ses factures de la BBC. Il estime alors que la télévision est le seul passe-temps pour les personnes âgées, souffrant de solitude. Ainsi, elles ne devraient pas avoir à la payer.
Le feu aux poudres
Kempton Bunton milite donc pour cette cause : il envoie des lettres et des pétitions aux députés ; mais aucune d’entre elles n’est prise au sérieux. Un jour, en 1961, le Gouvernement britannique se vante d’avoir réussi à garder le portrait du Duc de Wellington, un tableau de Goya exposé à la National Gallery de Londres, pour la modique somme de… 140 000 livres. En l’apprenant, le retraité militant s’étrangle : 140 000 livres équivalent à 30 000 redevances télé ! Il enrage du fait que le Gouvernement ait dépensé autant d’argent pour une chose aussi vaine à ses yeux. Cet acte symbolise selon lui le mépris de l’élite envers les populations les plus démunies.
Quelque temps plus tard, le 22 août 1961, la presse anglo-saxonne s’affole : un tableau de Goya a été dérobé à la National Gallery de Londres ! « Le meilleur » selon les experts : le fameux portrait du Duc de Wellington. Pour ajouter une couche à cette disparition, l’agence de presse Reuters reçoit dès le lendemain une curieuse lettre. Il s’agit d’une rançon. Le précieux tableau ne sera restitué que si l’auteur du méfait est amnistié et seulement lorsque la somme de 140 000 livres sera versée à une œuvre de charité. Une œuvre de charité qui aide à payer les redevances télé des personnes les plus pauvres. Vous le voyez venir, n’est-ce pas ?
Kempton Bunton : coupable ?
Si les autorités imaginent se trouver face à de vrais professionnels de vol d’œuvres d’art, ils sont bien loin de se douter qu’il s’agit d’un sexagénaire retraité jouant les Robin des Bois. Et même s’ils avaient trouvé cette piste – ce qui n’est pas le cas – eh bien, ils se seraient tout de même trompés.
Nous sommes début août 1961. Le fils de Kempton Bunton, John Bunton, décide d’aller voir de ses propres yeux cette précieuse toile. Une fois sur place à la National Gallery, ce dernier est surpris par le manque de sécurité. En effet, en dépit de sa valeur colossale de 140 000 livres – pour qu’elle ne passe pas aux mains des Américains – la toile est tout de même assez facile d’accès. Une idée germe alors dans l’esprit du fils Bunton. Et s’il volait le tableau pour le revendre, dans l’intérêt de son père ? Eh bien, c’est ce qu’il fera.
John Bunton parvient à dérober le tableau évalué à une centaine de milliers de livres. Lorsqu’il retourne chez son père, ce dernier le met immédiatement dans la confidence et ils décident de le cacher. Désormais en lieu sûr, Kempton Bunton décide de demander une rançon. Il camoufle son écriture et envoie la lettre aux médias. Malheureusement, malgré le flot de panique chez ces derniers à cause du vol, personne ne la prendra au sérieux. En attendant, le tableau de Goya reste bien au chaud au fond d’une armoire, tandis que des enquêteurs cherchent la moindre piste pour le retrouver. Et ce, pendant de longues années.
Le voleur retrouvé – ou plutôt, qui s’est dénoncé
Il faudra attendre quatre ans avant que Kempton Bunton ne se décide à rendre le tableau. Ce dernier le laisse dans une consigne de gare et envoie le ticket au Daily Miror pour qu’ils découvrent le tableau. Breaking News : le portrait du Duc de Wellington a enfin été retrouvé ! Plus tard, Kempton Bunton se rend aux autorités pour avouer son crime. Le retraité devient alors un véritable Robin des Bois moderne dans les médias. L’opinion publique est favorable à sa cause et ainsi, lors de son procès, il n’écopera que de 3 mois de prison. En effet, son avocat avancera que rien ne stipule dans la loi que l’on ne peut pas emprunter une œuvre si notre intention est de la rendre. Ainsi, il sera condamné pour le vol du cadre qui lui, n’est jamais réapparu.
Pourtant, quelques années plus tard, on apprendra que le vrai coupable était en réalité son fils. De fait, John Bunton s’était déjà incriminé auprès des autorités, mais ces dernières n’avaient pas cru à son récit. Alors, pour éviter l’embarras de jeter un innocent en prison, on l’a laissé repartir. Ainsi, le tableau aurait pu être retrouvé bien des années auparavant. Mais bon, tout vient à point à qui sait attendre !
Le vol du tableau se résume donc en une preuve de lien très fort entre un père et son fils. Le fils vole pour le père et le père s’accuse pour le fils. Par ailleurs, l’histoire a même été reprise par Roger Mitchell dans son dernier film, The Duke, sorti en avril 2022. Le vol a même inspiré une scène dans James Bond contre Dr No.
Un article de l’époque évoque le fait divers : LE PORTRAIT DU DUC DE WELLINGTON peint par Goya est volé à la National Gallery – Le Monde
Sources :
- La mystérieuse disparition du duc de Wellington – Ça m’intéresse Histoire, n°72, mai-juin 2022.
- Derrière « The Duke », l’histoire vraie et improbable du vol d’un Goya à la National Gallery de Londres – HuffPost
- « The Duke » : l’incroyable histoire vraie qui a inspiré le film – Le Parisien
One Reply to “Kempton Bunton : le retraité justicier qui a volé un tableau de Goya !”