Le 11 mai 1997, le champion d’échecs Garry Kasparov s’inclinait devant Deep Blue, un superordinateur conçu par IBM ayant pour seul but de battre le meilleur joueur du monde de cette discipline.
Une première rencontre gagnante pour Kasparov
Un an auparavant, c’est sans inquiétude que le roi des échecs avait accepté d’affronter Deep Blue à Philadelphie, dans un match en six parties. Son assurance lui aura d’ailleurs valu la frayeur d’être dans de mauvaises positions pendant le jeu, craignant que la partie ne soit finalement pas si gagnée d’avance. Après une victoire partout et deux matchs nuls, Garry Kasparov s’impose face à l’ordinateur. Il remporte la cinquième et la sixième partie.
Confiant, l’Ogre de Bakou pense avoir « remis les pendules à l’heure » pour un long moment. Il s’agit d’un nouvel exploit dans le monde des échecs, succédant à celui accompli par Samuel Reshevsky. Pourtant, le champion incontesté des échecs ne s’attendait certainement pas à être vaincu par ce même adversaire l’année suivante…
Quinze mois plus tard, il fait la même erreur. Garry Kasparov n’est pas inquiet de se retrouver face à la machine qu’il a déjà battue, en 1996. Il sous-estime alors son adversaire sans se douter des améliorations survenues au cours des derniers mois. L’ordinateur d’1,4 tonnes est désormais capable d’analyser 200 millions de positions par seconde et sa vitesse de calcul a doublé.
Echec et mat
Garry Kasparov a sa victoire précédente en tête. Ce dernier considère que ce match retour ne sera pas plus difficile à remporter que celui de la dernière fois. Pourtant, malgré ses combinaisons gagnantes habituelles, Garry Kasparov est déstabilisé par Deep Blue qui prend l’avantage. Une trentaine de coups s’enchaînent tandis que le champion ne parvient pas à se tirer de sa position défavorable.
Le roi des échecs, en titre depuis 1985, est dépassé. Il prend alors la décision surprenante d’abandonner la partie. Garry Kasparov ne s’avoue pas vaincu pour autant et cherche à reprendre l’avantage lors des parties suivantes. L’Ogre de Bakou parvient à se hisser dans des positions favorables mais n’en sortira jamais gagnant. Deep Blue mène la danse.
Certainement en proie au désespoir, Garry Kasparov tente le tout pour le tout lors du sixième et dernier match. Le score affichant 2,5 partout, il prend le risque de jouer une combinaison défensive. Une combinaison qu’il n’avait pas pratiquée depuis longtemps, dans le but de dérouter l’ordinateur. En vain, c’est au terme du 19e coup que le champion du monde des échecs abandonne. Deep Blue a atteint son objectif : il a vaincu le meilleur joueur du monde.
Une défaite amère face à Deep Blue
Garry Kasparov refuse d’admettre sa défaite. « Un homme, le meilleur du monde, a craqué sous la pression » confie-t-il lors d’une conférence de presse, rapportée par l’AFP. « L’ordinateur n’a rien prouvé […] on peut battre l’ordinateur, il a trop de points faibles ». Il regrette de ne pas avoir imposé plus de conditions pour encadrer le jeu, persuadé que des humains ont aidé la machine.
Il accuse IBM, le concepteur de Deep Blue, de triche et veut sa revanche. IBM refusera de relever le défi, considérant sa mission terminée. Malgré les 400 000 dollars offerts au perdant, l’Ogre de Bakou ne veut rien entendre : selon lui, la partie n’était pas équitable. En effet, Deep Blue a eu accès à toutes les parties antérieures du champion afin de les analyser. Garry Kasparov, lui, n’a pas eu accès à celles de l’ordinateur.
Du côté d’IBM, un développeur confiera quelques années plus tard que Deep Blue aurait eu un dysfonctionnement au cours de la partie. L’ordinateur aurait joué un coup d’une manière complètement aléatoire, déstabilisant Garry Kasparov pour tout le reste de la partie. Ce coup n’était pas calculé et ne résultait que du dysfonctionnement de la machine, ce qui aurait renversé le cours du match.
Pour le monde des échecs, cette défaite ne relève pas du manque de génie de leur champion mais plutôt de son obsession à vouloir anticiper les coups de l’ordinateur. Si Garry Kasparov avait joué sans pression, il aurait probablement battu Deep Blue. C’est donc certainement cette obsession qui aura été fatale à Garry Kasparov, le roi des échecs, vaincu par une machine.