Les années 60 représentent un véritable tournant pour le western avec cette génération de la contre-culture : les codes sont chamboulés par les cinéastes du Nouvel Hollywood, l’heure est plutôt à la révision des mythes. Le genre retrouve un second souffle en Italie avec le fameux western spaghetti, porté par des cinéastes comme Sergio Leone qui, lui, reprend les codes et les amplifie à l’extrême : le western devient son propre sujet dans des films comme Pour une poignée de dollars et notre sujet du jour : Macadam Cowboy.
D’une certaine manière, le film de John Schlesinger Macadam Cowboy/Midnight Cowboy, sorti en 1969, est un reflet de tous ces changements, qu’ils soient dans le fond ou la forme. C’est à la fois un reflet de la société américaine de la fin des années 60, mais aussi du cinéma hollywoodien adapté du roman de Léo Herlihy. Plus qu’un simple admirateur de John Wayne, le personnage de Joe Buck renferme la complexité de la mutation du cinéma et va de pair avec cette libération des mœurs entraînée par la génération de la contre-culture.
Joe Buck, interprété par Jon Voight, un sosie de cowboy texan, part vivre le rêve américain à New York. Il fait face à l’individualisme dès son arrivée et est rattrapé par le coût de la vie dans les grandes villes. Il rencontre Rico, interprété par Dustin Hoffman, un escroc notoire avec qui il va se lier d’amitié.

Macadam cowboy est d’abord classé X aux États-Unis pour son propos homosexuel, mais il restera un succès immense pour un film à petit budget. Il gagne trois Oscars, celui du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario adapté : c’est le premier film classé X à remporter un Oscar.
John Schlesinger est l’un de ces “angry young men” qui ont débuté auprès de la nouvelle vague anglaise du “kitchen sink realism”, basé sur une représentation des populations ouvrières et une volonté contestataire. L’héritage du free cinéma des années 50 se retrouve aussi dans l’esthétique et dans le fond du film.
Macadam cowboy démythifie totalement le cowboy
On introduit ici le personnage dans une nudité totale et chantant à tue-tête du folk-rock. Un traveling de bas en haut nous plonge dans l’intimité du protagoniste avec un œil voyeur.
Là où les westerns sont plutôt pudiques avec des héros en blouson de cuir (ce que sera aussi Joe au cours du film), Schlesinger nous expose ce cowboy d’un nouveau genre de la manière la plus vulnérable possible.
On est bien loin de la scène d’introduction du personnage d’Ethan joué par John Wayne dans La Prisonnière du désert par exemple : il arrive à cheval, avec en fond Monument Valley et toute sa famille qui attend de l’accueillir et qu’il embrasse d’une façon très paternaliste. Joe, lui, se contentera d’un demi-tour épique à la Lucky Luke qui renforcera juste son aspect benêt.
Ce rapport au corps de l’homme introduit le sous-texte narratif du film : l’homosexualité, revenant plusieurs fois sous la forme d’insulte – “you’re a fag, John Wayne wasn’t a fag” – ou après une panne sexuelle quand son amante questionne Joe sur sa sexualité.
On passe donc du cowboy débordant de virilité et de haine à cet homme en plein questionnement sur sa sexualité, une bonne manière de se réapproprier ce genre.
Au cours de sa route, Joe Buck se prostitue pour des femmes, mais aussi pour des hommes. La question de la prostitution masculine étant déjà taboue, inclure des rapports homosexuels à cette dernière l’est encore plus.

La situation initiale du personnage n’est pas glorieuse, il n’est pas un aventurier fougueux qui explore l’immensité du désert sur un cheval. C’est plutôt un Texan prolétaire qui s’occupe de la plonge dans un petit restaurant et qui prend le bus. Il est élevé par sa grand-mère qui semble avoir un penchant pour le libertinage et prend directement les héros de western comme modèle.
Dans Macadam Cowboy, Joe Buck incarne un cowboy passé de mode, son style vestimentaire semble désormais plus être un déguisement qu’une véritable manière de s’habiller. Il prend pourtant un soin précieux à enfiler ses santiags, sa chemise, son cuir à franges et à bien visser son chapeau sur sa tête.
Il semble être le seul à ne pas savoir que sa tenue n’a plus rien d’attrayant (sauf pour le fantasme) : les scènes de moqueries débutent dès sa montée dans le bus où il croise un groupe de femmes à qui il essaye de faire du charme. Elles se moquent de lui sans retenue dans un plan en plongée plutôt angoissant, mais il ne semble pas comprendre la raison de ces moqueries et cela renforce son aspect benêt.
Dans ce même bus, il croise le regard d’une mère et de sa fille ; la petite semble être la seule à vraiment avoir cet émerveillement quand elle regarde Joe Buck, preuve que le western appartient plutôt au domaine de l’enfance désormais. Joe est donc plutôt un grand enfant qu’un idéal de virilité. La petite tient dans ses bras un comic de Wonder Woman, montrant que les héros d’hier ne sont plus ceux d’aujourd’hui et donnant au divertissement une autre dimension.
Un plan de l’extérieur du bus fera apparaître une sorte de magasin de souvenirs, un cabinet de curiosités destiné aux touristes venant visiter le Texas. À l’entrée se trouvent deux femmes qui essayent des chapeaux de cowboy comme le feraient des touristes à Paris avec des bérets. Le western a perdu de sa superbe et n’est désormais plus qu’une attraction. C’est aussi une manière d’introduire un capitalisme qui s’approprie tout pour en retirer de l’argent et une forme de fin du monopole du genre par le cinéma.
Dans le long travelling montrant Joe déambulant dans sa ville jusqu’au bus, on note forcément l’aspect désertique de la ville, mais surtout celui du cinéma en arrière-plan. Il semble en ruine et on arrive à distinguer que le dernier film en projection était un western, dont on voit les lettres restantes : « J HN A YNE THE A AMP », donc un film avec John Wayne en star.
L’état du cinéma peut directement nous ramener à la perte d’affluence dont sont victimes les salles dans les années 60 pour les causes abordées préalablement. Le western était pourtant un genre qui rassemblait les foules, mais qui semble dès lors beaucoup moins apprécié. C’est en partie avec ces images subliminales créant une mise en abîme que le film traite de ce déclin du cinéma classique hollywoodien et des genres principaux.

Macadam Cowboy : une « conquête » inversée des USA
Macadam Cowboy est une sorte de conquête inversée où le cowboy retourne à la ville. Le but de Joe est d’aller conquérir New York et les femmes qui s’y trouvent. Il compte sur ses atouts physiques pour faire fortune. Arrivé dans la ville, il a plutôt l’air d’être un Indien dans la ville qu’un courageux conquérant. Les plans d’ensemble le montrent en décalage total avec la foule de citadins : ils sont tous pressés, ils savent tous où aller et quel est leur rôle, sauf lui, un grand enfant en costume que tout le monde méprise.
New York semble encore plus hostile que Monument Valley et ses Apaches, il suffit de quelques pas pour qu’il tombe sur un homme face contre terre, laissé pour mort. Tout est immensément grand, les hôtels, les entreprises, cela crée une atmosphère de tension, le danger peut venir de partout. L’hostilité se manifeste d’abord pour Joe dans la personne du maître d’hôtel qui lui demande de manière détournée un pourboire, dans la télé qui est payante. Le coût de la vie est un redoutable ennemi.
Il est temps d’introduire Rico Ratzo (le rat, en italien), un homme qui, dès les premiers plans, sent le vice. Mais encore une fois, la naïveté de Joe l’empêchera de cerner cet individu. Une soirée à New York et il se trouve déjà entre les griffes d’un escroc qui, à force de ruse, lui soutirera toutes ses économies. La conquête à peine entamée, le cowboy se retrouve sans le sou et est par la suite dépossédé de ses affaires ; l’objectif de cette ruée vers l’or est déjà bien loin.
Le héros de l’Ouest se retrouve finalement contraint de s’allier avec Rico, devenant par la même occasion un marginal logeant dans un immeuble désaffecté. Rien n’est facile : la première femme à qui il offre ses services finira par lui soutirer de l’argent. Il est, au final, bien loin de cet American Dream qu’il s’était imaginé depuis le départ. La désillusion est certaine et fait écho au climat social de l’époque.

Cette conquête est aussi spirituelle pour Joe, il veut faire de grandes choses. L’évolution du personnage nous montre qu’il n’arrivera à rien en étant ce sosie plastique d’un cowboy ; sa panoplie disparaît à la fin du film quand, après avoir échoué à New York, les deux protagonistes s’en vont pour la Floride. Il y a là un plan marquant où Joe déposera son cuir et ses santiags dans une benne publique.
Cet acte symbolique montre la défaite du cowboy, il n’a pas réussi à conquérir New York. Il est désormais temps de grandir, son déguisement appartient au passé. Cette désillusion est la réalité pour beaucoup d’opportunistes de l’époque, il y a un petit côté Easy rider dans le fond narratif.
Les scènes de flash-back ponctuent les moments forts de Macadam Cowboy. Cela débute dans le bus avec ce mélange de surimpressions, de voix off ou de séquences entières de souvenirs où l’enfance de Joe nous est offerte. On comprend l’histoire du personnage et sa fascination pour le film de western, ses rapports familiaux et sa relation avortée avec “Crazy Annie”. Ce sont ces flash-back amoureux à tendance érotique qui montrent cette grande liberté qu’ont les cinéastes du Nouvel Hollywood.
Ces flashs se poursuivent quand il entend à la radio, tout en imaginant, des femmes parler de leur idéal masculin (encore une fois très patriarcal) et qu’il saute de joie pensant correspondre mot pour mot à ces descriptions. Le réel et la fiction se mélangent un peu et l’imagination de Joe afflue sur son réel comportement.
Une autre scène plutôt mémorable en termes de mise en scène est celle où Joe poursuit Rico dans le métro après que ce dernier l’ait arnaqué. Joe rentre dans un état de transe et les plans alternent entre séquences de flash-back, de rêves et de réalité, en filmant respectivement les scènes que Joe a vécues/vit en couleur et celles qui sont imaginaires en noir et blanc, ponctués par une musique de course-poursuite, qui va de pair avec le compositeur du film, John Barry, créateur de la musique de James Bond.
La scène la plus psychédélique, néanmoins, n’a pas de concurrence dans ce film : elle dure approximativement sept minutes et se situe dans une soirée underground à laquelle Rico et Joe ont été invités par hasard. Elle est organisée par Andy Warhol et son protégé Paul Morrissey. Les figurants sont pour la plupart des proches de Warhol comme Viva ou International Velvet, et l’ambiance de la soirée est à l’image de cette intelligentsia hippie (cf. Woodstock/Contre-culture). Le metteur en scène peut alors s’adonner à un tas d’expérimentations : mises en abîme (un film super-8 par Morrissey dans un film de Schlesinger, une projection dans une projection), flash, filtres de couleur ou surimpressions qui créent une atmosphère hors du commun.
Deux plans peuvent illustrer cette représentation de l’inexprimable. Dans le premier, Joe et Rico se rendent chez un prêteur sur gages pour vendre la radio portable de Joe, son compagnon de toujours et la seule chose qui n’a pas encore été salie par la ville. Il est filmé en gros plan derrière la grille du comptoir, prisonnier du monde dans lequel il évolue, captif de la réalité.
Le plan suivant se situe dans leur appartement : des bougies flambent sur la table de chevet, et lorsque la caméra effectue un mouvement vers la gauche passant du visage de Rico à un poster où l’on voit une famille américaine exemplaire, elle réjouit. Les flammes viennent se placer légèrement par-dessus l’affiche. Le rêve américain meurt définitivement, l’axe droite-gauche symbolisant le passage du présent au passé ; ce sont tous les rêves de Joe Buck qui brûlent en même temps que cette publicité mensongère.

Il est logique, après avoir mentionné la radio de Joe, de parler de l’ambiance sonore du film, entre voix off, bruitages, ambiance western et fusillades, qui crée le lien étroit entre ce film et les westerns classiques. La chanson du générique, Everybody’s Talking de Harry Nilsson, appartenant au genre rock-folk, montre aussi ce renouveau dans l’industrie musicale des années 60.
Comme évoqué dans l’introduction, avec l’impulsion donnée par la Nouvelle Vague française, la ville est devenue un décor à ciel ouvert dans Macadam Cowboy. Même si mal famés, le réalisateur prend le risque de se retrouver dans des quartiers de Manhattan dits coupe-gorges. On retrouve aussi dans le décor des endroits comme le Peninsula hôtel, des plans à Miami Beach ou encore dans le Texas à Big Spring ou à Long Island. Les plans dans l’immeuble désaffecté sont vraiment tournés dans une barre d’immeuble vouée à la démolition et le réalisateur n’hésite pas à faire jouer ses acteurs en pleine rue.
Cela donne lieu à des improvisations mémorables, comme celle de Dustin Hoffman qui, à deux doigts d’être renversé par un taxi, lance : “WE’RE WALKING HERE!”. L’énervement de l’acteur est vraiment palpable et ce qui aurait pu être une scène gâchée fait maintenant le charme du film. Il y a peut-être cette recherche de l’inattendu, de l’événement qui rend le cinéma magique comme dans les films d’errance d’Agnès Varda : ce tournage en extérieur fait de la ville un personnage à part entière.
Les plans très larges de la ville participent à ce lien possible avec les immensités désertiques des westerns : il y a vraiment cette volonté de montrer l’insignifiance du personnage dans tout ce tumulte, la ville est une entité prête à dévorer les plus fragiles.
Dustin Hoffman est déjà bien implanté, tandis que Jon Voight commence le cinéma. Cette confiance offerte à des jeunes acteurs/actrices débutants est une des caractéristiques de ce nouveau cinéma. On pense à des acteurs devenus des icônes de la Nouvelle Vague française comme Jean-Pierre Léaud dans Les 400 Coups de Truffaut ou Jean-Paul Belmondo dans À bout de souffle de Godard.
Le caractère et l’esthétique des deux personnages principaux détonnent vraiment, il n’y a aucune ressemblance : un cowboy pimpant et un vicieux marginal sans domicile fixe. L’un est grand, athlétique et blond, il plaît aux femmes et attache une importance particulière à son apparence, comme le montre la séquence d’ouverture. Il est un bel étalon là où Rico Ratzo (le rat) est un rongeur sale et rejeté. Tout les oppose et pourtant, c’est ce dernier côté d’humanité qui les rassemble dans une forme fraternelle.

Au cours du récit, ce qui était une relation avec intérêt devient peu à peu une relation paternelle. Avec l’évolution de la maladie de Rico, Joe s’occupera de lui jusqu’à son dernier souffle avec une douceur sans pareille, avec des scènes pleines de tendresse où Rico réclame sa soupe. Il se prostitue pour payer les médicaments et le bus pour la Floride. Ce qui était une quête de la richesse personnelle devient une belle leçon de vie.
C’est tout le drame de Macadam Cowboy : les personnages sont dévoilés sous leurs pires facettes, mais leur relation fait émerger en eux une sincérité touchante. Le duo est attachant et ils deviennent la seule belle chose dans cette ville hostile qui n’aura pas réussi à corrompre leurs liens.
La question de la sexualité est omniprésente dans ce film, autant visuellement que symboliquement. Plusieurs scènes de sexe sont affichées à l’écran, entre Joe et Crazy Annie, Joe et ses clientes. La scène avec Crazy Annie se déroule sous forme de flash-back et de voix off : on aperçoit leurs corps nus qui s’entrelacent, avec des bruits de gémissements en fond.
Des codes de bienséance qui avaient déjà été dépassés par les cinéastes de la Nouvelle Vague française comme François Truffaut dans Tiré sur le pianiste réalisé en 1960. On y voit Michèle Mercier laissant apparaître ses épaules, puis ce sein, puis on filme le début des ébats amoureux. Michelangelo Antonioni montre dans Zabriskie Point des couples nus dans le désert, dans des postures très évocatrices. Les années 60 sont synonymes de liberté à l’écran pour tous ces nouveaux cinéastes.

Le sexe est aussi montré comme un objet de consommation et est lié directement avec l’argent de par la profession de base de Joe, qu’est la prostitution, mais de manière plus symbolique aussi dans la scène avec le personnage de Cass : une télécommande, coincée sous les corps, fait défiler les chaînes de TV à une vitesse anormale, les publicités en insert vantent les mérites de la musculation ou d’une marque de lessive. Un plan sur une machine à sous se vidant symbolise la fin du rapport sexuel. La symbolique du rapport entre sexe et argent est donc clairement exposée ici.
La question de l’homosexualité est à part dans ce film, car avant les années 70, ceux qui promeuvent la révolution sexuelle sont des hommes cisgenres hétérosexuels. Il faudra attendre que des militant.e.s homosexuel.le.s s’approprient cette question des années plus tard avec des mouvements comme le Front homosexuel d’action révolutionnaire. Ce tabou sociétal se retrouve dans la réception du film, classé X pour son propos homosexuel.
Ce film, avec le thème même du western et ce culte de la masculinité, renvoie à cette société patriarcale et homophobe des années 60. Le fait d’être gay semble être une préoccupation pour le personnage de Joe, les remarques homophobes de Rico durant Macadam Cowboy montrent un rejet, comme un refoulement.
Dès le début du film, le capitalisme semble omniprésent, une des séquences montrant Joe retournant à son travail pour récupérer sa paye introduit la marque Coca. En effet, ce plan montre deux jeunes filles au premier plan en train de boire la boisson. Un autre détail se trouve sur le chemin en bus : un restaurant Hamburger King de l’entreprise Dr Pepper. Tout cela n’est pas anodin étant donné qu’on se trouve dans le Texas profond, un endroit censé être exempt de tout cela.

Le meilleur résumé de ce capitalisme grandissant se trouve autour du conflit radio et télévision. Depuis le début, Joe ne se sépare pas de sa radio qui le rattache d’une certaine manière à son foyer et à son imaginaire enfantin. La radio perdure durant la moitié du film, puis, faute de moyens, Joe se retrouve obligé de la vendre. C’est la victoire de la télévision sur la radio, on n’arrête pas le progrès.
Les allusions à la guerre sont introduites dès le début du film : dans le bus se trouvent des soldats en permission ou allant au front. Les visages sont juvéniles, ils chantent avec joie sûrement sous l’influence de l’alcool, mais au moins, leurs sourires sont là. Dans ce même bus se trouve une bonne sœur assise directement à côté de Joe. Ces passagers éclectiques accentuent le drame de la situation sous-jacente. Une bonne sœur se retrouve avec un cowboy et des militaires.
Une fois arrivé, Joe tombe sur une manifestation du prolétariat. Ils semblent isolés et tournent en rond au milieu de grandes tours d’entreprise. Ils scandent des slogans à l’encontre des patrons et du monopole des firmes.
Le climat de Macadam Cowboy reflète la violence, synonyme de lassitude des populations prolétaires et marginales. Le personnage de Rico en témoigne, il est infirme (boite tout le long du film) et touché d’une maladie pulmonaire, mais loge dans une barre d’immeuble désaffectée pour cause d’amiante. Il vole pour manger et se fait frapper dans la plupart des lieux où il se rend. Au mieux, il est juste ignoré.
La crise identitaire de Joe reflète celle de l’Amérique. Il se cherche, il tâtonne, il se libère, mais reste un esclave du regard des autres. La scène où Joe bat à mort l’homme qui l’a courtisé juste avant montre ce trop-plein, ce besoin d’extérioriser une haine engendrée par cet environnement malsain. L’homme qui était en face de lui était en soi son reflet, il était perdu dans sa sexualité et se détestait pour ça, c’est ce qui a entraîné ce déferlement de violence.

Macadam Cowboy est un témoignage sincère des bouleversements que connaissent le cinéma et la société américaine dans les années 60. En reprenant le mythe du cowboy, Schlesinger fait une synthèse de ces changements. Il y a une conquête de l’Ouest inversée, la ville de New York est un Monument Valley moderne, le cow-boy se cherche toujours, mais désormais sur sa sexualité. Le genre du western est totalement revisité et délesté de ses codes patriarcaux. On retrouve dans ce film une véritable modernité de mise en scène et de tournage, avec des décors de villes, des dialogues improvisés, des plans audacieux et un montage parfois expérimental.
Les thèmes abordés sont totalement dans l’ère de cette contre-culture américaine et montrent une profonde envie de changement. Sa date de sortie est intéressante, car elle permet de voir les avancées engagées par ces cinéastes de la nouvelle vague, qu’elle soit française, anglaise, etc.
Macadam cowboy est attachant pour son caractère humain qui dénote de cette ville austère de New York. Les thématiques profondes en font une poésie en images qui transcende les époques.
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