« Si Beale Street pouvait parler » : un film qui multiplie les genres [critique]

"Si Beale Street pouvait parler" : un film qui multiplie les genres [critique]

Après la claque Moonlight, récompensée aux Oscars 2017, Barry Jenkins est de retour avec Si Beale Street pouvait parler, un drame adapté du best-seller éponyme. Avec un duo de jeunes acteurs relativement peu connus que sont Kiki Layne et Stephan James, le long-métrage est un drame romantique poignant, mais qui aurait gagné à être raccourci.

Si Beale Street pouvait parler : c’est beau et profond

Barry Jenkins est un grand réalisateur en devenir qu’il va falloir suivre de près. Il a réussi à trouver son public dès Moonlight. Avec Si Beale Street pouvait parler, il comptabilise 3 nominations pour la prochaine cérémonie des Oscars : Meilleure actrice dans un second rôle pour Regina King, Meilleure musique de film et Meilleur scénario adapté. Trois nominations amplement méritées. Parce que la réalisation de Barry Jenkins est superbe.

Porté par une bande originale magnifique, douce, dominée par les violons, Si Beale Street pouvait parler est esthétiquement renversant. Barry Jenkins signe une photographie des plus soignées, jouant sur les lumières et les couleurs. Les gros plans sont superbes, rendant hommage à la beauté du corps et de l’âme. En grand romantique, il cherche à magnifier la nature humaine, mais surtout l’amour entre deux êtres qui peut s’initier dans un jeune couple à l’aube de son existence. Profondément beau et bon, Si Beale Street pouvait parler est idéalisé par une esthétique des plus léchées.

Finalement, le seul véritable point faible du film, c’est sa durée un peu excessive. A cause de son rythme lent, totalement légitime dans son parti-pris qui cherche à étirer son histoire sur plusieurs années, les 2h de film sont parfois assez lourdes. Barry Jenkins aurait gagné en dosage à réduire son long-métrage d’une petite demi-heure, notamment sur la fin qui a tendance à s’étirer. Parce que finalement, Si Beale Street pouvait parler parvient à éviter relativement bien le pathos. Malgré les tartines dégoulinantes de bons sentiments, l’histoire évite l’eau de rose grâce à un sentimentalisme bien jaugé. Les ressorts émotionnels sont dûment écrits et exécutés, ce qui permet au film de garder sa légèreté et surtout sa spontanéité.

Un film qui accumule les genres

Barry Jenkins a l’intelligence de mettre en place un montage à tiroirs, qui fait des va-et-vient temporels, permettant de donner un rythme à son histoire. Le spectateur est ballotté à travers plusieurs années, entre différents événements et tournants de cette histoire poignante. Comme une véritable vie résumée le cinéaste n’omet aucun élément primordial, presque indispensable à chaque couple. Avec ce procédé, le réalisateur permet de capter l’attention et de dynamiser son rythme lent. Il peut également créer des situations qui se répondent et des ruptures de tonalité. Le spectateur passe du rire aux larmes en quelques instants. Barry Jenkins dévoile une palette d’émotions remarquable, qui s’immisce en profondeur dans l’émotivité du spectateur. La romance est parfaitement maîtrisée, elle est fluide et superbe, d’une véracité et d’une spontanéité parfaites. C’est beau, attachant, et ça ne rend la conclusion de l’histoire que plus triste, mais aussi bourrée d’espoir.

Pourtant, Si Beale Street pouvait parler est aussi un film très drôle. Des moments comiques totalement contrôlés et très subtiles qui s’insèrent au sein des ressorts dramatiques, qui permettent parfois d’apporter une certaine légèreté pour souligner la persévérance des personnages. La réussite du film repose également sur ses dialogues qui confrontent les points de vue, la religion, l’ouverture d’esprit, mais également la condition des Afro-américains par rapport à la justice américaine. On pense notamment à cette séquence jouissive entre l’héroïne et sa belle-famille, duel d’éducation et de croyances digne des meilleurs huis clos du genre. Quant à la politique, Barry Jenkins n’oublie pas de rappeler la condition de la minorité noire aux États-Unis, persécutée par une police ripoux et une justice qui ferme les yeux. Tout en finesse, à l’image de son film, il place simplement ça et là des photos d’archives, drastiquement révélatrices de ces injustices permanentes. Une manière encore une fois intelligente d’éviter le pathos.

Bref, Si Beale Street pouvait parler est bourré de styles et d’approches différents : comédie, drame, documentaire, romance… Il y en a pour tous les goûts.  

Ne manquez aucun article : abonnez-vous gratuitement à Cultea sur Google News 

Related Posts

Laisser un commentaire