« Saint-Omer » d’Alice Diop : un film très puissant [critique]

Sophie Volatier
Sophie Volatier
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Sorti en salles le 23 novembre 2022, Saint-Omer, le dernier film de la réalisatrice Alice Diop est stupéfiant.

Synopsis : Rama (Kayije Kagame), jeune professeure de lettres, se rend au procès de Laurence Coly (Guslagie Malanda), accusée d’infanticide. La jeune universitaire doit écrire un livre sur l’audience mais les événements et les mystères de Laurence la bouleversent.

Le film s’inspire d’un fait réel. En juin 2016, Fabienne Kabou est jugée par la cour d’assises du Pas-de-Calais pour avoir abandonné sa fille de quinze mois sur une plage de Berck-sur-Mer, dans le Nord de la France, en 2013.

Saint-Omer, un film sur la maternité

Saint-Omer est une expérience aussi troublante que bouleversante. Laurence est une accusée hors-normes, qui brise avec puissance le petit théâtre qu’est la cour d’assises. La réalisatrice ne se veut ni juge, ni moralisatrice. Elle vient chercher notre humanité la plus profonde. Comme Alice Diop, nous avons envie de percer tous les mystères de Laurence dont la langue soutenue nous fascine dès le début du film. On est suspendu à la vie de cette femme.

Saint-Omer n’est pas un film sur l’infanticide. C’est un film qui interroge la maternité. Alice Diop se focalise sur Rama, enceinte, sur le point de devenir mère, et sur Laurence, qui elle a été mère. Le procès rappelle à la professeure de lettres les tourments de sa propre mère. Le procès est en fait une catharsis de la relation que Yama entretient avec sa mère.

On salue aussi les impressionnantes prestations des actrices qui interprètent Yama et Laurence, mais aussi des actrices qui endossent les rôles de la présidente de la cour d’assises (Valérie Dréville) et de l’avocate de Laurence (Aurélia Petit). Les quatre actrices sont profondément justes. Valérie Dréville incarne avec finesse cette justice solennelle, pas très humaine, qui flanche face à cette accusée. Aurélia Petit est cette avocate qui saisit la détresse de sa cliente et qui livre, à la fin du film, un plaidoyer flamboyant d’humanité.

Représenter les femmes noires

Et puis Alice Diop a voulu représenter l’une des pièces manquantes du cinéma français: les femmes noires. Au micro de la journaliste Léa Salamé sur France Inter, Alice Diop affirme: « Je suis devenue cinéaste pour offrir au monde tous les récits manquants« . La cinéaste s’attarde sur Rama et sur Laurence avec des longs plans sur leurs visages. Autant dire qu’elle offre une belle représentation à ces femmes encore trop peu visibles en France.

« Je suis devenue cinéaste pour offrir au monde tous les récit manquants » (Alice Diop, France Inter)

Au début du film, Rama donne un cours sur un texte de Marguerite Duras. La célèbre autrice sublime les femmes tondues à la Libération. Ces femmes sont en effet accusées du pire : avoir fréquenté des soldats humains.  A sa manière, Alice Diop magnifie Fabienne Kabou. 

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