Une pensée qui nous vient devant The Sadness serait d’applaudir les distributeurs qui ont dû traverser beaucoup de difficultés pour espérer faire sortir l’œuvre dans les salles de cinéma. Classé d’une interdiction aux moins de 16 ans avec un avertissement par le CNC, le film taïwanais peut profiter à des spectateurs très avertis. On était donc très curieux de découvrir cette œuvre transgressive qui se vantait d’être le film le plus choquant de l’année. Elle n’a pas menti.
Synopsis : Après un an de lutte contre une pandémie aux symptômes relativement bénins, une nation frustrée finit par baisser sa garde. C’est alors que le virus mute spontanément, donnant naissance à un fléau qui altère l’esprit. Les rues se déchaînent dans la violence et la dépravation, les personnes infectées étant poussées à commettre les actes les plus cruels et les plus horribles qu’elles n’auraient jamais pu imaginer…
Voyage au bout de l’enfer !
Si vous voulez découvrir The Sadness, vous devez être très préparés pour supporter l’insupportable. Viols à répétition, tortures et meurtres sordides accompagnent le spectateur tout le long de l’intrigue du film. Intrigue soit dit en passant très légère, presque inexistante. Celle-ci ne sert finalement que de prétexte pour déverser l’horreur, l’abject et la dépravation sur ses spectateurs.
Ici, il s’agira d’une histoire de virus à Taïwan, puisant son inspiration d’une situation actuelle que l’on ne présente plus. Port du masque, vaccin, virus qui ne serait qu’une grippe, gouvernement impuissant… Cela ne vous fait penser à rien ? N’y pensez plus trop, ce n’est que l’objet de départ de The Sadness qui prépare son spectacle abject. Rien ne vous sera épargné : ébouillantages, morsures graphiques, membres brisés, orgies sanglantes, sévices sexuels et dialogues crus tout aussi violents. Pour faire simple, The Sadness se découvre uniquement pour son déferlement de répugnance et d’hémoglobine.
Jamais le film ne s’essouffle. Le sang et le sadisme sont légion dans cette œuvre qui trouverait sa place dans ce cinéma asiatique de catégorie III, déjà friand de cette représentation de la noirceur humaine. Pourtant, cette comparaison devrait s’arrêter ici. Pour une grande majorité, ces films extrêmes naissaient d’un désir de transgresser et dénoncer les conditions politiques et sociales. The Sadness paraît unique, mais rate complètement le coche. Bien évidemment que le film n’a qu’un objectif purement divertissant, voire jubilatoire, pour certains spectateurs. Mais quelle tristesse de penser que The Sadness aurait pu aller bien plus loin.
Covid ? Vous avez dit Covid ?
À travers cette histoire de « coronavirus » (virus Alvin dans le film) qui a évolué, on pense à Rage et Frissons de David Cronenberg, mais aussi à beaucoup d’autres films que nous ne citerons pas (mais dont on pense que le réalisateur connaît ses classiques). Pourtant, le scénario ne va jamais plus loin. Comme nous l’avons dit plus haut, ce n’est qu’un prétexte. La question des complotistes, d’un virus qui ne serait qu’une grippe et l’écho autour du confinement ne sont que des prétextes pour la préparation de la violence.
Violence qui soulève beaucoup de questions autour de la noirceur d’une humanité en perdition qui ne veut accomplir que ses pulsions les plus taboues et inimaginables, mais dont le film se fiche complètement. Tout le monde souffre autour des héros. Mais peu importe, il faut que ça choque, que ça provoque, que ça étouffe le spectateur. Les hommes doivent se faire « couper la bite » et les femmes se faire « baiser à mort » (véritable dialogue du film !). Lorsque c’est répété pour la énième fois, cela devient ennuyant.
Car oui, le film n’évolue jamais. Il en devient même franchement barbant. On compare souvent The Sadness à la bande dessinée Crossed. Mais dans cette œuvre, les personnages évoluaient. Ils devaient s’adapter dans un environnement où l’être humain ne pense qu’à ses plaisirs pervers et survivre en tentant le tout pour le tout. Ce n’est jamais le cas dans le film de Rob Jabbaz qui se perd dans la surenchère gratuite, la provocation extrême et parfois le grand n’importe quoi.
On finit complètement par se moquer des protagonistes. Jim tente de survivre et c’est tout (jusqu’à un petit changement au final). Kat (Regina Lei) est en revanche légèrement plus réussie. Mais on est surtout très surpris de constater que le seul personnage qui sort son épingle du jeu s’avère l’agresseur sexuel de Kat, devenue son objet de pulsion sexuelle déviante ultime. Son interprétation et sa folie sauront vous donner des sueurs froides.
On se retrouve finalement devant ce qu’aurait pu être un American Nightmare traumatisant, mais reste un banal survival sans véritables enjeux. C’est quand même sacrément regrettable… Certains dialogues nous laissent imaginer que The Sadness aurait pu aller bien plus loin en proposant une véritable réflexion. La tristesse tout simplement…
On retiendra surtout dans The Sadness ce courage de se hisser dans la lutte acharnée de la distribution en salles et de trouver son public en quête de sensations fortes. Une œuvre, même osée, reste une œuvre qui se doit d’être découverte en salles. Sa violence extrême saura satisfaire les plus avertis d’entre nous. Mais que resterait-il du film si on l’aseptisait de toute cette violence ? Peu importe, le film réussit à être ce qu’il est, un simple divertissement. Pourtant, c’est frustrant de n’avoir affaire qu’à un simple survival et pas à une œuvre sur la noirceur d’un monde en perdition.