Réalisateur de l’excellent film La Promesse, présenté au Festival du Cinéma Américain de Deauville, Terry George s’est confié à JustFocus dans une interview exclusive. Fier de l’accueil réservé à son film, celui-ci a répondu de manière directe et posée à toutes nos questions. Focus sur ce questions-réponses tout en simplicité.
La question d’ouverture concernant le film fût des plus évidentes :
Pourquoi le génocide arménien ? Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de ce sujet ?
« À vrai dire, je n’ai pas eu l’idée de ce sujet. Le sujet est venu à moi, je n’ai pas eu besoin d’aller vers lui. J’étais déjà un petit peu au fait de ce thème grâce aux recherches que j’avais fait pour Hotel Rwanda. J’en connaissais déjà un peu plus que la plupart des gens. Du coup, quand mon agent m’a transmis le scénario de Robin Swicord, j’ai su que je voulais le faire. »
Concernant le financement du film, il faut savoir que La Promesse est à ce jour le film plus cher ayant jamais traité du génocide arménien. La question suivante concerna donc la production :
Fût-il difficile de produire un tel projet du fait de son thème difficile ?
« Pour le prix c’est de ma faute… (Rires). Mais non, il n’a pas été difficile de produire le film car il s’agit d’une situation unique. Le financier principal du film est un entrepreneur légendaire à Hollywood et Las Vegas. Il s’agit d’un réfugié arménien né aux États-Unis deux ans après le génocide. Ses parents étaient des survivants. L’une des ambitions de sa vie était qu’il y ait un film à ce sujet. »
Un mot fut ensuite touché à propos des personnages, que nous voulions connaître un petit peu plus.
S’agissait-il de personnages fictifs ou bien de véritables figures survivantes du génocide arménien ?
« Les personnages principaux Michael et Ana sont des personnages fictifs écrits pas Robin Swicord. Quant au personnage de Chris Myers, il s’agit d’un mélange de plusieurs journalistes qui étaient présents sur place à cette époque. Après, beaucoup des figures sont de véritables personnages historiques que j’ai inclus dans l’histoire. Le challenge fut de mélanger ces personnages de fiction aux personnages réels qui ont fait l’histoire de ce génocide. »
Ces personnages sont particulièrement humains et attachants, fût-il difficile de les écrire ou bien était-ce naturel d’écrire des personnages de la sorte ?
« En fait, tous ces personnages sont si humains du fait des circonstances. Ils trouvent cette humanité dans leur façon de résister à ce génocide. Après, l’ambassadeur Morgenthau est lui-même un vrai personnage héroïque de l’histoire. Faruk Pacha, lui, est l’un des véritables hommes à l’origine du génocide. […] C’est donc à cause de ces événements que les personnages trouvent leur grandeur. »
Après cela, un mot fut touché concernant les acteurs. Il faut savoir que Terry George a avoué lors de la présentation de son film à Deauville, qu’il avait choisit Charlotte Le Bon après l’avoir découverte en Miss Météo. Toutefois, il n’avait absolument pas parlé ni de Christian Bale, ni d’Oscar Isaac.
Qu’en est-il de ces deux superstars ? Comment furent-elles choisies ?
« Lorsque nous avons enfin eu un scénario dont nous étions satisfaits, nous l’avons envoyé à divers agents. […] Il fut assez simple de caster tout le monde. Pour le rôle de Charlotte, nous avons casté beaucoup d’actrices. Nous avions besoin d’une femme dont les deux hommes pouvaient tomber amoureux de manière crédible. Et Charlotte était parfaite pour ça. Elle n’a pas que le charisme. Il y a également une intelligence palpable. »
Une fois le casting choisi, il fallait donc passer au travail. Comment Terry George a-t-il travaillé avec ses acteurs ?
Êtes-vous du genre à laisser beaucoup de libertés ou au contraire, êtes-vous un réalisateur en contrôle quant aux performances de ses comédiens ?
« Mon style est d’écrire les personnages et de discuter d’eux avec les acteurs. Mais mon but n’est pas de les commander. J’ai pu leur demander parfois d’interpréter d’une différente manière […], mais je préfère les laisser montrer leur talent eux-mêmes, surtout quand on a des acteurs de ce calibre. Le plus dur a été de diriger les acteurs secondaires et les figurants. »
En effet, le nombre de figurants à l’écran était particulièrement impressionnant et la direction a sans doute du être un véritable calvaire. Comment était-ce de diriger autant de personnes ?
« Ce fût le plus gros travail de tout le film. Nous avons tourné dans trois pays : en Espagne, au Portugal et à Malte. Nous avions vingt-deux lieux où tourner. Et surtout, nous avions beaucoup de restrictions de temps concernant Oscar Isaac, qui a tourné La Promesse entre X-Men et Star Wars. Nous avions soixante-dix jours pour ce film, ce qui n’était vraiment pas assez. Il n’y avait donc pas le droit à l’erreur. ».
Nous pouvons le confirmer : tourner un film de cette envergure dans trois pays différents en l’espace de seulement soixante-dix jours, cela relève du miracle. Terry George a ajouté quelques mots sur le tournage et notamment sur la réalisation.
« Je ne voulais pas utiliser trop d’effets spéciaux. Je voulais tout recréer à l’ancienne. Je trouve cela trop simple de tout reconstituer à coup d’écrans bleus et d’effets spéciaux… Je voulais un ressenti tel que nous pouvons en avoir dans Lawrence d’Arabie ou d’autres films du même genre. Je voulais un immense groupe de personnes rassemblées pour faire un film. […] De cette manière, nous voulions créer quelque chose d’épique et de grandiose. C’était important pour nous. »
Après cet aparté réalisation, revenons aux thématiques du film et notamment à l’une des plus importantes : la famille. La famille étant au centre de toute cette histoire malgré le génocide, il était important d’en connaître la vision de Terry George.
« Pour moi, lorsque nous avons affaire à un génocide ou à un conflit important, la seule institution qui reste intacte est la famille. […] Je pense qu’aujourd’hui, quand on regarde ce qu’il se passe en Syrie et en Irak, la famille reste la chose la plus importante. »
Désormais, quel impact désirez-vous avoir avec ce film ?
« Vous savez, le cinéma est important mais il y a tellement de voies de distribution de film actuellement : le cinéma, la vidéo à la demande, Netflix, internet, HBO… Ce que j’espère, c’est offrir un film dont on se rappellera comme d’un grand film humanitaire comme par exemple, La Liste de Schindler. J’espère que, même quand je disparaîtrai, il s’agira d’un film dont on se rappellera longtemps. »
Une question délicate fût ensuite posée au réalisateur :
Désirez-vous montrer ce film en Turquie ? (Turquie qui à ce jour, n’a toujours pas reconnu le génocide arménien).
« Évidemment, j’aimerais beaucoup. Malheureusement je crois que c’est impossible. […] Il y a eu une campagne très active par des organisations turques à l’encontre de ce film. Du coup, je ne pense pas qu’il y sera présenté. Pourtant, je pense que la seule façon de sortir de ce silence est de suivre la même voie que les allemands en admettant les parts les plus sombres de leur histoire. »
Et quels sont vos projets désormais ?
« J’ai deux projets en préparation. Un livre à propos des réfugiés syriens. C’est une histoire qui concerne une femme et j’aimerais beaucoup faire cela. J’ai également un court-métrage que je souhaite présenter aux Oscars. »
Vous avez évoqué à plusieurs reprises la Syrie ainsi que les réfugiés. Que pensez-vous de ce qu’il se passe actuellement en Syrie, notamment quand vous comparez cela à votre film ?
« Ce que nous avons filmé, ce sont beaucoup de réfugiés. Et quand nous regardons la télévision, nous voyons exactement la même chose. Il est désespérant de constater qu’aujourd’hui, nous vivons les mêmes événements au même endroit. Sauf qu’aujourd’hui, la situation est pire car à l’époque, en 1914, la marine française avait pu sauver de nombreux réfugiés. »
Et que pensez-vous de l’opinion-publique à propos de réfugiés et de leur accueil ?
« Je pense que c’est manipulé par la peur et la xénophobie. Rien que quand on regarde l’atmosphère que Trump a installé aux États-Unis, c’est assez horrible. […] Dans une certaine mesure, ce qu’il se passe aujourd’hui est bien plus dangereux que les événements survenus durant la Première Guerre Mondiale. »
Après cette phase géopolitique, nous sommes revenus à quelque chose de plus léger et notamment à quelque chose de plus cocasse. En effet, nous avons eu la surprise de retrouver à l’écran un acteur bien connu du public français et international. D’où cette question :
Comment avez-vous eu Jean Reno dans votre casting ?
« Comme il était dans Hôtel Rwanda, nous nous connaissions déjà. Je l’ai donc appelé. À l’origine, la scène avec lui était plus longue mais finalement, cela n’a pas été montré. Ce qui est dommage car il s’agit vraiment d’un acteur incroyable. »
C’est sur cette dernière question plus légère que l’interview s’est conclue, laissant Terry George aux nombreuses personnes souhaitant lui parler.
Force est de constater que les aspirations de Terry sont tenues concernant La Promesse : il s’agit d’un film grandiose, qui devrait fortement marquer les gens qui le découvriront. Espérons qu’il trouvera son public dès sa sortie dans les salles obscures et qu’il deviendra aussi emblématique que Terry le souhaite. En attendant, découvrez sans plus attendre notre critique de La Promesse, ainsi que sa bande-annonce ci-dessous. La sortie française se faisant le 29 novembre, nous ne pouvons que vous recommander de vous y précipiter.
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