Claudette Colvin : la femme qui refusa de laisser sa place dans le bus avant Rosa Parks

Berangere Duquenne
Berangere Duquenne
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Neuf mois avant Rosa Parks, Claudette Colvin refusait déjà de céder sa place dans le bus à une femme blanche. © Julie Jacobson

Neuf mois avant le célèbre acte de Rosa Parks, une autre jeune femme avait déjà eu l’audace de ne pas se plier à la ségrégation américaine. Cette femme s’appelait Claudette Colvin. 

Le 2 mars 1955, Claudette Colvin, jeune femme noire d’à peine 15 ans, refuse de céder sa place dans un bus à une passagère blanche. Le 1er décembre de la même année, dans la même ville d’Alabama, dans le même bus, Rosa Parks refusait elle aussi de laisser s’assoir à sa place un passager blanc. C’est finalement cette dernière que l’Histoire a retenu. Mais pourquoi ?

Rosa Parks, une image plus « acceptable » que Claudette Colvin

Un même geste symbolique, et pourtant deux impacts bien différents. Lorsque Claudette Colvin initie la révolte, elle n’a que 15 ans. Elle rentre de l’école comme tous les jours. C’est une adolescente à l’âme rebelle. Mais un autre critère rentre en compte. Selon elle, elle avait la peau « plus foncée » que Rosa Parks et cette donnée était importante.

En effet, afin de faire accepter les droits des afro-américains, il semblait plus simple qu’une femme à la couleur de peau plus claire porte le combat. Aujourd’hui cette logique parait bien sûr inacceptable, mais l’Amérique des années 50 était particulièrement raciste. On décida donc d’y aller en douceur. A 43 ans, Rosa Parks est une femme mariée, pieuse, aux cheveux lisses et déjà identifiée comme militante. Son profil est donc parfait pour représenter la cause. La mère de Claudette Colvin dit même à sa fille :

« Laisse Rosa Parks être la bonne. Sa peau est plus claire que la tienne et les blancs l’aiment bien. »

Rosa Parks - Cultea
Rosa Parks

Une Amérique raciste

A l’époque, les lois Jim Crow visaient à limiter les droits constitutionnels des afro-américains. Parmi elles, certaines imposaient la séparation des noirs et des blancs dans les lieux publics ou les lieux de rassemblement. Que ce soit à l’hôpital, à l’école, au théâtre, dans les salles d’attente ou comme ici dans les transports, les blancs et les noirs avaient chacun leur partie des lieux. Ces ségrégations sont un triste héritage, malgré l’abolition de l’esclavage près d’un siècle plus tôt et les luttes pour légalité.

Dans le fameux bus de Montgomery (comme dans tous les autres), les places réservées aux blancs se trouvaient à l’avant, pendant que les noirs étaient relégués à l’arrière du bus. Lorsque Claudette Colvin monte dans le bus, elle paye son ticket et s’assoit dans la partie qui lui est réservée. Mais le bus se remplissant, les places viennent à manquer. Une femme blanche attend donc qu’elle lui cède sa place, ce qu’elle refuse.

Le chauffeur du bus appella donc la police. Claudette Colvin est placée en garde à vue puis incarcérée. C’est une somme recueillie par des figures de la communauté noire qui permet de faire libérer l’adolescente. Parmi elles, une certaine Rosa Parks…

Claudette Colvin en 1953
Claudette Colvin en 1953

Claudette Colvin & Rosa Parks : deux femmes qui ont changé l’histoire

Ne pas accepter de laisser sa place à une personne blanche a eu un impact historique. Rosa Parks se vit infliger une amende de 15 dollars. Elle la contesta et fit appel de ce jugement. Débuta alors une protestation contre la compagnie de bus, initiée par Martin Luther King, à l’époque pasteur.

La contestation dura 380 jours, jusqu’à ce que la Cour Suprême des Etats-Unis juge les lois de ségrégation dans les bus anticonstitutionnelles. C’est un des événements les plus importants de la lutte des droits des afro-américains. Mais Rosa Parks l’aurait-elle fait si Claudette Colvin n’avait pas initié la marche neufs mois plus tôt ? L’histoire ne le dit pas.

Occultée pendant de nombreuses années, l’histoire de Claudette Colvin fut révélée en 2009. Lorsque le livre Claudette Colvin : Twice Toward Justice de l’écrivain Phillip Hoose parait, les Américains découvrent l’histoire. Une BD adaptée au théâtre par Tania de Montaigne retrace également son parcours, vécu dans l’ombre. Depuis, le 2 mars est la journée annuelle qui la célèbre.

 

Sources :

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