Le 6 octobre prochain marque le 25ème anniversaire du décès de la célèbre chanteuse de fado, Amália Rodrigues.
Surnomée « Rainha do Fado », Reine du Fado, cette chanteuse portugaise a longtemps porté, si ce n’est encore aujourd’hui, le rôle d’ambassadrice internationale de ce genre musical portugais abordant principalement la mélancolie, l’amour et la nostalgie.
Amália da Piedade Rebordão Rodrigues est née officiellement le 23 juillet 1920 à Lisbonne. Cinquième d’une fratrie de 9 enfants, elle sera élevée dans la religion par sa grand-mère et arrêtera l’école à 12 ans, comme la plupart des enfants portugais trop pauvres pour continuer. Elle aura des difficultés à trouver sa place, comme en témoignent ses 3 tentatives de suicide, alors qu’elle n’est encore que mineure. On l’entend pour la première fois chanter publiquement à 9 ans pour la fête de son école.
Un tour du monde fadiste
C’est dans la musique qu’elle trouvera sa raison de vivre. Elle se fait d’abord connaître au sein même de Lisbonne en interprétant des textes de grands compositeurs dans des maisons de fado : des restaurants de petite taille caractérisés par des représentations chantées. On lui offre des rôles pour le théâtre, mais elle retourne très vite à sa passion première : le fado.
Dans les années 40, elle se produit en Espagne et c’est au Brésil, après 4 mois de prestation dans le Casino Copacabana, qu’elle enregistrera une série de disques. Elle chante ensuite à Paris, à Londres, en Angola et au Congo. Elle continue dans les années 50 à faire le tour du monde en jouant dans le club La Vie en Rose à New York, puis au Mexique, dans le Mocambo à Hollywood et en 1954 qu’elle sort à nouveau un disque.
La Reine du Fado est renommée pour la fragilité et l’intensité de sa voix, qui lui permet de toucher profondément son public. Ses interprétations sont marquées par une émotion brute et sincère qui résonne avec les auditeurs. Les paroles de ses chansons jouent un rôle crucial dans ce lien émotionnel, grâce à leur accessibilité et leur universalité.
C’est dans le cinéma que son statut international se confirme lorsqu’elle joue au côté d’Edith Piaf dans Musica de Siempre. Elle rencontre à la fin des années 50 Alain Oulman, un compositeur français qui lui vaudra ses plus grands succès. En effet, l’album Busto né de cette union contient ses chansons les plus connues. A la fin des années 60, elle reçoit trois prix MIDEM, ce qui l’égale aux Beatles. C’est pourtant lorsqu’elle sort un an plus tard Com que Voz qu’elle atteindra son plus grand succès.
Sa gloire, due à la diffusion de la poésie portugaise, à sa voix prenante et à ses chansons auxquelles nous pouvons nous identifier, s’interrompt le jour de la Révolution des Œillets au Portugal le 25 avril 1974. Les Portugais l’accusent d’avoir collaboré avec le dictateur Salazar. Elle entamera alors un silence de 11 ans, dont elle sortira avec l’album Gostava de ser quem era.
Amália Rodrigues, déesse du Fado
Amália Rodrigues aura popularisé ce chant dans le monde entier en enregistrant pendant 40 années de carrière 170 disques. Elle chante majoritairement en portugais, mais aussi dans d’autres langues comme l’italien, l’espagnol ou encore le français avec l’interprétation de Ai mourir pour toi de Charles Aznavour. En 1990, elle est d’ailleurs décorée de l’ordre des Arts et des Lettres par la France des mains de François Mitterrand.
Certains Portugais l’accusent d’avoir été trop proche du dictateur Salazar en participant aux valeurs imposées par celui-ci : fado, Fátima, football. Certains lui reprochent d’avoir collaboré avec le parti communiste portugais. Mais elle aura aidé financièrement les prisonniers et exilés politiques de la dictature.
Finalement, peu importe les avis divergents des Portugais, car lors du jour de la mort de la Reine du Fado le 6 octobre 1999 à 79 ans, un deuil national de 3 jours a été décrété par le président de l’époque. Des centaines de milliers de Portugais sont descendues dans les rues de Lisbonne pour lui rendre un dernier hommage lors de ses funérailles. Les partis politiques ont même décidé de suspendre le dernier jour de campagne électorale législatives à cause de son décès.
Le 8 juillet 2001, elle devient la première femme à intégrer le Panthéon national de Lisbonne après des honneurs militaires et l’hymne national portugais chanté.
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Sources :
- Amália Rodrigues, Versos, coll. « Livros Cotovia », Lisbonne, 1997
- Jean-Jacques Lafaye, Carlos Gardel, Amália Rodrigues : récital idéal, coll. « Michalon », Paris, 2005
- Amália Rodrigues, la reine du fado : France Musique