L’audace, c’est ça ! Enfances de classe est un spectacle familial qui n’adapte ni un conte, ni une aventure périlleuse. Le spectacle du Festival d’Avignon adapte un long ouvrage de sociologie de Bernard Lahire sur l’inégalité qui frappe les enfants. Passionnant.
Résumé : Nous allons vous faire décrire les conditions de vie de 3 enfants de classes sociales entièrement différentes à leur entrée à l’école. Tirés de l’étude sociologique Enfances de classe dirigée par Bernard Lahire, ces 3 récits seront pris en charge de façon ludique par 3 clowns-profs et alternés de respirations musicales. Nous allons ainsi découvrir ensemble l’inégalité des chances des personnes dès le plus jeune âge, mais aussi leur riche personnalité.
Le spectacle sera joué jusqu’à la fin du Festival d’Avignon à l’Espace St Martial à 9h55.
Classe et… classe !
Enfances de classe nous rappelle l’importance de ces mots. « Classe » revêt en effet un double sens. Il fait mention de l’école nécessaire à l’apprentissage de l’enfant. Il fait aussi référence à la classe sociale. Issus d’une classe modeste ou riche, les enfants n’auront pas forcément les mêmes avantages, ni une chance similaire de prendre le contrôle de leurs vies… Enfances de classe démontre la fatalité à laquelle les écoles devraient pourtant mettre fin. C’est la raison pour laquelle les excellents comédiens prennent la place de professeurs. Isabelle Bonillo, Catia Machado et Nicolas Ruegg se mettent alors à nous raconter trois études sociologiques sur les inégalités de l’enfance. Le tout sous un aspect des plus ludiques et des plus fascinants, tout en y intégrant les gestuelles et les grimaces des spectacles pour enfants.
Ainsi, on y retrouve tout d’abord l’histoire de Balkis et d’une famille contrainte de dormir dans une voiture. Puis, Thibault et de sa famille fermière. Enfin, vient l’histoire de Valentine, jeune fille aisée qui peut profiter d’une éducation et d’une culture riches. Trois histoires attachantes, toutes liées à des problématiques migratoires, linguistiques et sociales. Trois récits qui devraient nous révolter, nous agiter. Mais, heureusement, le savoir-faire des comédiens et l’humour omniprésent permettent d’éviter les jugements autour d’une classe.
Vers une place prédestinée ?
C’est une force incroyable qui émane d’Enfances de classe : traiter un sujet complexe en le rendant amusant et extrêmement accessible. Car, dans toutes ces inégalités, se problématisent l’importance de l’école au sein des familles, mais surtout la place de l’Etat. Les écoles forment à l’apprentissage, mais forment-elles à une éducation ? Les écoles encouragent-elles les enfants à s’initier à des passions qui détermineront leur avenir ? À travers ces trois récits semble se cacher cette terrible fatalité selon laquelle toute personne a sa propre place prédestinée. Si Valentine a accès à une école privée et que ses parents l’encouragent à la réussite scolaire et sociale, ce ne sera pas le cas de Thibault, dont la famille délaisse totalement le travail scolaire, juste satisfait de voir les bonnes notes de leur enfant. Quant à la première famille, l’école semble synonyme de solidarité : sans elle, ni aides, ni cantines.
Malgré toutes ces questions sur l’inégalité et sur la place de ces enfants dans une société qui les divise dès la naissance, il semble aussi surgir d’Enfances de classe un hommage à ces enseignants engagés, qui, rappelons-le, sont méprisés par l’Etat. L’inégalité scolaire crée un fossé, entraînant d’autres inégalités, dans un cercle sans fin.
Enfances de classe est un spectacle engagé et terriblement nécessaire, construit sur des bases ludiques et drôles, qui pourrait faire réfléchir les familles. Le spectacle réussit à apprendre tout en amusant. Bravo.
Ce spectacle, à la fois sociologique et drôle, m’intéresse, où sera-t-il repris pendant l’année 2022/2023 ?