Quand l’art cinématographique se mêle à l’art gastronomique, cela ouvre forcément l’appétit. De la comédie en passant par le drame, puis l’horreur, la nourriture rapproche les gens et les conflits. Imaginez alors qu’avec Le Menu, un réalisateur décide de mélanger les genres pour concocter une chic recette culinaire ? Verdict ? A table !
Synopsis : Un couple se rend sur une île isolée pour dîner dans un des restaurants les plus en vogue du moment, en compagnie d’autres invités triés sur le volet. Le savoureux menu concocté par le chef va leur réserver des surprises aussi étonnantes que radicales…
S’il se mêle facilement aux rires et aux drames familiaux, le culinaire n’a jamais vraiment été un exemple de bon goût dans le cinéma horrifique. Si l’on excepte des œuvres savoureuses comme Nouvelle cuisine (Fruit Chan, 2004), l’horreur a toujours contextualisé une lutte entre l’alimentation et les êtres humains. En ressort alors une pléiade de films délirants, mais jamais sérieux. L’invasion des tomates tueuses (John de Bello, 1978), pour ne citer que ce classique, L’attaque de la moussaka géante ou, dans un autre registre, Bitter Feast (2010). La nourriture est toujours une arme de destruction massive dans le cinéma horrifique. Alors, pourquoi Le Menu réussirait-il à se distinguer plus facilement que les autres ?
Au programme de la dégustation : un casting important (Anya Taylor-Joy, Ralph Fiennes et Nicholas Hoult notamment), des surprises, un curieux mélange des genres comme on mélangerait de la sauce et une critique partiellement dosée de la lutte des classes (les chances que vous pensiez soudainement à La Grande Bouffe ne sont peut-être pas un hasard).
Vous l’aurez compris : Le Menu a été concocté véritablement comme un événement gastronomique. Mais son menu, comme n’importe quel restaurant, interroge sur énormément de choses. Ainsi, pourquoi irions-nous regarder un film rafraîchissant, mais qui se trahit à cause des codes cinématographiques qu’il emploie ? Pourquoi irions-nous mentionner l’esthétique « food porn » de l’œuvre quand un film culinaire en ferait de même ? Pourquoi irions-nous manger une portion chère quand on pourrait juste manger un burger ? Bien évidemment que toutes ces questions ne semblent pas avoir de sens, mais elles définissent si bien Le Menu. Un inconcevable film sur la lutte des classes, de son esthétique au scénario, jusqu’à sa touche de comédie noire. La supériorité aristocratique va en prendre pour son grade !
Voir le nom d’Adam McKay (Don’t Look Up, mais aussi et surtout Vice) à la production ne nous surprend absolument pas. Sans raconter davantage l’intrigue, on peut vous dire que cette satire au cours d’une soirée mémorable reste le cœur même du film et la raison qui le démarque de n’importe quelle œuvre culinaire.
Cette fois, la nourriture ne représente pas le fléau meurtrier, mais devient complice d’une ironie féroce, animadversion tantôt drôle, tantôt effrayante. Chaque plat a son histoire qui peut faire écho à un fait de société. Autant vous dire que c’est un menu très pamphlet, presque misanthrope, avec une belle touche de prétention conduisant au dangereux.
Cependant, si le fond est impeccable, le léger problème se trouve sur la forme. Lorsque Le Menu prêche de son ironie et de ses situations renversant la tendance, il a l’âme d’un grand chef. Lorsqu’il joue sur la structure narrative du cinéma horrifique, c’est un peu plus compliqué.
Le film s’amuse dans son mélange des saveurs Get Out ou des films de Yorgos Lanthimos. Mais on se demande parfois l’intérêt ? Pourquoi briser la complexité d’un personnage comme celui de Ralph Fiennes à travers des situations qui se révèlent littéralement étranges ? Pourquoi rappeler tout le temps que nous sommes devant une comédie horrifique et abuser finalement de moments déjà vus cent fois ? C’est exactement le problème du Menu : son absence de prise de risques. Et dès que le spectateur comprend certains détails d’une mise en scène, d’une découpe fine et tranchante de Mark Mylod (réalisateur d’épisodes de Succession), la surprise du chef ressemble à n’importe quel restaurant.
N’en reste alors que cette satire du contenu de votre assiette, et pour cela, on est surpris ! Sous son aspect gastronomie luxuriante, Le Menu n’est peut-être finalement qu’un agréable et bon plat de fast-food. En fait, qu’importe qui vous êtes et ce que la nourriture peut être pour vous, un art, une supercherie, un besoin, elle vous tuera par votre faim !
Soyons curieux et ne boudons pas notre plaisir. Et pour cela, vous ne serez absolument pas déçu. Le plus important que nous offre Le Menu, c’est bien le divertissement qui nous rassasie. Si l’on aurait espéré plus au travers de cette critique sociale culinaire horrifique, le film vaut sacrément le coup d’œil. Veuillez prendre place maintenant. Vous prendrez bien un succulent amuse-gueule ?
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