A l’occasion de la sortie de Vita, le quatrième roman de l’écrivaine Julia Brandon, on a eu la chance de rencontrer l’artiste le temps d’un entretien passionnant. On a parlé de ses influences, de ses goûts, de l’impact de la littérature dans sa vie, etc. Vita, son quatrième roman, sera disponible à partir du 25 novembre 2024 dans toutes les bonnes librairies chez Des auteurs des livres.
Vita raconte l’histoire passionnante d’Automne, une jeune femme brisée par la cruauté de son frère Jonas. Ce dernier est un peintre tortionnaire qui se sert de l’art comme d’une justification à sa violence. Automne décide alors de fuir. S’ensuit un récit d’aventures au côté de personnages hauts en couleur comme Silas, Maria ou son grand amour Christ.
Est-ce que vous pouvez vous présenter, vous et votre nouveau livre ?
Je m’appelle Julia Brandon, j’ai 29 ans. J’ai écrit une trilogie qui s’appelle Les Passagers. Vita est mon quatrième bouquin. Ça sort le 25 novembre. J’écris depuis… je crois toujours. Oui toujours. Depuis que j’ai 7 ans. J’ai déjà été publiée quand j’avais 12 – 13 ans, parce que je participais aux ateliers d’écriture produits par jeunes écrivains. Et puis, bon, je fais ma vie, et je me suis remise à écrire pendant le confinement. J’ai des gamins il faut apprendre à survivre [rires]. Donc voilà. J’ai sorti Les Passagers, et trois ans après il y a Vita.
Mais qu’est-ce que vous avez fait entre temps ?
J’ai été libraire, je suis entrée en hypokhâgne. C’était pas pour moi. Ça marchait trop au bâton et à la carotte. C’est pas trop pour moi. Euh, j’ai été à la fac de lettres classiques de philo. J’ai débuté un DUT des métiers du livre et du patrimoine, sauf que je suis tombée malade. Donc j’ai arrêté. Et puis, j’ai passé un CAP pâtissier – chocolatier.
Comment est-ce que vous décririez votre propre style littéraire ?
Très visuel. Avec beaucoup de dialogues, donc assez vif. Enfin, assez dans l’émotion, dans l’action. J’ai envie qu’on vive le bouquin, qu’on ressente les choses à la place des personnages, qu’on se les approprie, qu’on les interprète un peu comme on veut. Donc, voilà, qu’on vive l’histoire quoi.
Il y a des styles très différentes dans votre livre. Un peu d’enquête, d’aventure, du fantastique. Je sais que les auteurs n’aiment pas forcément être mis dans des cases, mais si vous deviez choisir un genre pour décrire Vita ?
Ouais, je sais pas… Je dirai que c’est un thriller psychologique. Bah oui, oui, parce qu’on est très axé sur la psychologie des personnages. Il y a beaucoup d’introspection. On suit le cheminement psychologique des personnages. Oui, il y a quelques traits fantastiques… On pourrait dire qu’il est fantastique, mais je ne tiens pas à ce qu’on le caractérise comme un livre fantastique. C’est que des touches, c’est pas vraiment un univers fantastique.
On a des difficultés à situer l’époque du récit. Je suppose que c’est volontaire ?
Il n’y a pas de date. Alors, il y en a une, mais elle n’apparaît pas. Elle est liée à la trilogie [ndlr Les Passagers]. Alors, si on lit la trilogie, on peut la trouver. Mais je vous la dis ici : ça se passe en l’an 162. Si c’était volontaire de ne pas mettre la date ? En fait, il n’y avait pas d’intérêt à la mettre. Elle y est. On peut la trouver pour ceux qui ont lu la trilogie.
Est-ce que Vita se déroule dans le même univers que Les Passagers ?
C’est lié. Non, c’est pas le même univers. Les Passagers se déroule à notre époque, donc rien à voir. Mais c’est lié. Mais ce n’est ni la même époque, ni le même univers.
C’est votre premier roman après la trilogie Les Passagers. Est-ce que vous abordez ça différemment ? Est-ce que vous ressentez une pression différente ? Particulière ? Notamment parce que ce n’est pas une suite.
En fait, c’est particulier parce que l’écriture de Vita je l’ai débutée entre le Tome 1 et le Tome 2 de Les Passagers. Donc même si c’est un autre bouquin, je l’ai quand même commencé en même temps que la trilogie. Donc il y a pas vraiment de pression. Après, je pense que j’ai atteint… Enfin… j’ai quand même beaucoup plus développé mon style ici. C’est un bouquin plus intime. Dans la façon de l’écrire, de le vivre, de le travailler. Oui, c’est plus poussé. Voilà, la trilogie, ce sont mes premiers bouquins. Moi je le ressens comme tel en tout cas. J’ai passé un cap dans l’écriture de ce livre.
Quelles sont vos sources d’inspiration de manière générale et surtout pour Vita ?
Pour Vita, c’est Luca Di Fulvio. Clairement. Bon, il y a la peinture aussi forcément, mais en littérature Luca Di Fulvio. J’étais en train de le lire… Bon, il est décédé. Et puis, il y a un côté humain chez lui qui est hyper important. En fait, ça m’a scotché. Parce qu’il voit l’humain partout, il arrive à décrire avec beaucoup d’humanité des choses qui sont horribles. Et en fait, sans les accepter, on peut comprendre les choses les plus horribles, parce qu’il arrive à nous amener dans la psychologie du personnage. Je le trouve brillant. Voilà. Je sais pas si j’ai réussi à faire pareil. Mais ça été ma première source d’inspiration. Si j’arrive à écrire les humains comme lui, c’est gagné !
Et des inspirations cinématographiques peut-être ?
Oui, oui, en films fantastiques, il y a forcément L’Effet papillon. Mais c’était plus pour Les Passagers. Mais après, c’est resté. Et puisque j’ai écrit Vita en même temps que la trilogie, les inspirations restent les mêmes. Mais oui L’Effet papillon, le premier. Y’a aussi Minority Report, Edge of Tomorrow, les films d’anticipation en gros. J’adore ces films vifs, super malins, mais c’étaient surtout des inspirations pour Les Passagers. Le Parfum aussi. Le film comme le livre.
Est-ce que vous aimeriez que vos romans soient portés à l’écran ?
Bah on bosse là sur un scénario. Pour Vita non, mais le scénario du Tome 1 de Les Passagers est déjà écrit. Donc voilà, on travaille sur ce type de projet aussi. C’est en cours. C’est un projet auquel je tiens beaucoup en tout cas.
Pourquoi Automne ?
Pourquoi ce prénom ? A la base, elle ne s’appelait pas Automne. Mais j’ai trouvé que ça lui allait bien. En fait, que ça collait à ce qu’elle était. Je trouve que ça lui va bien. Et puis, il y a une sorte de renaissance. La saison avant le printemps. Donc ça colle au personnage, à son histoire.
Tomio est un personnage faible, qui n’intervient jamais, qui se cache. Est-ce qu’il pourrait être une représentation de la condition masculine dans notre société moderne ?
Oui en quelque sorte. On peut le voir comme ça en tout cas. Mais j’ai pas cherché spécialement à faire passer de message.
Oui, mais tout au long du récit, Automne ne fait que rencontrer des hommes. Pourquoi ? Est-ce que ça a une signification quelconque ? Ça m’a même un peu fait penser à Pauvres Créatures avec EMMA STONE.
Je n’ai pas vu ce film. C’est pas spécialement volontaire. Même dans la trilogie, il y a plus de mecs que de femmes. Je sais pas, je suis plus à l’aise avec eux. J’ai plus de facilité à écrire des personnages masculins. Ça vient naturellement. Chacun interprète ça comme il veut, mais il n’y a pas spécialement de message.
Pourquoi avoir fait un méchant aussi méchant ?
Au départ, c’est juste la quête d’Automne d’un point A à un point B. Mais je trouvais ça un peu chiant, un peu trop simple. Donc il fallait complexifier l’histoire. Et il en faisait partie. Il jouait un rôle clé. Il est pas aussi important qu’Automne, mais il lui fallait un rôle qui ne soit pas manichéen. Il fallait le complexifier, le rendre humain et entrer dans sa psychologie. Le but était de déclencher des émotions. Il fallait un peu entrer dans le lard. On est dans l’atrocité, mais c’est fait pour déclencher une émotion. C’est pas pour être gratuit. Donc si ça déclenche quelque chose, c’est que ça fonctionne.
Il y a quelques passages un peu érotiques. Est-ce que ça fait partie de votre style d’écriture ?
Et bien non. De base, ça ne fait pas partie de mon style. Il y en a très peu dans Les Passagers.
Alors qu’est-ce qui vous a poussé à en incorporer dans Vita ?
Il y a une époque, j’aimais bien en lire. C’est pas quelque chose avec lequel je suis forcément à l’aise, mais si ça doit venir, ça vient. C’est pas spécialement calculé, mais je trouve que ça avait sa place. C’est pas non plus hyper cru, hyper trash, ça restait assez soft. Mais c’était pour déclencher quelque chose.
Auprès d’un éditeur est-ce que c’est plus compliqué de vendre un livre avec de l’érotisme ?
Bah j’ai envie de dire, soit il prend mon livre comme ça, soit il le prend pas. Mais après, j’écris ce que je veux. Tant que c’est bien. On me demande pas de revenir sur certaines choses. Et même si on me le demandait, je ne le ferais pas.
Jonas a un rapport totalement destructeur à l’art. est-ce que vous pensez que l’art peut avoir un effet négatif sur son auteur ? Et vous, comment est-ce que vous abordez votre propre art ? Quelle est votre relation avec lui ?
Moi l’écriture, c’est très salvateur. Je pense pas que l’art… enfin dans le bouquin oui… mais je pense que l’art fait du bien. Sinon, on ne le ferait pas. Celui qui fait de l’art c’est parce que ça lui procure du plaisir. Je vois pas l’intérêt de faire de l’art sinon.
Alors pourquoi votre personnage a ce rapport toxique avec l’art ?
Ça change un peu. Ça me plaisait de développer ce côté-là. Mais ce n’est pas du tout mon rapport à l’art et j’espère que ce n’est pas le rapport à l’art des autres artistes.
Pourquoi est-ce qu’autant de vos personnages se blessent à la main dans votre récit ?
Pour la petite histoire, je me suis cramée la main quand j’écrivais Vita. Une grosse brûlure. Donc c’est personnel quoi, parce que j’ai aussi une main qui fonctionne moins bien que l’autre à cause d’un accident. Donc ça vient de moi. Mais je ne pense pas que c’était conscient. En fait, c’est vous qui me le faites remarquer [rires].
pour la sortie de Les Passagers, vous aviez partagé une playlist pour accompagner la lecture. Est-ce qu’il y aura le même type d’événement pour la sortie de Vita ?
Oui, oui, oui, c’était une super idée. C’est mon mari qui avait composé cette playlist. Ce sont des musiques basées sur le scénario du Tome 1, et on les a retravaillées pour faire une lecture immersive. Pour l’écouter en même temps qu’on lit. C’est intéressant, parce que certaines musiques sont écrites en fonction de la caractérisation de certains personnages. Ou en fonction des moments clés de l’histoire. Donc c’est vraiment cool, parce que c’est ma vision du bouquin, mais en musique. Il écrivait la musique en même temps que j’écrivais le bouquin. Donc je lui racontais des trucs et lui en même temps il me faisait écouter quelques partitions. C’était génial. On s’est inspiré mutuellement. On a fait un peu pareil avec Vita. Ça va paraître dans quelques mois. En tout cas, on essaye de le mettre en place. On va essayer de faire une espèce d’expo virtuelle avec les tableaux du livre. Il y aurait tous les tableaux présents dans Vita et on aura de la musique sur chaque tableau. On pourra jouer sur le côté super visuel du bouquin. On aura vraiment un côté immersif.
Quels conseils vous donneriez à des jeunes auteurs ?
Y aller ! Il n’y a rien à perdre clairement. Donc, il faut foncer. Il y a une part de chance aussi, mais il faut clairement pas hésiter. Quand je suis revenue à la littérature, j’ai arrêté de me poser des questions. En fait, j’ai le droit de le faire. Après ça fonctionne ou ça fonctionne pas, mais au moins tu n’as pas de regret. Donc faut y aller sans hésiter !
Une suite à Vita ?
Non, je travaille sur un nouveau bouquin, lui aussi fantastique, mais rien à voir avec Vita ou Les Passagers. Donc on croise les doigts, mais normalement il y a quelque chose qui se profile.