Alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage en Europe, les courriers des soldats américains et de leurs familles n’arrivent pas à bon port. Mais une unité spéciale, exclusivement féminine, va relever le défi.
Février 1945. 855 femmes militaires débarquent à Birmingham (Angleterre). Face à elles, des dizaines de millions de lettres qui n’ont jamais trouvé leur destinataire et des dirigeants de l’armée américaine qui constatent que les soldats sur le front ne reçoivent pas leurs courriers.
Ce manque de nouvelles de leurs proches pèse sur le moral des troupes. Et de leur côté, les familles s’inquiètent pour leurs fils, maris, frères, fiancés… À qui confier cette tâche quelque peu ingrate, mais nécessaire pour les performances sur le terrain ?
Environ 150 000 femmes ont servi pour le WAC, dont 4 % étaient afro-américaines au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, les femmes sont autorisées à réaliser leur service militaire. Le bombardement de Pearl Harbor en 1941 accélère le processus et le Women’s Army Auxiliary Corps (WAAC) est promulgué le 15 mai 1942. Il devient ensuite le Women’s Army Corps (WAC) où les femmes ont le statut militaire complet.
Les lois sur la ségrégation en vigueur à l’époque autorisent 10 % de femmes noires dans les troupes, bien que des hommes noirs servent déjà en Europe.
Le bataillon 6888, ou l’impossible à surmonter
La guerre fait rage en Europe et est suivie de près aux États-Unis. La presse afro-américaine et les associations nationales telles que l’Association for the Advancement of Colored People (NAACP) réclament plus de visibilité des soldates noires.
Mary McLeod Bethune, militante afro-américaine dans la lutte des droits civiques et conseillère du président Theodore Roosevelt, joue un rôle déterminant auprès d’Eleanor Roosevelt en 1944. Elle demande à ce que les femmes noires aient plus de responsabilités dans l’effort de guerre. Jusque-là, seules les femmes blanches sont déployées à l’étranger.
Les politiques finissent par céder à la pression et l’Unité 6888 est formée avec un réel entraînement militaire. Mais aucune de ces femmes n’est informée de la future mission. Malgré le racisme omniprésent, celles-ci font preuve de résilience et de sororité. Le 3 février 1945, elles arrivent en Angleterre.
Près de 20 millions de lettres en cinq mois
Une véritable chasse au trésor commence. Comme les sacs de lettres sont entreposés depuis de nombreux mois, beaucoup d’entre elles ont moisi, rendant la tâche d’identification plus complexe encore. Une organisation prend forme : trois équipes qui tournent sur 8 heures.
Grâce aux numéros de série de certaines cartes et colis, les soldates réussissent à localiser leur provenance et à établir des rapprochements. Leurs destinataires attendaient une réponse depuis parfois trois ans. Après leur mission à Birmingham, l’unité se rend à Rouen pour le même défi. Elles y partageront le même constat… avec la barrière de la langue en plus.
En cinq mois, le bataillon 6888 est venu à bout de 17 millions de lettres. En 2021, le président Joe Biden promulgue la loi Six Triple Eight Congressional Gold Medal Act. Celle-ci reconnaît l’effort fourni pendant la Seconde Guerre mondiale et pour les quelques progrès dans la lutte raciale. En 2022, ces femmes militaires reçoivent la médaille d’or du Congrès.
En 2023, le bataillon 6888 est inauguré au musée des femmes de l’armée américaine.
La plateforme Netflix diffuse le film Messagère de guerre qui relate ce chapitre de l’histoire.
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