À l’affiche de la compétition officielle du Les Arcs Film Festival, Cigare au miel est un film engagé qu’il faut voir ! Pour son premier long-métrage, la réalisatrice Kamir Ainouz nous livre un récit de qualité. Elle offre une réflexion sur la condition de la femme en plusieurs actes.
Synopsis : Selma, 17 ans, vit à Neuilly-sur-Seine en 1993, dans une famille berbère, cultivée et laïque. Alors que la terreur du fondamentalisme émerge dans son pays d’origine, Selma rencontre Julien, un garçon provocateur. Elle réalise à quel point les traditions du patriarcat contrôlent sa vie et son intimité. Au risque de remettre en question tout l’équilibre de sa famille, Selma va lutter pour reprendre le contrôle de son corps, de ses désirs et de sa vie.
Un scénario en plusieurs actes
À l’image d’une pièce de théâtre, le film peut se diviser en quatre grandes parties, qui ne correspondent pas à des changements de lieux, mais aux divers états d’esprit de Selma. Ces quatre parties évoquent la découverte, la résignation, la révolte et la libération.
La première partie nous montre avec justesse l’arrivée de Selma dans les études supérieures. Sa difficulté à vivre entre les deux cultures qui la composent. En effet, elle a été élevée pour être une femme intelligente et indépendante. Néanmoins, ses parents lui rappellent qu’elle devra se marier à plus ou moins court terme. Tout cela nous amène à des scènes intimes, riches en émotions et premières fois.
La seconde partie du film voit la résignation de Selma. Ici, tout est plus sombre. Selma fait la connaissance d’un jeune homme algérien, qui lui propose un stage. Ses parents la poussent vers lui. Mais de cette rencontre découle un événement qui bouleverse sa vie…
Le cigare au miel, une madeleine de Proust
À partir de là, tout change. Sur fond des événements dramatiques que vit l’Algérie depuis 1992, Selma se rend en Kabylie. Se succèdent alors des scènes de genre, à l’instar des tableaux orientalistes du XIXe siècle, qui nous plongent dans un intérieur algérien. En effet, nous sommes parmi ces femmes qui cuisinent des pâtisseries. En mangeant des cigares au miel, Selma se sent revivre. Elle décide alors de défier la figure paternelle. Elle prend dans ce quatrième acte le droit de sortir et de ne plus lui mentir. Selma est libérée.
Cette division en acte est un choix scénaristique intéressant. En effet, nous pouvons suivre de cette manière l’évolution de Selma. De manière chronologique, on voit évoluer son personnage, incarné par Zoé Adjani avec brio.
Un film engagé
Dans Cigare au miel, Kamir Ainouz nous montre plus que la vie d’une jeune femme algérienne en France. Elle nous transmet un engagement. Toujours autant d’actualité, cet engagement semble plus que jamais nécessaire. Effectivement, au moment où le patriarcat semble se renforcer, voir un film de ce type est important.
Ce film est l’histoire de la libération d’une jeune femme du carcan qui lui a été imposé. Mais bien plus encore. En effet, il nous conte aussi la libération de sa mère. La mère de Selma qui a abandonné son travail de gynécologue pour s’installer en France avec son époux et élever leur fille. Finalement, cette femme a transmis des valeurs qui n’étaient pas les siennes. Elle finit par s’en séparer presque plus vite que sa fille, ce que Selma ne comprend pas tout de suite.
Enfin, Kamir Ainouz nous montre la difficulté des femmes élevées entre deux cultures à se faire accepter. En effet, d’un côté, on les considère trop coincées, et de l’autre, trop libres. Mais finalement, quel que soit le point de vue, la femme est considérée comme un objet de désir à posséder.
Prévu au cinéma en 2021, nous ne pouvons que vous conseiller de voir ce film formateur. Il est encore disponible sur la plateforme en ligne du Festival des Arcs.