Gladis, l’orque qui attaque les bateaux

Les manifestations de la nature se rebellant contre l’homme sont nombreuses, diverses et variées. Mais depuis peu, l’orque Gladis, qui s’attaque aux bateaux des côtes européennes de l’Atlantique, connait une certaine renommée sur Internet.

Quelles « attaques » ?

Cela fait déjà plusieurs mois, voire années, que des orques endommagent des bateaux sur les côtes de l’Atlantique. Le premier événement de ce type remonterait à mai 2020 dans le détroit de Gibraltar. Depuis, plusieurs bateaux ont été touchés. En août 2022, un bateau à 170 km au large de Brest ; en novembre 2022, un voilier français proche des côtes portugaises, et le 22 mai 2023, le voilier du skipper français Sébastien Destremau, au large de l’Espagne. Si personne n’a été blessé, les dégâts infligés aux bateaux sont souvent considérables, certains ont même été coulés. C’est plus ou moins le même schéma à chaque incident : un petit groupe d’orques s’approche d’un voilier sans que l’équipage ne le remarque. Elles cognent contre la coque, parfois pour renverser l’embarcation, ciblent le safran du voilier et repartent.

Malgré tout, les scientifiques préfèrent ne pas parler d’attaques, mais de « visites », ou bien de « rencontres ». En effet, on ne peut pas vraiment attribuer de volonté de nuire à ces animaux. Plusieurs hypothèses existent quant à la raison de ces « attaques ». Par ailleurs, les membres des équipages naufragés expliquent ne pas vraiment sentir d’agressivité, mais plutôt du jeu.

Le collectif Atlantic Orca Working Group recense les interactions entre les orques et les navires et sensibilise les exploitants maritimes à leur sujet. En effet, les orques voient leur environnement perturbé par la pollution marine et souffrent d’une petite population. Si les humains venaient à chercher les représailles, ce serait catastrophique pour l’espèce.

Mais attaqués par qui ?

L’orque (Orcinus orca) est un cétacé à dents qui habite toutes les mers du monde. En moyenne, un individu mesure 9 mètres de long et pèse 5 tonnes. Les orques sont des animaux sociaux. Ainsi, elles se regroupent en populations de plusieurs familles. C’est pourquoi elles développent des cultures qui leurs sont propres, comme les vocalises ou les techniques de chasse. Etant carnivore, l’orque se nourrit d’animaux marins allant des poissons au baleineaux, en passant par les morses. On les considère comme des superprédateurs. C’est sûrement à cause de ses techniques de chasse impressionnantes que l’orque a une réputation redoutable. En groupe, elles sont capables de venir à bout des grands requins blancs ou de baleines bleues. Les Anglais les appellent les baleines tueuses : « killer whales ». Mais ces animaux sont en fait plus proches du dauphin que de la baleine.

En réalité, dans la nature, l’orque ne présente pas de danger pour l’homme, elle est même plutôt curieuse du contact humain. En revanche, on relate certains cas d’attaques d’orques envers leur dresseurs dans des parcs à thèmes marins.

Le bateau transportant quatre Français après une attaque d’orques au large du Portugal

Comment expliquer ce phénomène ?

  • Première hypothèse : si les orques s’en prennent au gouvernail des voiliers, c’est parce qu’elles sont frustrées de ne pas sentir la pression de l’eau produite habituellement par une hélice. Une sensation qu’elles aimeraient bien.
  • Deuxième hypothèse : c’est un petit groupe de jeunes mâles, souvent curieux, qui s’amusent. Pour Geo, Renaud de Stephanis explique :

« C’est un jeu. Quand ils auront leur propre vie d’adulte [et qu’ils seront alors bien occupés à la chasse, nldr], cela s’arrêtera probablement. »

De plus, on sait que les orques adoptent parfois des comportements à la mode. En 1987 aux Etats-Unis, une orque aurait un jour porté un saumon mort sur la tête. Pendant 6 semaines, cet étrange couvre-chef a été adopté par d’autres individus. Donc, la tendance à couler des bateaux n’est probablement pas faite pour durer.

  • Troisième hypothèse : la vengeance de White Gladis. D’après un article de la revue Marine Mammal Science, le groupe s’attaquant aux bateaux impliquerait neuf orques réparties en deux groupes, un quatuor de jeunes mâles et un groupe mixte dirigé par une femelle adulte (la seule impliquée dans ces incidents), prénommée White Gladis par les chercheurs. Ceux-ci ont supposé que Gladis voudrait se venger après un accident avec un navire. Ce que les jeunes auraient ensuite imité. Dan Olsen, biologiste pour North Gulf Oceanic Society en Alaska :

« Lorsque les attaques ont commencé, j’ai effectivement pensé qu’une femelle ou son petit avaient été blessés par l’hélice ou le safran d’un bateau, parce que les animaux semblaient toujours cibler cette zone. De plus, seuls les voiliers sont concernés. »

Qui est White Gladis ?

Mi-juin, Mónica González, biologiste marine à la Coordinadora para o Estudo dos Mamíferos Mariños (CEMMA), a présenté ses recherches au sujet de Gladis. D’après la chronologie, White Gladis était certainement enceinte en 2020, lorsqu’elle a subi un traumatisme : heurtée par un bateau, ou prise dans un filet de pêche. Elle aurait mis bas en 2021. Par la suite, Gladis se serait montrée agressive envers des bateaux et d’autres individus auraient imité son comportement.

Depuis, White Gladis est devenue une icône sur les réseaux sociaux. Les internautes l’ont érigée en symbole écologiste et anarchiste, coulant les yachts et se rebellant contre les humains qui détruisent son environnement. Bon, pas exactement quand même. 

Sources :

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