YEMA, la plateforme qui met à l’honneur le cinéma du Maghreb et du Moyen-Orient

YEMA, la plateforme qui met à l'honneur le cinéma du Maghreb et du Moyen-Orient

Quoi de mieux que le cinéma pour découvrir des cultures inconnues ? Léa Taïeb et Juliette Gamonal ont créé Yema, une plateforme exclusivement dédiée au cinéma d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, disponible depuis le 9 juin dernier. Les films et les documentaires de Yema nous font découvrir des régions du monde dont on parle tant, mais qu’on connaît finalement si peu. Chez Cultea, nous avons eu la chance et l’honneur de rencontrer les deux jeunes femmes. 

Rendre visible ce qui n’est pas visible

Léa Taïeb, journaliste, et Juliette Gamonal, qui travaille dans la distribution au cinéma, sont deux cinéphiles enthousiastes et passionnées, ravies de pouvoir parler de leur travail. « Ça fait un an qu’on travaille dessus (…) Le projet est porté par nos quatre bras« , dira Léa, au cours de l’entretien. L’amitié entre les deux jeunes femmes a en effet donné naissance à une belle surprise, pour les petits comme pour les grands : Yema est une plateforme qui propose des films en VOD venant uniquement d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. « Nous voulons que la programmation soit éclectique » précise Juliette, chargée de la programmation de Yema.

Yema est née d’un constat pour le moins désolant : « En-dehors de certaines salles, très confidentielles, les œuvres du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont peu présentes ou noyées parmi plein de films« , explique Juliette. « Nous souhaitons rendre visibles des œuvres du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord et aller plus loin dans la diversité culturelle« , complète Léa. « Pourtant, aujourd’hui en France, un certain nombre de jeunes ont des liens familiaux avec ces territoires« , remarque Juliette.

Léa et Juliette tiennent à narrer toute la genèse de la plateforme. « Au début, on avait pensé à un ciné-club mais il y a eu le Covid. Alors on a décidé de créer Yema. Nous sommes même allées plus loin, car grâce à la plateforme, tout le monde peut avoir accès aux films« , raconte la journaliste. Yema a été financée grâce à une campagne de crowfunding.

Pourtant, aujourd’hui en France, un certain nombre de jeunes ont des liens familiaux avec ces territoires. (Juliette Gamoral, cofondatrice de Yema)

Le maître-mot de Yema : l’éditorialisation !

Les deux créatrices le martèlent : pas question de laisser le téléspectateur se noyer dans une myriade de films. « On souhaite insister sur l’éditorialisation« , commente Juliette. Conscientes que le cinéma d’Orient reste méconnu d’une grande partie des européennes et des européens, les deux créatrices ont rassemblé les films de la plateforme autour de différents thèmes. « On veut prendre le téléspectateur par la main« , renchérit Léa.

Après avoir lu cet article, vous ne pourrez évidemment pas résister à l’idée de vous rendre sur Yema. Vous découvrirez alors que les films sont classés selon plusieurs thèmes qui feront forcément écho en vous. Ainsi, « Histoires d’amour« , « Conditions féminines« , « Affaires de famille » ou encore « Algérie 2022« , ne sont autres que les catégories choisies par les deux jeunes femmes pour éditorialiser leur plateforme.

Le maître-mot de Yema : l'éditorialisation !

« Ces thèmes sont universels et contemporains. On veut montrer que tout le monde peut se retrouver dans ces cinémas-là et s’approprier ces thèmes« , poursuit la journaliste. À l’occasion des soixante ans de l’indépendance de l’Algérie, Léa et Juliette ont compilé un certain nombre de films réalisés par des cinéastes algériens ou franco-algériens. « L’idée était de rappeler l’histoire de l’Algérie, de marquer le coup et de rappeler les liens qui existent entre les deux pays« , indique Léa. Bien loin des discours convenus, les films sélectionnés par les deux amies cinéphiles explorent en profondeur l’Algérie contemporaine, de même que les relations entre les artistes français et algériens. « On veut faire tomber les stéréotypes« , conclut Léa.

Chaque mois, une personnalité originaire d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient est invitée à sélectionner quelques films parmi le catalogue et à expliquer les raisons de son choix. En octobre, c’est l’écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani, qui a eu ce privilège.

On veut montrer que tout le monde peut se retrouver dans ces cinémas-là. (Léa Taïeb, cofondatrice de Yema)

Des idées plein la tête

Yema n’en est qu’à ses balbutiements. « La plateforme est en cours de construction« , affirme Juliette. Les deux créatrices bouillonnent d’idées pour faire grandir leur bébé (pour notre plus grand bonheur). Pour poursuivre cette idée d’échange avec le téléspectateur, elles souhaitent en effet rendre la plateforme interactive. « On voudrait laisser aux téléspectateurs la possibilité de laisser un commentaire et de débattre en direct comme sur Twitch« , explicite Léa.

Autre idée afin de fidéliser les téléspectateurs : proposer l’abonnement illimité, comme sur les autres plateformes. Pour cela, Léa et Juliette ont besoin de fonds. « On cherche partout, souligne Juliette, auprès de particuliers et auprès d’acteurs du secteur culturel et audiovisuel« .

Léa et Juliette souhaitent, en outre, faire grandir Yema avec d’autres thématiques, comme la communauté LGBT ou le regard féminin. « On veut se demander s’il existe un regard féminin dans les films d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient notamment avec les films de Leyla Bouzid qui a réalisé Une Histoire d’amour et de désir, précise Léa. « On aimerait aussi regrouper des films autour de la musique et se demander comment le cinéma influence la création musicale et inversement, ce qu’est qu’un film musical… » ajoute Juliette. Et ce n’est pas tout ! « On souhaite enrichir le catalogue de nouvelles œuvres sorties en salle pour porter de nouvelles thématiques« , poursuit-elle.

Et comme les deux jeunes femmes ne semblent jamais à court d’idée, elles ambitionnent aussi de nouer des partenariats avec des institutions culturelles. Cela pourrait donner lieu à des projets transversaux plus qu’attrayants. Léa et Juliette ont déjà pris contact avec le MUCEM et diffuseront une partie des films sélectionnés à l’AFLAM, le festival du cinéma des mondes arabes et de la Méditerranée. « Il y a aussi pas mal de pistes à explorer avec les médias émergents », ajoute Léa.

Yema vous conseille

Nous avons demandé aux cinéphiles averties que sont Léa et Juliette de nous conseiller quelques films disponibles sur Yema. Voici leurs réponses :

  • La Visite de la Fanfare, d’Erin Kolirin (2007) :

Synopsis : Un jour, une petite fanfare de la police égyptienne vint en Israël. Elle était venue pour jouer lors de la cérémonie d’inauguration d’un centre culturel arabe. Seulement à cause de la bureaucratie, d’un manque de chance ou de tout autre concours de circonstance, personne ne vint les accueillir à l’aéroport. Ils tentèrent alors de se débrouiller seuls, pour finalement se retrouver au fin fond du désert israélien dans une petite ville oubliée du monde. Un groupe de musiciens perdu au beau milieu d’une ville perdue. Peu de gens s’en souviennent, cette histoire semblait sans importance…

L’avis de Juliette : « C’est un film très drôle, très touchant. C’est la rencontre de deux peuples apparemment opposés et qui ne le sont en fait pas tellement. Le film est généreux, très facile d’accès, pas élitiste« .

  • Chroniques Algériennes, de Zad Kedzi (2020):

Synopsis : Pendant l’été 2019, il a quitté la France pour l’Algérie, pays de ses ancêtres, pays de son père. Il s’est rendu en Algérie pour essayer de saisir le mouvement du Hirak. Pendant des jours, des semaines, sa soeur et lui ont donné la parole à des Algériens, jeunes ou vieux, philosophes ou non, avec de l’espoir ou pas.

L’avis de Léa : « Ce film raconte le Hirak à travers le regard du personnage principal. C’est un cri du cœur ! On aimerait beaucoup avoir des films de ce type qui ont un message à faire passer« .

En arabe, « Yema » signifie la mère ou la grand-mère. Telles ces figures tutélaires, la plateforme de Léa et de Juliette nous fait subtilement découvrir les si riches cultures d’Orient. 

 

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