Joyce Weisbecker, une pionnière méconnue du jeu vidéo

Joyce Weisbecker, une pionnière méconnue du jeu vidéo - Cultea

Aujourd’hui, lorsque l’on parle des femmes dans le milieu du jeu vidéo, on retient assez peu de noms. Si quelques-unes ont réussi à se faire une certaine notoriété dans cet art exigeant, d’autres ont tout simplement été oubliées. C’est ainsi le cas de Joyce Weisbecker. Si son nom ne vous dit rien, elle a pourtant été parmi les premières femmes à se créer une place importante dans le jeu vidéo indépendant.  

Si l’on peut mentionner Amy Hennig, la créatrice de Legacy of Kain et scénariste d’Uncharted, Jennifer Hepler, la scénariste de la saga Dragon Age ou encore Yoko Shimomura, compositrice de Kingdom Hearts et Final Fantasy XV, les grands noms féminins dans le milieu du jeu vidéo sont assez rares. Le nom de Joyce Weisbecker semble même avoir sombré dans l’anonymat aujourd’hui. Pourtant, Weisbecker fut la première femme à programmer des jeux et les vendre, notamment pour la console RCA Studio.

Joyce Weisbecker, pionnière du jeu vidéo

Portrait de Joyce Weisbecker - Cultea
Portrait de Joyce Weisbecker (1992)

Première programmeuse professionnelle, Joyce Ann Weisbecker fait du jeu vidéo son métier à partir de 1976, alors qu’elle n’a que 17 ans. Son arrivée dans le milieu vidéoludique correspond aux premières consoles programmables, qui datent elles-mêmes de cette année. Son père travaille pour RCA (Radio Corporation America) et ce dernier semble avoir transmis cette passion à sa fille. C’est aussi grâce à l’ordinateur de son père qu’elle teste et conçoit ses premières œuvres. C’est également pour le compte de cette entreprise qu’elle conçoit ses premières programmations indépendantes rémunérées. Le géant américain s’apprête à lancer sa nouvelle console : RCA Studio II. Cette console à cartouches, aux graphismes noir et blanc, ne se vendra qu’à un peu plus de soixante mille exemplaires.

« Je sais qu’il n’y avait pas d’autres femmes qui programmaient chez RCA. Seuls quelques gars s’en chargeaient, et ils étaient employés. Je pense que j’étais en fait la seule personne externe à l’entreprise à être payée pour faire un jeu vidéo. Donc j’étais la première sous-traitante… Et peut-être la première développeuse indépendante, car j’ai eu l’idée du jeu, je la leur ai proposée et ils ont dit OK. » (Joyce Weisbecker au journaliste Benj Edwards)

La console de jeux RCA Studio II
La console de jeux RCA Studio II

Une programmatrice indépendante

Ses premières programmations s’intitulent Snake Race et Jackpot, par l’intermédiaire du Cosmac Vip, ordinateur créé par son père. Toutefois, c’est sur la console RCA Studio II qu’elle développera pour son travail. Parmi ses créations, on trouve School House, un jeu vidéo éducatif. Intégralement multijoueur, il propose plusieurs quiz aux joueurs et possède tout un ensemble de questions sur les réussites historiques des femmes. La personne qui aura répondu correctement à toutes les questions remporte la partie. Développé en seulement une semaine et prenant en compte toutes les limitations de mémoire de la console, le jeu deviendra l’un des plus importants de la console. Joyce Weisbecker touchera plus de deux cents dollars sur la programmation du jeu (beaucoup plus aujourd’hui si l’on prend en compte l’inflation). Seules les ventes du jeu servaient alors de rémunération à la développeuse indépendante.

School House, œuvre importante de Joyce Weisbecker - Cultea
School House, œuvre importante de la jeune conceptrice. Sorti en 1976.

School House, œuvre importante de Joyce Weisbecker - Cultea

Prolongeant son expérience au sein de l’entreprise, elle s’élance dans le jeu d’action à travers Speedway et Tag, sortis en 1976 sur la même cartouche. Dans Speedway, le joueur incarne un pilote sur une piste de course aérienne face à un deuxième joueur humain. Le style n’est pas sans rappeler Pong, ce qui justifie un problème de taille : la résolution graphique beaucoup trop faible ne laissait pas passer les détails…

« Les personnes qui travaillent avec des ordinateurs modernes ne comprennent pas les restrictions. Le plus difficile n’était pas d’adapter le code en 2K ou de fonctionner sur un processeur lent – il y a beaucoup de choses que vous pouvez faire avec ça. Le problème était de savoir comment afficher l’état du jeu sur une chose aussi limitée ? Vous aviez l’équivalent de deux icônes Windows en noir et blanc de 32 x 32, et c’était tout votre écran… »

Cependant, la RCA Studio II sera un échec commercial et l’arrivée de l’Atari 2600 en fin 1977 ne fait que propulser cette console et son catalogue dans l’oubli. Selon la programmatrice, dont beaucoup des créations ne sortiront pas, l’entreprise n’a jamais voulu se lancer dans la concurrence du jeu vidéo à part entière. Ils ont finalement décidé de cesser de commander des jeux vidéo en 1978. La carrière de Joyce Weisbecker s’achève après les développements de Slide, Sum Fun et Sequence Shoot pour la console Cosmac Vip.

Jeu vidéo Sequence Shoot ! - Cultea
Sequence Shoot !

« La direction de RCA n’a jamais voulu entrer sur le marché du jeu vidéo. Au lieu de cela, ils cherchaient simplement un marché pour leurs semi-conducteurs. »

Des années plus tard, Joyce Weisbecker n’a jamais souhaité être connue comme la première développeuse de jeux vidéo. Pour elle, son parcours n’était qu’une coïncidence que l’on associerait à une note de bas de page des travaux de RCA. Elle préfère se considérer comme la première programmeuse de jeux vidéo « indépendante », puisqu’elle était entrepreneure en dehors de l’entreprise. Joyce Weisbecker aura-t-elle ouvert la voie aux jeux vidéo indépendants dont on salue chaque année la richesse des œuvres ? C’est fort possible. 

 

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