L’histoire a son lot de casses et de vols en tout genre. Certains d’entre eux sont entrés dans l’histoire, comme celui de Mona Lisa ou le vol de l’équivalent de 33 millions d’euros à Nice, sans violence. Voici une autre histoire, un autre vol qui est devenu célèbre, mais qui pourtant reste encore trop peu connu. Sous forme d’une enquête policière rondement menée, Cultea vous présente le vol des bijoux de la Bégum.
Qu’est-ce donc qu’une Bégum ?
Pour comprendre le mobile du vol, il faut souvent s’intéresser au profil de la victime. C’est un élément important dans une affaire.
Le mot « Bégum » représente un titre honorifique, utilisé dans les contrées de l’Asie du Sud, mais plus dans le sous-continent indien. On le donne souvent aux femmes de rang pour s’adresser directement à elles. Bégum peut donc être utilisé pour qualifier une femme noble.
Mais le terme est plus communément employé pour parler de la favorite du sultan, de son épouse préférée. Ainsi, Bégum qualifie une femme comme étant la princesse du sultan.
La victime : une ancienne miss France
Maintenant que nous savons que la victime était une femme assez importante dans la société indienne, il faut en apprendre davantage sur elle.
La victime s’appelait Yvonne Blanche Labrousse. Née en 1906 à Sète, Yvonne devient reine de beauté de Lyon, puis première dauphine de Miss France 1929. L’année suivante, elle devient enfin Miss France. La nouvelle Miss France doit alors commencer sa mission, qui durera un an : faire rayonner la France à l’échelle nationale mais surtout mondiale.
Yvonne Blanche Labrousse part donc en Égypte. Là-bas, elle rencontre Mohamed Chah. Ce dernier serait le descendant direct de Mahomet et 48ème imam des ismaéliens. Il se présente aussi par ce titre : Aga Khan III. A l’époque, on considérait Mohamed Chah comme l’homme le plus riche du monde.
Yvonne et Mohamed tombèrent amoureux. Ils décident alors de se marier, le 9 octobre 1944. La différence d’âge importe peu, seul l’amour semble véritable entre le prince et l’ancienne Miss France.
Yvonne Blanche Rousse devient l’épouse préférée de Aga Khan III, qui était déjà marié à deux reprises. Elle prend donc le titre de Bégum et devient la reine des ismaéliens. Avec sa conversion à l’Islam, le nom d’Yvonne Blanche Rousse laisse place à Om Habibeh.
Un vol spectaculaire, en deux minutes chrono
Maintenant que le profil de la victime est établi, il faut passer aux faits. Que s’est-il passé, comment est-ce arrivé ?
3 Août 1949, sur les hauteurs de Cannes. Les horloges indiquent les alentours de midi. Tout semble être calme. Mais soudain, une Cadillac qui partait pour l’aéroport de Nice devient la cible d’un groupe de 5 hommes armés. Prise en embuscade, elle est forcée de s’arrêter. Les 5 hommes ouvrent donc les portières et tombent nez à nez avec le couple Mohamed/Om Habibeh.
Les hommes pensaient trouver l’actrice Rita Hayworth, qui n’est autre que la fiancée du fils de Mohamed Chah. Mais manque de bol, les agresseurs sont tombés sur le souverain en personne. Quoi qu’il en soit, les malfaiteurs ne reculent pas. Pour compenser leur erreur, ils décident d’embarquer une mallette. On apprend plus tard que cette dernière contenait les bijoux de la Bégum. Au bout de deux minutes, montre en main, les malfaiteurs prennent la fuite.
Résultat, le montant dérobé serait à hauteur de 220 millions de francs. Le vol prend alors une tout autre tournure. Il ne s’agit pas d’un simple braquage, il s’agit du braquage le plus spectaculaire depuis la fin de la guerre.
Une enquête qui se transforme en véritable partie d’échecs
Après une enquête menée de manière très sérieuse, tant l’affaire était importante, les policiers ont réussi à identifier les auteurs du braquage, notamment grâce à Jean-Thomas Giudicelli, un informateur.
Des noms sortent : Jacques Bennedetti ; Paul Leca ; Paul Mondoloni ; Barthélémy Ruberti ; François Sanna ; Roger Sennanedj et Charles Vincéleoni. Ces hommes, bien connus des forces de police pour certains, avaient tous un rôle bien précis. Voici la hiérarchie de l’équipe :
- Paul Leca ; organisateur du braquage
- Charles Vincéleoni : informateur
- Jacques Bennedetti : braqueur
- Paul Mondoloni : braqueur
- François Sanna : braqueur
- Roger Sennanedj : conducteur du véhicule destiné à la fuite des braqueurs
- Barthélémy Ruberti : l’homme à vélo qui a ralenti la Cadillac
Tous sont identifiés. Certains comme Ruberti ou Mondolini parviennent à s’enfuir à l’étranger. Le reste du groupe est arrêté.
Mais un détail frappe les enquêteurs : comment les braqueurs savaient-ils pour la Cadillac ? Et surtout, comment savaient-ils pour le départ de la noblesse indienne ? Il s’avère que les braqueurs avaient un informateur bien placé. Son nom : Lindsay Watson.
Ce nom sortira de la bouche de Barthélémy Ruberti lors d’un examen. Mais très vite, le braqueur s’est rétracté en affirmant que Linsday Watson, ancien commandant de cavalerie de réserve, n’y était pour rien dans l’affaire.
Néanmoins, Linsday Watson avait une relation avec une femme de ménage du couple royal. La police décide donc de le ranger dans la catégorie des suspects à interroger et à auditionner.
Le marteau de la justice frappe : le dossier de la Bégum se ferme définitivement
Après des années d’enquête, le procès va enfin commencer. Programmé le 6 juillet 1953, il va juger pas moins de 12 accusés. 2 d’entres eux seront néanmoins absents : Paul Leca, en fuite et Roger Sennanedj, mystérieusement disparu, supposé mort.
Les accusés se composent de l’équipe de braquage, d’un receleur, de deux diamantaires et d’un détenu.
Lors du procès, on rappelle les faits, on narre l’histoire. On rappelle que la compagnie d’assurances londonienne des Lloyds, avait promis une prime de 20 millions à qui retrouvera ou fera retrouver les bijoux. Cette mention permet de resouligner à quel point l’affaire était d’une importance capitale.
Si le procès a pu présenter des preuves irréfutables, c’est grâce aux aveux d’un des braqueurs : François Sanna. Il avait tout raconté, de la rencontre avec Paul Leca et Charles Vincéleoni jusqu’au déroulement du braquage. Il a même expliqué aux enquêteurs le rôle du receleur et des diamantaires.
Finalement, le verdict tombe. Chaque membre de l’équipe du casse prend une peine différente des autres : Sanna est condamné à dix ans de prison, Benedetti à huit ans et Ruberti à six ans. Vincéleoni, pour sa part, est acquitté tandis que Leca et Mondoloni sont condamnés aux travaux forcés à perpétuité par contumace.
L’affaire des bijoux de la Bégum aura été une affaire exceptionnelle, mais qui a aussi semé la zizanie au sein des forces de l’ordre. En effet, des tensions sont nées entre deux figures de l’ordre : le directeur des services de la police judiciaire et le directeur de la Sûreté nationale. Le premier accusait son supérieur d’être le chef du braquage, d’avoir travaillé avec Paul Leca.
Finalement, le dossier de la Bégum se referme définitivement, personne n’a été véritablement épargné. Et pour ceux qui n’ont pas véritablement reçu de peine, le fait d’être reconnu à cause de cette affaire était une sanction plus que suffisante.
Pour la petite anecdote, l’affaire des bijoux de la Bégum a fait tellement de bruit, qu’elle a inspiré Hergé pour une de ses créations, sûrement l’une des plus connues : Tintin et les bijoux de la Castafiore.