Tirailleurs africains : un combat pour la reconnaissance [Cas du massacre de Thiaroye]

Tirailleurs africains : un combat pour la reconnaissance [Cas du massacre de Thiaroye]

Récemment, une décision mémorielle assez inédite a été prise par l’Etat français à l’approche du 80e anniversaire de la commémoration de la libération de la France.

En effet, celui-ci a reconnu, 80 ans plus tard à titre posthume, six tirailleurs africains, qui ont été exécutés parmi des dizaines d’autres lors du massacre de Thiaroye en 1944, comme étant « morts pour la France ».

« Ce geste s’inscrit dans le cadre des commémorations des 80 ans de la libération de la France comme dans la perspective du 80e anniversaire des événements de Thiaroye, dans la droite ligne mémorielle du Président de la République (Emmanuel Macron) qui souhaite que nous regardions notre histoire en face. »

Explique le secrétariat d’État français chargé des Anciens combattants et de la Mémoire.

Le massacre de Thiaroye, comme de nombreux autres dossiers sombres de l’histoire française, a pendant longtemps été camouflé, effacé voire falsifié. Justifiant ainsi, par une soi-disant mutinerie (rébellion armée) le massacre de ces tirailleurs africains, qui se sont battus et ont été faits prisonniers pour la France.

En réalité, le massacre a eu lieu à la suite de manifestations de la part des soldats qui réclamaient la totalité de la prime de captivité (puisque pour rappel, ils avaient été faits prisonniers par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale) et celle de la démobilisation.

En effet, la plupart n’avait reçu qu’un quart de la somme de la première prime.

Cette reconnaissance permet ainsi de poser une pierre de plus au petit édifice de la reconnaissance des tirailleurs africains. D’autant plus qu’il semblerait que le gouvernement ne veuille pas s’arrêter à la reconnaissance de ces 6 soldats.

« Quatre tirailleurs originaires du Sénégal, un de Côte d’Ivoire et un de Haute-Volta »  (ancien nom du Burkina Faso) pourra être complétée dès lors que l’identité exacte d’autres victimes aura pu être établie. »

Précise le secrétariat d’État français chargé des Anciens combattants et de la Mémoire.

Une décision controversée ?

Mais la décision est loin de faire l’unanimité. Puisqu’en effet, le côté unilatéral de la décision prise par l’état français peut la faire sembler maladroite au mieux, condescendante et irrespectueuse au pire, d’autant plus que toutes les victimes de ce massacre de manière générale n’ont pas été reconnues par l’état français.

C’est notamment ce que le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a critiqué.

« Je tiens à rappeler à la France qu’elle ne pourra plus ni faire ni conter seule ce bout d’histoire tragique. Ce n’est pas à elle de fixer unilatéralement le nombre d’Africains trahis et assassinés après avoir contribué à la sauver, ni le type et la portée de la reconnaissance et des réparations qu’ils méritent. »

Ainsi, pour travailler à la reconnaissance des victimes des parties sombres de l’histoire française liées à ses anciennes colonies, il serait préférable que la France commence à travailler et à concevoir différemment ce devoir de mémoire d’après Sonko.

Néanmoins, Aïssata Seck tient à rappeler que cette décision est déjà une belle avancée.

« Ces soldats viennent d’avoir la reconnaissance qui leur était due. Cette reconnaissance française est une grande étape vers l’apaisement d’une mémoire qui ne peut qu’être partagée entre nos deux pays. »

L’histoire des tirailleurs sénégalais (les tirailleurs africains)

Le corps d’armée des  » tirailleurs sénégalais » (tirailleurs africains) avait été créé sous le second empire. Il rassemblait des militaires provenant des anciennes colonies françaises d’Afrique, puisqu’en effet, ils n’étaient pas tous Sénégalais.

Ce corps de l’armée, dans un premier temps créé pour combattre dans les lieux chauds comme au Sahara ou encore au Sahel, a participé à de nombreuses guerres notamment aux guerres de colonisation et aux deux guerres mondiales.

La force noire, les tirailleurs africains
Général Charles Mangin

Lors de la Première Guerre mondiale, la France est d’ailleurs la seule nation à envoyer des soldats noirs au front et cela est, en grande partie, dû au général Charles Mangin qui les décrit dans son livre La Force Noire comme étant des « hommes primitifs » limités intellectuellement et toujours en contact avec la nature, ce qui leur aurait permis de garder leurs qualités guerrières. Faisant ainsi d’eux de bons petits soldats obéissants, puisque stupides. Les tirailleurs noirs sont donc engagés massivement et brutalement (par la contrainte) pour cette première grande guerre, notamment en 1915 afin de remédier aux pertes de l’année précédente.

Les exploits et les avancées de ces militaires durant la fin de la Seconde Guerre mondiale ont été « blanchis » par leur remplacement par des troupes de militaires blancs sous prétexte d’une inadaptation aux conditions météo du Nord, qui n’avait pourtant visiblement pas arrêté l’utilisation de cette force noire lors de la Première Guerre mondiale.

Cette décision a peut-être été prise à cause (comme pour ses pays voisins) d’une peur de métissage ou alors d’une perte d’honneur si ces troupes venaient à délivrer Paris. Dans tous les cas, il ne peut être nié que cette décision a contribué à minimiser et à faire disparaître l’importance et le rôle de ces armées lors de ces conflits.

Aujourd’hui, la reconnaissance de ces tirailleurs africains qui se sont sacrifiés pour la France avance petit à petit, mais il reste encore de nombreuses étapes à franchir afin de redonner à ses hommes leur histoire et leur honneur. 

Sources :

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