Angkor : les temples historiques menacés par un parc d’attractions !

Maurane Charles
Maurane Charles
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Depuis plusieurs mois, un projet de parc d’attractions menace les emblématiques temples d’Angkor au Cambodge. Un projet qui ne manque pas de créer des crispations très vives quant à l’altération de ce patrimoine historique… 

L’héritage de la capitale de l’empire khmer : les temples d’Angkor

Au Cambodge se trouve l’un des lieux les plus prisés des férus d’histoire et de découvertes : le site archéologique d’Angkor. Entre recherches, fouilles et restaurations, on y trouve désormais tout un héritage de l’empire khmer composé d’environ deux cents temples cachés dans les forêts, ainsi que de nombreux aménagements hydrauliques sur plus de 400 km².

Carte du Cambodge, Cliquez pour l'agrandir | Carte du cambodge, Cambodge, Angkor

Au IXe siècle, l’empire khmer est une des forces les plus puissantes de la péninsule indochinoise. Celui-ci est fondé par Jayavarman II lorsqu’il se déclare Chakravartin, « Roi des rois ». Sa capitale Angkor est bâtie sur d’anciennes sépultures remontant à l’âge du bronze. La ville nous laisse aujourd’hui de nombreux témoignages matériels de sa puissance passée.

Au fur et à mesure que l’empire prospérait, les successeurs de Jayavarman II ont amélioré Angkor pour la rendre grandiose. Ils ont ainsi créé un grand réseau hydraulique, ce qui a permis à la région de prospérer. En 879, on y construit le premier temple khmer, le Preah Kô. S’en suit rapidement la construction du premier temple-montagne, le Bakong.

On retrouvera dès lors de nombreuses constructions du genre : Des temples construits au sommet d’une pyramide à plusieurs étages (toujours en nombres impairs) censée représenter le mont Meru en Inde. C’est un symbole extrêmement fort dans la culture hindoue, puisque la mythologie indique ce mont comme centre de l’univers où vivent les dieux. Le peuple khmer a tenté à travers son architecture de rendre un hommage aux dieux et se rapprocher d’eux.

Bakong - Wikipedia
Le Bakong

Des tendances religieuses différentes

Vers 1130, Sūryavarman II édifie Angkor Vat, le plus grand des temples et monuments religieux du monde ! Malgré l’inarrêtable progression des constructions d’Angkor, les querelles de successions compliquent parfois la tâche. À chaque nouveau souverain, l’architecture se modifie, suivant la tendance religieuse dominante du moment.

Ainsi, lorsque Jayavarman VII reprend la capitale à ses rivaux, il établit le bouddhisme mahāyāna comme religion officielle. Les bâtiments sont alors beaucoup plus imposants et on observe sur les tours de gigantesques visages du Bouddha. Lors du retour à l’hindouisme et on se met à détruire de nombreuses sculptures du Bouddha. Puis on retourne enfin à une forme plus simple de bouddhisme qui favorise des constructions moins extravagantes.

Mais la gloire de l’empire khmer décline finalement et on abandonne définitivement Angkor comme capitale vers 1431, après sa prise par les thaïs du royaume d’Ayutthaya. Des moines boudhistes tentent de s’approprier le lieu, mais la cité se retrouve finalement seule, en proie aux éléments.

Ce site nous raconte aujourd’hui un pan de l’histoire de l’empire khmer alors à son apogée. Il nous rapporte de nombreux éléments historiques quant à leur façon de bâtir, de réfléchir aux systèmes techniques de la ville, ou encore nous permet d’admirer leur art et comprendre les différentes tendances religieuses qui ont pu y vivre.

Ta Prohm - Guide Cambodge - Seripheap
Ta Prohm

Patrimoine mondial de l’Unesco

Si l’Occident découvre Angkor dès le XVIe siècle, les premières missions d’explorations se déroulent plutôt au XIXe. Au siècle suivant, les archéologues, réhabilitent progressivement le site, le dégage de ses cheveux de lianes et de sa prison de racines.

Mais à l’époque du Kampuchéa démocratique (1975-1979), les Khmers rouges condamnent le site avec des mines, dissuadant quiconque d’entrer dans le lieu sacré. Il faut attendre la fin de la guerre civile pour qu’en 1992, le site soit enfin classé « Patrimoine mondial » de l’Unesco ! Aujourd’hui, des millions de visiteurs viennent contempler les vestiges de la puissance khmère passée.

Angkor menacée

Alors que la sacralité du lieu est déjà piétinée par des millions de touristes, une société chinoise appelée NagaCorp LTD a pour projet de construire un grand parc d’attraction aux portes des temples.

Cette annonce présentée le 27 janvier 2021, lors de la réunion du Comité international de l’Unesco pour la conservation et le développement durable du site historique d’Angkor (CIC-Angkor) suscite incompréhension et indignation.

On apprend notamment que la société a obtenu en 2020 l’autorisation de l’administration du premier ministre cambodgien, Hun Sen, pour créer Angkor Lake of Wonder sur 75 hectares, à seulement 500 mètres de la zone tampon protégée par l’Unesco ! Dans un article du Monde, des détails nous permettent de saisir un peu plus l’enjeu économique.

« NagaCorp LTD aurait la garantie de disposer dudit terrain pendant cinquante ans (contrat renouvelable) pour construire et administrer le parc d’attractions. La location du terrain appartenant à l’Etat cambodgien resterait gratuite de sept à dix ans, puis serait facturée 29 dollars par mètre carré, pour rapporter au total près d’un milliard de dollars. Tandis que NagaCorp LTD investirait 350 millions de dollars dans la phase initiale du projet. »

En plus d’être une aberration culturelle, le parc d’attractions aquatiques, menacerait fortement l’environnement déjà affaibli par la masse considérable de touristes présente chaque année. Toujours d’après Le Monde, le parc disposera de douze attractions nautiques, dont une « rivière enchantée » de 2,5 km et une piscine à vagues de 5 000 mètres carrés. On imagine à peine les dégâts que cela représentera pour la nappe phréatique…

Nous verrons donc dans les mois prochains comment évolue ce projet, on espérant que des levées de boucliers pourront faire face à la société chinoise. 

Sources :

Le Monde : Les Temples d’Angkor menacés par un parc d’attractions

whc.unesco.org/en/list/668/

Connaissance des arts : menace sur Angkor…

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Étudiante chercheuse en Histoire Contemporaine - Passionnée de littérature, de musique, de cinéma.
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