Longtemps resté dans des cartons poussiéreux, l’œuvre de Vivian Maier a été découvert par hasard par un jeune homme curieux qui a révélé au grand jour le talent de cette photographe méconnue.
L’incroyable découverte
Nous sommes en 2008, c’est l’hiver, il fait froid. John Maloof, ancien agent immobilier de 26 ans, recherche une illustration pour un livre qu’il prépare sur l’histoire de Chicago. Pour cela, il se rend donc dans une vente aux enchères. Parmi les objets proposés se trouve un lot de 30 000 photographies anciennes provenant d’un garde-meuble. Pour 400 dollars, elles sont à lui.
Ce qu’il découvre dans ces cartons le fascine : des photos de rue qui cristallisent sur le papier des instants de vie, à première vue sans intérêt, mais sublimés par les talents de l’artiste derrière l’objectif. Loin des photos percutantes de Donna Ferrato, on y voit plutôt le regard perçant d’un enfant, les chaussures d’un passant, une jupe virevoltante, des cheveux tombants, une cigarette insolente. Tout est sujet à photographie. Dans des jeux de lumière et d’ombre, Vivian Maier sublime les petites choses du quotidien.
Dans les cartons de photos, John Maloof trouve aussi des effets personnels : des livres d’art et de photographie, des coupures de journaux, des bijoux, du courrier, mais surtout des appareils photo et des caméras.
À qui peut bien appartenir ce joyeux bazar ? Dans les photos, une femme apparaît de façon récurrente. Elle photographie son reflet dans des vitrines de magasins, appareil photo en main. Il s’agit donc d’une femme, mais le mystère reste entier.
Faire connaître ces œuvres
En attendant de découvrir qui est cette photographe cachée, John Maloof décide de prendre les choses en main. De tels chefs-d’œuvre ne peuvent pas rester entre les quatre murs de son salon. Tout le monde doit les voir. En plus des images déjà sur papier, il développe les pellicules qui sont restées en négatif. 120 000 négatifs plus tard, il démarche les musées. Ni le MoMA de New York, ni la Tate Modern de Londres ne veulent des clichés. Leur argument :
« Un tirage qui n’a pas été validé du vivant de l’artiste n’a pas de valeur. »
Mais Maloof ne baisse pas les bras. Pour lui, il faut que ces clichés soient rendus visibles. La solution : Internet. Il crée alors un blog et diffuse les clichés sur les réseaux sociaux où ils rencontrent le succès escompté. Pour organiser une exposition, il vend quelques clichés. Quand les photographies sont enfin exposées au centre culturel de Chicago, le chemin vers la reconnaissance de cette photographe prend un nouveau tournant. Tim Roth, acteur et collectionneur, se prend de passion pour le travail de Vivian Maier et lui offre une visibilité grandissante.
Une mystérieuse inconnue
Mais à ce stade, John Maloof ne sait pas grand-chose de l’autrice de ces photos. Peu après avoir acquis les photos aux enchères, il retourne à la salle des ventes pour tenter de connaître l’identité de la propriétaire. Il obtient juste qu’elle s’appelle Vivian Maier, qu’il s’agit d’une vieille dame malade et qui, par conséquent, ne veut pas être dérangée. De spéculations en spéculations, l’acheteur l’imagine photojournaliste ou artiste. Mais ses recherches sur Internet n’aboutiront à rien.
Plus le succès est au rendez-vous, et plus l’envie de découvrir la vie de cette artiste est grande. En 2009, Maloof tape de nouveau le nom de l’artiste sur Internet. Et là, par chance, un résultat apparaît. Entre satisfaction et défaite, Maloof tombe alors sur l’avis de décès de Vivian Maier, disparue quelques jours auparavant.
Il apprend en remontant le fil qu’elle était nourrice. Pendant 16 ans, elle a élevé les trois enfants de la famille Gensburg dans leur maison de la banlieue de Chicago. Il les contacte donc afin qu’ils lui dévoilent la fin de vie de leur nounou. Elle habitait un petit appartement près du lac Michigan. Un jour, elle chute et se cogne la tête au sol. Après un séjour à l’hôpital, elle finira ses jours dans une maison de repos. D’elles, il leur reste du bric-à-brac entassé pendant des années, mais aussi toute sa correspondance. Ils confient ces trésors à Maloof, qui retracera ainsi sa vie. Il en fera un documentaire intitulé À la recherche de Vivian Maier.
Tout au long de sa vie, Vivian Maier a photographié dans l’anonymat le plus total. Elle n’a en effet jamais cherché à faire reconnaître son travail, pour des raisons toujours inconnues. Peut-être voulait-elle garder la liberté de photographier sans contrainte. Et c’est réussi.
2 Replies to “Vivian Maier : qui était donc cette photographe de l’ombre ?”