Adolf Eichmann : quand « l’homme de la solution finale » était capturé

Romain Lesourd
Romain Lesourd
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Il ferait pâlir le diable en personne. Adolf Eichmann est celui qui a rendu possible le projet Endlösung der Judenfrage, ou en français : la solution finale de la question juive. Principal responsable de la mort de 2/3 de la communauté juive d’Europe entre 1942 et 1945, il a fallu plusieurs années pour le capturer. Retour sur sa traque et son arrestation.

20 janvier 1942 : la date qui condamna le peuple juif

C’est lors du mardi 20 janvier 1942, que le projet de la solution finale est adopté. Une quinzaine de hauts dignitaires nazis se retrouvent dans la villa Marlier, située dans la banlieue de Berlin pour parler des préparatifs et du but de leur dessein.

La solution finale avait pour but de mobiliser, sous une forme appropriée et sous l’encadrement voulu, les Juifs au travail dans des camps à l’Est de l’Europe. Cela permettait alors aux forces allemandes d’affaiblir de manière continue la communauté juive. Les rudes conditions de travail entrainaient la mort la plupart du temps. Pour Reinhard Heydrich, adjoint d’Himmler, cette situation rendait l’Allemagne gagnante. Elle gaspillait moins de munitions et d’hommes pour éliminer ses ennemis.

Pour les plus résistants, tout a été planifié. L’historien Saul Friedländer rapporte dans son livre L’Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945 : Les années d’extermination (2008) que Heydrich a demandé lui-même à ce que ces derniers soient « traités en conséquence ».

Les 15 participants à la conférence de Wannsee, on retrouve Eichmann dans le troisième rang (source: Passionmilitaria)

Adolf Eichmann, le « Charon » des SS

Adolf Eichmann a joué un rôle précis dans la solution finale : acheminer les juifs vers les camps d’extermination. Un rôle qui l’emplit de zèle. En effet, il savourait l’idée d’envoyer des juifs à une mort certaine.

En mars 1944, l’armée allemande occupe la Hongrie. Un pays où réside une forte communauté juive, estimée à 800 000. Situation inacceptable pour Hitler. Il ne tolérait pas la présence d’une aussi grande communauté juive, surtout en pays occupé par ses forces. Il appelle donc Eichmann pour emmener 450 000 juifs hongrois aux chambres à gaz.

A cause de la menace soviétique, Himmler met les exterminations juives en suspens en octobre 1944. Mais même avec cette levée d’opération, Eichmann continua ce pour quoi il avait été engagé. Il profita de la situation pour mettre en place ce qu’il appela sa « dernière marche de la mort » en direction d’Auschwitz.

Juifs de Thrace déportés à bord des trains pour les camps d’extermination, mars 1943 (source: Archives photographiques de Yad Vashem)

L’homme aux multiples identités

La guerre terminée, les hauts dignitaires nazis encore vivants sont traqués par les forces alliées. Eichmann décida d’adopter une nouvelle identité : Bart, un caporal de la Luftwaffe. Puis, il changea à nouveau de nom. Désormais, il s’appelait Otto Eckmann.

Néanmoins, ce nouveau nom ne l’empêcha pas de se faire arrêter par les forces américaines. Elles l’incarcèrent dans un camp de prisonniers situé à Oberdachstetten. Il réussit quand même à s’échapper avec l’aide d’anciens compagnons.

En fuite, il changea son nom de famille. Il s’appelait Otto Henninger. Après avoir obtenu de faux papiers, il traversa l’Allemagne pour arriver en Italie. De là, il créa une autre identité. Il adopta le nom de Ricardo Klement. Un prénom et un nom qu’il n’utilisera que très peu. Le 1er juin 1950, accompagné de sa nouvelle identité, il prit un avion en direction de Buenos Aires. Le faucon dont on avait perdu la trace s’envolait.

Faux papiers utilisés par Eichmann dans les années 1950, au nom de Ricardo Klement (source: Wikipédia)

Une histoire d’amour qui fit tomber Eichmann

Établi depuis maintenant plusieurs années en Argentine, Eichmann enchaine les petits boulots et passe incognito. Mais en réalité, de nombreux juifs se sont employés à le retrouver. Et un y parvint. Son nom ? Lothar Hermann.

Sylvia, la fille de Lothar Hermann a entrepris une relation amoureuse avec un certain Klaus Klement. Ce dernier, en confiance avec Sylvia, a confessé le passé nazi de son paternel. Les dires ont interpellé Lothar. Il commença à douter de l’identité de « Ricardo ». Il envoya sa fille chez les Klement pour demander à ce prétendu Ricardo si son véritable nom n’était pas Eichmann. Ce dernier ne répondit pas.

Ce silence confirma les soupçons de Lothar. Il interpella le procureur allemand Fritz Bauer, l’initiateur des procès d’Auschwitz. Ce dernier prévint les autorités israéliennes. Après s’être assurés que Ricardo Klement et Adolf Eichmann ne faisaient qu’un, ils mirent en place un plan d’enlèvement : l’opération Attila.

Le 11 mai 1960, les agents de l’opération Attila arrêtent Adolf Eichmann en pleine rue. On l’emmène dans une cave. Au bout d’une dizaine de jours, Adolf reconnait sa réelle identité. Il signe ensuite, de sa main, une déclaration attestant son aveu. Il est ensuite emmené à l’aéroport pour s’envoler en Israël, là où il sera jugé.

Cette arrestation donne lieu à un procès extraordinaire constitué de 121 séances, entre le 11 avril et le 11 décembre 1961. Si au début Eichmann n’avait pas le droit à la parole, il bâtira sa défense sur la notion de dépendance et non responsabilité quant au massacre des juifs. Des paroles peu recevables pour les jurys qui ont auditionné et condamné Adolf Eichmann à la pendaison, qui prendra effet le 31 mai 1962.

Extrait du procès d’Adolf Eichmann en 1961 (source : YouTube)

 

Sources :

 

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