L’éventail, un accessoire encore dans le vent : histoire de la maison Duvelleroy

L'éventail, un accessoire encore dans le vent : histoire de la maison Duvelleroy

André Breton écrivait, en 1944 dans Arcane 17, que « Dans la jungle de la solitude, un beau geste d’éventail peut faire croire à un paradis. ». L’éventail est un accessoire aujourd’hui délaissé par le plus grand nombre en France. Pourtant, on trouve encore une maison française qui souhaite continuer à faire vivre cet objet : Duvelleroy. 

Histoire de l’éventail

L’éventail connaît une histoire très ancienne et très variée. Le plus ancien éventail, trouvé en Chine, date du VIIe siècle avant Jésus-Christ. Cependant, il semblerait que les Romains et les Grecs l’aient aussi utilisé. À l’époque, ce n’était pas encore cet objet qui se plie mais une simple feuille.

L’éventail pliable viendrait du Japon et son inventeur aurait reproduit la technique des ailes de chauve-souris. L’éventail n’arrive en Europe, de Chine et du Japon, qu’à l’époque moderne. Il va alors avoir diverses utilisations. En Italie, les rois l’utilisent comme objet de pouvoir avant qu’il ne devienne un accessoire de mode féminin.

L'éventail est un objet plus ancien qu'on ne pourrait le croire
L’éventail est un objet plus ancien qu’on pourrait le croire.

Il arrive en France avec Catherine de Médicis, jeune italienne, qui épouse Henri II roi de France. Cependant, c’est avec l’épouse d’Henri IV, Marie de Médicis, que l’éventail s’impose véritablement comme objet de mode dans la société française. D’accessoire, il devient ensuite un objet d’art, aussi bien par la décoration de la feuille que par les matériaux précieux utilisés pour la monture.

En Espagne, il sert encore aujourd’hui comme accessoire pour la danse. Mais à l’heure actuelle, en France, l’éventail n’a pas forcément tout le crédit qu’il mériterait comme accessoire de mode. C’est pourquoi, si l’on veut trouver des éventails aujourd’hui, on ne peut se tourner que vers une seule maison de référence : la maison Duvelleroy.

Duvelleroy, les débuts de l’histoire d’une maison française de l’éventail

L’histoire de Duvelleroy commence en 1827 avec Jean-Pierre Duvelleroy (1802 – 1849). À 25 ans, il décide de remettre l’éventail au goût du jour par le biais d’une maison qui imagine, confectionne et commercialise des éventails pour les femmes du temps. En effet, cet accessoire de mode était tombé en désuétude. L’impulsion de sa maison se fait pleinement, grâce à une élégante anecdote :  au bal de la duchesse de Berry en 1829, une danse, le quadrille de Marie Stuart, se dansait avec un éventail. Les femmes de la haute société se précipitent alors dans sa maison. Duvelleroy avait gagné : il avait relancé le marché de l’éventail, deux ans après la fondation de sa maison. Jean-Pierre Duvelleroy s’entoure alors des meilleurs artisans pour créer les plus beaux éventails et ouvre une succursale à Londres.

En se sentant vieillir, Jean-Pierre décide de léguer ses boutiques à ses deux fils, Jules et Georges. Le premier hérite de la succursale de Londres, tandis que l’affaire de Paris revient au fils légitime, Georges.

Georges Duvelleroy et les heures de gloire de l’éventail couture

Georges Duvelleroy fait alors vivre à l’éventail couture son heure de gloire. Il produit des feuilles d’éventails en tulle, en soie, en dentelle… Sur ces feuilles, il fait broder des paillettes et des sequins et imagine de nouvelles coupes. Par ailleurs, il fait retravailler les plumes d’oiseaux en marqueterie afin de créer des éventails toujours plus imposants. Il se spécialise aussi dans la vente d’éventails trophées, des éventails de décoration, peu recommandés aux âmes sensibles, car ils intègrent les plumes et la tête d’un même oiseau appartenant à une belle dame de la société parisienne. Ces éventails avaient pour but de donner une seconde vie à l’oiseau qu’appréciait telle ou telle dame.

La naissance de l’Art Nouveau ouvre des horizons à l’éventail, qui s’orne de fleurs et de figures d’insectes. Des lignes sinueuses se font une place sur cet accessoire de mode. Des créatures, comme des dragons, des paons et des serpents, sont également dessinées. L’éventail Duvelleroy s’inscrit au cœur des mouvements artistiques de son époque.

Dans le même temps, les formes distinctives de la maison naissent : la forme ballon, arrondie, plus aérienne et plus légère, et la marguerite, qui devient alors la signature de la maison Duvelleroy, qu’on retrouve encore aujourd’hui. En parallèle, Duvelleroy développe une nouvelle gamme : les éventails publicitaires, imaginés pour accompagner certaines grandes maisons dans leurs évènements. L’éventail devient alors un support de communication essentiel pour des maisons de parfums, de champagne, des hôtels et des maisons de mode.

À la fin de sa vie, Georges Duvelleroy transmet la maison à sa fille et son savoir à Madeleine Boisset, peintre éventailliste. Puis, en 1940, Jules Charles Maignan reprend la maison Duvelleroy, en travaillant toujours avec Madeleine Boissiet. Malheureusement, durant ces temps meurtriers, l’activité de résistance de l’artiste est découverte et elle est déportée au camp de Ravensbruck, où elle meurt en 1945. La maison Duvelleroy perdure après la guerre, grâce à la vente d’accessoires d’apparat (sacs à main, jumelles et lunettes), tandis que les éventails deviennent des objets de collection.

Gravure représentant un éventail et un sac du soir de la maison Duvelleroy.

Duvelleroy aujourd’hui

En 1981, Michel Maignan, héritier actuel, décide de conserver le fonds d’archives Duvelleroy qui lui a été légué par son grand-père, mais ne relance pas l’activité commerciale.  Puis, en 2010, deux jeunes femmes proposent à Michel Maignan de reprendre la Maison Duvelleroy avec lui. Leur idée est de refaire des éventails couture, en faisant appel à un éventailliste français. Ce dernier travaille avec elles depuis plusieurs années à Romans-sur-Isère pour fabriquer des éventails de luxe, tous plus impressionnants les uns que les autres.

L’idée de la maison Duvelleroy aujourd’hui est de vendre des articles modernes et de remettre l’éventail au goût du jour. Ils ont donc ouvert une boutique dans le 7ème arrondissement de Paris pour démocratiser cet accessoire.

Pour la fabrication de leurs éventails, ils font appel à différents artistes contemporains, qui viennent enrichir les collections prêt-à-porter. Enfin, la maison a également à cœur de valoriser son fonds patrimonial. Celui-ci comprend différentes richesses. On trouve ainsi tout d’abord de nombreux matériaux nécessaires à la construction d’un éventail (plumes, panaches et brins en matières précieuses …). Il y a également des documents administratifs et personnels (cahiers de comptes, recueils de lettres écrites par Duvelleroy, photos …). Enfin, des peintures destinées à être ensuite reproduites sur les éventails ont également été conservées. Bien évidemment, la maison a également gardé de nombreux éventails des XIXe et XXe siècles en plumes, en paillettes et papier, tous reflets d’une époque et d’un savoir-faire.

Alors, pour l’été prochain, si vous cherchez un moyen écologique et « branché » de vous rafraîchir, pensez à l’éventail ! Il vous donnera un côté « vintage » tout à fait dans le vent des tendances actuelles.

 

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