« Aujourd’hui ami, demain ennemi. » Et si l’armée et le gouvernement allemand durant la Seconde Guerre mondiale avaient souhaité appliquer ce proverbe issu du recueil de Gruther, mais en inversant les propos ? Cela donnerait : « Aujourd’hui ennemi, demain ami. » C’est ce que le magazine de propagande Signal souhaite mettre en place. Plus particulièrement avec la France. Bien qu’il s’agisse d’un journal de propagande, il se montre particulièrement flatteur envers le pays fraîchement envahi.
Quelques informations sur Signal
Il s’agit d’un bimensuel édité par la Wehrmacht du 15 avril 1940 jusqu’à mars 1945, en collaboration avec deux ministères allemands : le ministère de la Propagande et celui des Affaires étrangères.
Il représente la plus importante publication allemande à destination de l’étranger pendant la Seconde Guerre mondiale. Le nom de ce magazine a été choisi car le terme « Signal » est un terme assez similaire dans de nombreuses langues. Le magazine souhaite communiquer une image positive de l’Allemagne nazie dans divers pays. Son succès se traduit par la présence de nombreuses images colorées, issues des travaux de ceux qu’on appelle les « soldats-caméras ».
Les articles qui encensent les qualités allemandes sont omniprésents dans les textes communs à toutes les éditions. Dans les éditions publiées au sein de la version francophone, il s’agit d’une autre histoire. Les journaux sont les mêmes, mais, pour la version française, les rédacteurs vont proposer plus d’articles qu’au sein des autres éditions. Pour quelles raisons ? Déjà, parce que le lectorat français est le plus important (environ 800 000 exemplaires sur 2 000 000 vendus l’ont été sur le marché français). Autre raison, l’Allemagne souhaite particulièrement séduire le public français. On demande alors à André Zucca, photographe de Match, et à Anton Sailer de réaliser des articles spéciaux. Ces derniers s’adressent aux Français afin de les mettre en valeur.
Les louanges à l’égard de la culture française
Dans la version allemande, on met la culture germanique à l’honneur. Dans la version française, cette dernière n’est pas seule.
Signal met beaucoup la culture française en lumière. Dans le 7e numéro de l’année 1944, l’article sur le rôle de l’Allemagne dans la diffusion de la littérature européenne présente également le rôle de la France dans cette même discipline. On les présente toutes deux comme les uniques vectrices de la culture européenne au sein des autres nations.
Les rédacteurs espèrent que le lectorat français puisse voir l’Allemagne comme un « cousin », un allié, plutôt qu’un ennemi. D’autres articles dans la version française de Signal présentent de nombreux grands noms de la culture française, et ceci de façon approfondie. Jean Cocteau, Charles Dullin, Aristide Maillol, et bien d’autres. Tous sont appréciés par le régime allemand. Ils se retrouvent alors au centre des éloges du parti.
L’ennemi n’est pas allemand, il est bolchévique !
Le 2 février 1943, le colosse allemand chute sur la terre ferme, à Stalingrad. Cette défaite provoque un véritable tournant dans le cours de la guerre. Elle permet le lancement d’un appel à l’engagement militaire de qui souhaite faire la guerre à l’ennemi russe. On pense naturellement à Joseph Goebbels lors de son discours au sein du Sportpalast, le 18 février 1943 :
« Êtes-vous décidés à suivre le Führer dans sa lutte pour la victoire contre l’ennemi qui menace l’Allemagne et l’Europe entière ? »
Une déclaration qui s’est terminée par une ovation sans fin. Signal, pour son lectorat français, propose alors la même chose au sein de ses articles : la dénonciation d’une URSS barbare, sans âme et sans vergogne. Pour eux, il faut rejoindre les Allemands qui sont des alliées, pour le bien d’une cause commune. Cette cause : la liberté européenne.
Ainsi, le but de ces écrits est de pousser les lecteurs à s’engager du côté des forces de l’Axe d’une part et à dénoncer les tentations de ralliement des Français à la résistance communiste d’autre part.
La stratégie propagandiste de Signal se base sur deux points. D’abord, on encense la France, ainsi que sa population et sa culture. Il faut emmagasiner autant d’alliés que possible si on souhaite faire perdurer une autorité. Puis, pour combattre un ennemi plus puissant que nous, il faut user de ses relations. C’est le meilleur moyen d’assurer une possible victoire. L’usage de ses relations peut entraîner à la fois une victoire militaire et territoriale, mais également une victoire dans le domaine diplomatique. Car, comme le disait si bien Francfort Moore, « Rien ne renforce plus l’amitié qu’un ennemi commun. »
Sources :