Sortie en juin 2021, la série Mixte est la première production entièrement française d’Amazon Prime. À travers son immersion dans les années 60, elle aborde pourtant des sujets qui font écho à notre quotidien.
En 1963, alors que le lycée Voltaire coule des jours heureux entre garçons, onze filles intègrent les classes de Saint-Jean-d’Angély. Pour la première fois, l’établissement sera mixte. Lorsqu’elles passent la grille et marchent dans la cour, tous les regards se tournent vers elles. Simone et Michèle se lient vite d’amitié, dans une sorte de solidarité féminine. Annick (incarnée par Lula Cotton Frappier, Daphné dans Skam France), sous ses airs de Brigitte Bardot, préfère faire bande à part et se concentrer sur ses cours. Cependant, elle n’oublie pas que les filles sont considérées comme peu légitimes à étudier et ne loupe pas une occasion de faire valoir la cause féminine.
En huit épisodes d’environ quarante minutes, on suit le quotidien de ces adolescents, mais aussi de leurs professeurs, qui eux aussi, subissent parfois les carcans des mœurs de l’époque.
Cheveux bombés et mocassins vernis
On l’a déjà évoqué, la série se déroule en 1963, avec tout ce que cela implique. Les garçons vont au lycée en costume en tweed. La chemise est rentrée dans le pantalon, parfois accompagnée d’un pull à manches courtes ou d’un bombers en suédine. Pour les filles, la robe est de mise. Cintrée à la taille et avec un grand col, elle ne doit surtout pas être jugée trop courte. D’ailleurs, lorsque Michèle fait les frais d’une mauvaise blague de ses camarades, elle est contrainte de se changer et d’enfiler un pantalon et une chemise, on la targue alors d’être habillée « comme un garçon ».
Les décors aussi nous plongent dans l’ambiance. Avec une petite ambiance des Choristes, les tables sont en bois, les cartables en cuir et les cahiers s’accompagnent toujours de papier buvard.
Malgré tout, cette série reste résolument moderne, et la musique y est pour beaucoup. Pas de France Gall ou de Dalida dans la bande-son, mais des musiques modernes aux sonorités pop et rock. Une bonne manière de dépoussiérer les bancs de cette école conservatrice.
Raconter la révolution de la mixité
Parce qu’à l’époque, l’école est bel et bien conservatrice, surtout lorsqu’il s’agit de mixité. Les professeurs ne voient pas tous d’un très bon œil l’arrivée de ces filles, qui viendraient perturber la concentration des messieurs. L’un d’eux refuse même qu’Annick puisse s’asseoir à côté de l’un de ses camarades. Les parents ne sont pas en reste. Les pères de famille veulent préserver leur fille des garçons jugés peu fréquentables et misent plutôt sur leur garçon. Les filles subissent les injonctions imposées à leur genre. Annick se fait même reprendre par son professeur parce que ses cheveux sont détachés.
Ce que veut également dire la série, c’est que la mixité dans les établissements scolaires n’a pas été un événement pensé. Loin des idées reçues qui laissent penser à une décision pour faire évoluer la société, la mixité a plutôt été imposée. Marie Roussin, la réalisatrice dit à ce sujet :
« La mixité, c’est une révolution qui n’a jamais été réfléchie, organisée, ni programmée. C’est arrivé parce que tous les baby-boomers arrivaient à l’école et qu’on ne savait plus comment les caser. On ne pouvait plus séparer les filles et les garçons de façon pratique donc on a mis tout le monde ensemble et on s’est posé les questions après ».
Sujet de fond, mais traité parfois avec une note d’humour. Ce qui semble être un détail n’en est finalement pas toujours un. Lorsque les filles débarquent à Voltaire, la vie pratique n’a pas été pensée pour elles. Elles n’ont pas de toilettes qui leur sont consacrées et dans l’infirmerie, un simple rideau est installé pour conserver une certaine intimité. C’est aussi dans les petits riens que l’on constate l’accueil qui leur est réservé.
« Une série qui parle aussi d’aujourd’hui »
Comme le dit Marie Roussin, bien que l’action se déroule dans les années 60, les sujets traités restent éminemment modernes. Au gré des épisodes, c’est bien du sexisme de l’époque dont il est question. Les filles ne sont pas éduquées sexuellement, l’homosexualité est encore considérée comme une déviance vis-à-vis des « bonnes mœurs » et le patriarcat est omniprésent que ce soit du côté du corps enseignant, des élèves ou du cercle familial. Bien qu’heureusement des avancées sont à constater, ces sujets sont toujours présents dans notre société.
Les élèves eux non plus ne sont pas si différents de nos lycéennes et lycéens actuels. Ils veulent plus ou moins réussir à l’école, parfois simplement pour faire plaisir à leurs parents. Ils veulent s’amuser et ils connaissent leurs premières histoires d’amour. Pichon, le bon copain secrètement amoureux d’Annick cherche à attirer son attention par tous les moyens. Simone vit une histoire d’amour cachée. Michèle doit faire face au jugement de ses parents au sujet de celui qu’elle aime. Derrière toutes ces histoires, il y a des situations qui parlent à beaucoup d’entre nous.
Mélange d’amourettes adolescentes (tout comme Love, Victor dont on vous parlait il y a quelques jours) et de réelle incarnation du grand sujet de la mixité à l’école, Mixte a tout pour plaire aux plus jeunes. Une suite émerge déjà dans l’esprit de la réalisatrice. Elle verra probablement les lycéens arriver à la fac en 1968, avec son mois de mai qui promet une saison mouvementée. Léonie Souchaud déclare même qu’elle a « envie que Michèle devienne féministe ». Un pas de plus vers l’aspect sociétal de la série.