En 1377, le Jikji, plus ancien ouvrage imprimé conservé au monde, est conçu en Corée. Son existence précède de presque un siècle la Bible de Gutenberg.
L’odeur merveilleuse du vieux papier flotte dans les allées de la Bibliothèque nationale de France. Parfois perchés tout en haut d’une étagère, les livres sont une invitation à la contemplation, celle de temps révolus et de temps nouveaux, comme une infinité de témoignages qu’il nous est impossible de tous connaître à l’échelle d’une seule vie. Des trésors se cachent ici, comme des secrets bien gardés, délicats, isolés. Parmi eux, une surprise imprévisible, inattendue : le Jikji.
Le Jikji, au cœur de la naissance de l’imprimerie
Ce fait plus ou moins universel, que les Occidentaux apprennent sur les bancs de l’école, semble irrévocable. Johannes Gutenberg, grand inventeur allemand, est à l’origine de l’imprimerie, apparue en Europe vers 1454. Plus exactement, il est celui qui a inventé le procédé d’impression à caractères mobiles en métal. Ce procédé permit de diffuser quantité de savoirs à travers le continent européen, dont la Bible. Pourtant, depuis 2001, ce fait a une garantie partielle. Cette année-là, l’UNESCO reconnaissait l’existence du plus ancien livre imprimé conservé au monde… Daté de 1377, c’est-à-dire 77 ans plus tôt.
Cet écrit, venu de Corée, s’appelle le Jikji. L’ouvrage rassemble des enseignements fondamentaux du bouddhisme, tirés de dialogues, le courant connaissant un apogée dans le pays à cette époque. « Le Jikji se compose en deux volumes. Le premier volume du livre […] est perdu, et seul le deuxième volume est conservé dans la division des manuscrits orientaux », indique le site de la Bibliothèque nationale de France.
Pour être précis, le Jikji n’est pas l’ouvrage imprimé le plus vieux au monde. Il est toutefois le plus ancien conservé, le plus ancien qui nous soit parvenu. Constitué à partir de caractères mobiles métalliques développés par Choe Yun-ui aux alentours de 1234, celui-ci se basait déjà sur un processus chinois (avec des caractères en bois) qu’il modernise avec succès. Les origines des premiers écrits de la sorte remonteraient au XIe siècle.
L’Asie, le vrai berceau de l’imprimerie
Avec le langage, viennent la communication et la marque des civilisations. En Corée du Sud, le musée de l’Imprimerie ancienne de Cheongju est une véritable invitation à la découverte, une préface à l’immersion culturelle. Des bijoux manuscrits y trônent, tout droit venus des temps du royaume de Goryeo et de Joseon, c’est-à-dire remontant à près d’un millénaire. Dans son statut originel, avant d’être traduit, le Jikji était écrit avec les anciens idéogrammes chinois. C’est d’ailleurs ici que le voyage de l’imprimerie commence.
« Bien que l’invention de l’imprimerie avec des caractères métalliques mobiles ait conduit à la diffusion massive des informations et à la communication de masse, nous devons d’abord porter notre attention à l’invention et l’utilisation de types antérieurs, tels que les blocs de bois et les types mobiles en terre », précise le site du musée de Cheongju. Le dharanisutra est le plus ancien exemplaire de xylographie, un procédé d’impression qui utilise une technique de gravure sur bois. L’écrit date de la seconde moitié du VIIe siècle et vient de Xi’an en Chine, une ancienne capitale du pays.
C’est plus tard que les caractères mobiles émergent. Développés par l’inventeur chinois Bi Sheng, ils ont d’abord utilisé la porcelaine et la céramique comme matériau vers 1040. Les caractères ont ensuite été temporairement remplacés par des modèles en terre cuite au XIIe siècle. C’est encore au siècle suivant que les caractères métalliques apparaissent. La découverte de ce procédé a eu un impact monumental dans le monde entier. Il permit en effet un accès rapide à l’information, ouvrant le champ à un nouveau type de transmission : la publication.
À travers ses collections, le musée de Cheongju porte un regard éclairé et contemplatif sur les techniques qui ont précédé les caractères mobiles en métal. Si le Jikji est au cœur de son parcours, c’est parce que l’ouvrage tient une place importante dans l’histoire de l’imprimerie.
Le Jikji est aujourd’hui incontestablement un symbole fort. Inscrit dans le programme Mémoire du monde de l’UNESCO, le Prix Jikji « est destiné à récompenser les efforts visant à contribuer à la préservation et à l’accessibilité du patrimoine documentaire », selon le site officiel de l’organisation.
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