Le Sacré-Cœur classé aux monuments historiques

Sophie Volatier
Sophie Volatier
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Ce mardi 11 octobre, le Conseil de Paris a donné son feu vert pour demander à l’Etat de classer la basilique du Sacré-Cœur parmi les monuments historiques. Cela octroiera au Conseil de Paris des aides financières conséquentes. Cette décision est toutefois loin de faire l’unanimité… Retour sur l’histoire, aussi foisonnante que clivante, du Sacré-Cœur.

Construite avec des pierres blanches de style romano-byzantin, la basilique domine la ville de Paris. Elle fait partie des lieux les plus visités de la capitale.

Genèse de la construction du Sacré-Cœur

En 1871, le philanthrope Alexandre Legentil et le peintre Hubert Rohault de Fleury, tous deux fervents catholiques conservateurs, expriment leur souhait de construire une église consacrée au Cœur du Christ pour réparer les « péchés » commis par la France. Un an plus tôt, en effet, la France a perdu la guerre contre la Prusse. Un grand nombre de clercs perçoivent cette défaite comme un châtiment divin. Le « vœu national » des deux hommes, rédigé par Alexandre Legentil, paraît dans la presse en juillet 1871.

« En présence des malheurs qui désolent la France, et des malheurs plus grands peut-être qui la menacent encore […] nous nous humilions devant Dieu, et, réunissant dans notre amour l’Église et notre patrie, nous reconnaissons que nous avons été coupables et justement châtiés. Et, pour faire amende honorable de nos péchés et obtenir de l’infinie miséricorde du Sacré Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ le pardon de nos fautes, […] nous promettons, lorsque ces grâces nous auront été accordées, de contribuer, selon nos moyens, à l’érection à Paris d’un sanctuaire dédié au Sacré Cœur de Jésus. » 

Alexandre Legentil, juillet 1871

Dans les esprits d’Alexandre Legentil et d’Hubert Rohault de Fleury, les « péchés » se réfèrent notamment à la Révolution Française ou à la toute récente Commune de Paris.

Si la première pierre est posée en 1875, notons que la construction de l’édifice ne s’achève qu’en 1923.

Un contexte politique instable

C’est une Assemblée nationale conservatrice qui décide de la construction de l’édifice en 1873. A l’époque, la situation politique de la France est exsangue. En 1870, la France perd la guerre face à la Prusse. L’empereur Napoléon III est fait prisonnier à Sedan, au nord-est de la France. C’est la fin du Second Empire. Plusieurs hommes politiques, dont Jules Ferry et Léon Gambetta, forment alors un gouvernement de la Défense nationale. En janvier 1871, le jeune gouvernement signe un armistice avec l’Allemagne.

Des élections législatives ont lieu le 8 février 1871 dans un contexte bien particulier… et peu démocratique. L’Allemagne occupe encore de nombreux départements français et les prisonniers de guerre ne sont pas encore rentrés. Surtout, en dehors de Paris, aucun candidat ne fait campagne. L’Assemblée est majoritairement monarchiste. On est donc très loin des idéaux de démocratie directe d’une partie de la gauche. La République est encore loin d’être ancrée en France.

La Commune de Paris naît du résultat de ces élections. En effet, la couleur politique de la nouvelle Assemblée douche tous les espoirs républicains de la gauche parisienne. Plusieurs responsables politiques ne reconnaissent d’ailleurs pas l’Assemblée. A cela s’ajoutent la faim et la misère que subissent les Parisiens.

Le 17 mars 1871, Adolphe Thiers, alors président de la République, décide de s’emparer des canons de la Garde nationale à Montmartre. Dépourvus de leurs armes, les Parisiens se sentent menacés. Ils se rassemblent et commencent à ériger des barricades. C’est le début de la Commune de Paris, qui fut l’une des insurrections les plus célèbres et les plus sanglantes de notre histoire.

Le classement de la discorde 

Dans les années 1870, certaines voix, et pas des moindres, s’élèvent contre la construction du Sacré-Cœur. L’écrivain Emile Zola s’oppose vivement au projet. Il y voit un symbole obscurantiste flagrant.

« La société catholique, les yeux fermés sur les causes toutes naturelles de sa progressive décadence, et d’ailleurs condamnée par sa foi à n’y point chercher de remède, invoque des chimères, des prodiges, somme ses saints et ses saintes de descendre sur le monde, la foudre à la main ! […] »

Emile Zola

Concrètement, que va permettre le classement de la basilique du Sacré-Cœur sur la liste des monuments historiques ? Les éventuels travaux seront pris en charge à 40% par la Direction régionale des affaires culturelles (Drac). C’est notamment ce que mettent en avant les défenseurs du classement du Sacré-Cœur aux monuments historiques.

Mais aujourd’hui encore, la symbolique historique du Sacré-Cœur continue de faire débat. Pour les élus communistes du Conseil de Paris, la basilique fait écho au conservatisme de l’époque et à la très dure répression qui a touché les communards, notamment lors de la « Semaine sanglante » du 21 au 28 mai 1871. « Ce classement reste un affront à la mémoire des communards, un affront à près de 30 000 morts massacrés lors de la semaine sanglante« , a déclaré Raphaëlle Primet, élue communiste au Conseil de Paris.

Aucune inscription dans la basilique ou autre source historique ne permet cependant d’attester explicitement d’un quelconque lien entre la construction de la basilique et les événements de la Commune. D’où une certaine confusion mémorielle…

Et la basilique du Sacré-Cœur n’a pas encore fini de faire parler d’elle, puisque la mairie du 18e arrondissement de Paris souhaite qu’elle fasse partie du patrimoine mondial de l’UNESCO. 

 

Sources : 

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