Vingt ans après la sortie de Walk the Line et deux ans après la sortie mitigée du dernier Indiana Jones, James Mangold est de retour avec Un parfait inconnu. Un biopic centré autour de Bob Dylan qui, malgré quelques qualités, ne parvient jamais vraiment à nous emporter dans la vie du chanteur.
Synopsis : New York, 1961. Un jeune inconnu, fraîchement débarqué d’un taxi, cherche à rencontrer son idole Woody Guthrie, hospitalisé dans un des hôpitaux de la ville, pour lui partager sa passion pour la musique. Durant cette soirée, il rencontrera Pete Seeger qui se trouvait à ce moment-là au chevet de l’auteur-compositeur et qui, découvrant son talent, le fera rencontrer les artistes majeurs de l’époque et le propulsera sur la grande scène musicale des années 60 jusqu’à la rupture brutale de l’édition 1965 du Newport Folk Festival.
Une réalisation ambitieuse
Le cadre est posé dès les premières secondes du film. Avec Un parfait inconnu, James Mangold ne s’intéressera pas à l’entièreté de la vie de l’artiste et laissera une part de mystère autour de sa jeunesse et de tout ce qui précède son arrivée dans la ville, en raccordant l’ensemble de cette première séquence au titre du film. Une entrée en matière peu orthodoxe, mais bienvenue pour un film de ce genre, plus enclin à effectuer des allers et retours entre son enfance et les évènements se plaçant dans l’instant présent du long-métrage.
Le procédé utilisé déroute quelque peu et l‘on se sent distant par rapport à ce qui est montré, comme si le film ne savait pas comment débuter son récit. Il n’empêche que la réalisation est léchée, l’image réfléchie et travaillée et l’on perçoit l’amour du réalisateur pour cette époque révolue, cadre déjà utilisé dans ses deux dernières réalisations.
Une histoire manquant d’ampleur
Malgré un cadrage académique chargé tout en restant agréable à voir, l’histoire en elle-même ne nous emporte jamais réellement. Un parfait inconnu n’arrive pas à mettre en place un fil conducteur clair et précis et finit par nous montrer les évènements de manière linéaire, sans apporter sa propre vision. Cela est encore plus dommageable quand on pousse la comparaison avec d’autres réalisations existantes.
En 2007 sortait I’m Not There de Todd Haynes qui possédait une volonté artistique propre en proposant différentes itérations du chanteur, chacune incarnée par une personne différente et représentant un caractère particulier de l’artiste durant une époque définie. Cela renforçait le côté caméléon d’un chanteur qui aura toujours voulu être à contre-courant de ce qu’on lui demandait, le rendant indéchiffrable et imprévisible au fur et à mesure de sa carrière.
On pourrait même comparer ce biopic à un autre film du réalisateur, Walk The Line, qui avait axé son axe narratif autour du couple Cash/Carter et qui était le centre névralgique du long-métrage. Ici, Un parfait inconnu n’arrive pas à approfondir les relations abordées et finit par être une exploration en surface. Malgré tout cela, le film réussit à procurer chez le spectateur un certain engagement durant sa toute dernière partie au cours du Newport Folk Festival de 1965, en nous faisant ressentir une force et une puissance qui auront cruellement manqué au long-métrage.
Une distribution en dents de scie
Ce manque cruel d’engagement ressenti durant la majorité du long-métrage peut se trouver à travers l’incarnation recherchée par James Mangold et Timothée Chalamet avec une proposition très flegmatique, prétentieuse et froide. Ces qualificatifs sont en effet durs à transposer pour tenir le spectateur investi mais cela ne justifie pas le fait d’avoir l’impression de voir à l’écran un personnage, qui doit être le moteur du film, être en sous-régime et distant. La comparaison est encore plus fatale face aux différentes interprétations précédentes du chanteur, avec Cate Blanchett en tête.
Force est de constater que cette interprétation impacte considérablement le reste du casting qui apporte un soutien indéfectible pendant les 2h20 de film. Monica Barbaro, déjà marquante dans Top Gun : Maverick, incarne une Joan Baez envoûtante et prouve qu’un focus autour du duo Dylan/Baez aurait pu amoindrir ce sentiment de classicisme que l’on ressent une fois le film terminé.
Edward Norton reste toujours juste dans son interprétation, même si on se demandera si la coupe de cheveux était vraiment nécessaire pour son personnage. On saluera également le travail incroyable fourni par ces trois comédiens dans la retranscription des chansons choisies pour le film, qui appuie d’autant plus cette volonté d’être un film à Oscars avant tout.
Mais le personnage qui se démarque le plus du reste du casting n’est nul autre que Johnny Cash. Interprété par Boyd Holbrook, chacune de ses très rares apparitions amène un autre souffle à la scène et sa prestance nous reste en tête à chaque fois. Cela n’est pas si étonnant en y repensant tant on ressent l’amour du réalisateur pour ce chanteur, comme si la raison de ce film tournait autour de lui et de l’envie de Mangold de le retransposer à nouveau à l’écran.
Un parfait inconnu ne parvient jamais à trouver son équilibre. Classique dans sa forme et cherchant à vouloir être le film à Oscars par excellence, le long-métrage de James Mangold en oublie le divertissement du spectateur et la proposition d’une vision propre, malgré un dernier quart d’heure qui cherchera à revigorer une pulsion qui aura été difficile à maintenir durant l’entièreté des 2h20 d’un film qui manque cruellement de puissance et de vigueur.
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