Pourquoi peut-on appeler un journal « le baveux » ?

Pourquoi peut-on appeler un journal "le baveux" ?

Le journal papier a bien des synonymes que l’on utilise encore aujourd’hui : papier, feuille ou encore nouvelles. Mais saviez-vous que le journal peut être aussi appelé le « baveux » ? Souvent utilisé par les générations précédentes, ce terme reflète en réalité plusieurs aspects propres au journal et au métier du journaliste.

1914-1918 : l’argot très utilisé dans les tranchées

Lors de la Première Guerre mondiale, la population française est appelée à s’engager. Tous les hommes, peu importe leurs régions, sont appelés à prendre les armes et à partir au front. Cela provoque alors un brassage sans précédent. Et même si rien ne les lie entre eux, ils ont adopté un langage commun. Ce langage, c’est « l’argot des tranchées ». Un langage que le linguiste Alfred Dauzat étudia de manière approfondie avant de faire paraître son livre L’Argot de la Guerre, Mots des Soldats et Officiers de la Grande Guerre en 1918.

Cette manière de s’exprimer permettait essentiellement aux soldats de parler en employant des mots à caractère humoristique. Ces mots leur faisaient oublier un tant soit peu la guerre et ses horreurs. On utilisait des mots appartenant au patois angevin comme « bourrin » pour désigner un cheval ; du patois berrichon avec « bidoche » pour qualifier la viande mais aussi de l’argot de Champagne avec « pinard » pour parler du vin et des cépages.

Pour ce qui est du terme « baveux », on l’attribue à l’argot parisien. L’argot parisien servait essentiellement pour désigner les affaires personnelles des soldats. C’est de l’argot parisien que provient « falzar » pour désigner un pantalon, « pucier » pour un lit et « surin » pour un couteau.

Le vocabulaire fleuri des poilus (source : Collection Archives municipales de la ville d’Hyères)

L’origine du terme « baveux » indéterminée, mais presque désignée

L’argot parisien est un langage qui connaît deux sources, toutes deux bien distinctes. L’une provient de l’argot des métiers. L’autre provient de l’argot criminel, notamment des voleurs. Une question s’impose : de quel monde provient notre terme pour désigner le journal ?

  • Du monde du travail avec la référence à l’encre qui peut baver sur le papier ?
  • Ou alors du monde criminel, du fait que les journaux participaient activement à la recherche des coupables ?

Un élément va plutôt nous faire pencher du côté criminel. En effet, un autre terme de l’argot parisien se rapproche beaucoup de baveux, il s’agit de bavard. Ce terme désigne un avocat, qui s’exprime beaucoup peu importe le camp. Mais au fil des années, on a rapproché le terme baveux à la fonction de l’avocat. Beaucoup de textes, notamment issus de la musique populaire du rap, en font mention. On pense à Kerry James avec cette phrase dans son morceau « L’impasse » (2008) :

« T’as beau mettre toutes thunes dans le baveux ».

Pour ce qui est du terme « baveux » pour le domaine du journalisme, on peut donc penser que ce terme était utilisé pour qualifier le rapportage de faits. Tout le monde pouvait lire ces derniers et donc s’informer, ce qui est le but premier du journalisme.

Toutefois, cette idée que le terme baveux était utilisé uniquement par les criminels est à prendre avec des pincettes. Il est possible également que ce terme ait été utilisé par la police, du fait que le journalisme est un ennemi pour les forces de l’ordre. Les journalistes peuvent divulguer des informations que les policiers auraient aimé garder pour eux. On peut prendre l’exemple de la citation dans Mollo sur la Joncaille (1955), un livre faisant partie d’une série policière :

« Un peu, qu’on connaissait l’histoire et le blaze de la vioquarde. Depuis une semaine, les baveux ne parlaient plus que de ça ».

Couverture de Mollo sur la Joncaille (1955)

En somme, le terme « baveux » pour désigner le journal papier est un terme que l’on utilise sûrement pour désigner la quantité importante d’informations qu’on y trouve en son sein. Mais il se peut que les recherches continuent de nous en apprendre sur ce terme.

Sources :

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