Voilà maintenant soixante ans que les accords d’Evian ont mis fin à la guerre d’Algérie et à une centaine d’années de colonialisme. De nos frères blessés, écrit par Hélier Cisterne et Katell Quillévéré, retrace l’histoire d’un militant, français d’Algérie, qui se bat pour l’indépendance du pays, quitte à mettre en péril sa vie de famille. Un drame intime et touchant, mais pas exempt de défauts !
Synopsis : 1954, Hélène et Fernand tombent amoureux. Avec lui elle part pour Alger, découvre sa beauté et l’attachement que Fernand porte à son pays. Alors que l’Algérie et la France se déchirent, leur vie bascule. L’histoire vraie du combat d’un couple pour la liberté.
De nos frères blessés est avant tout l’adaptation d’un roman de Joseph Andras qui retrace l’histoire vraie mais pourtant méconnue de Fernand Iveton, un jeune idéaliste et indépendantiste qui risque la peine de mort. Son crime ? Avoir posé une bombe dans une usine désaffectée et parfaitement réglée pour qu’elle ne tue ni ne blesse qui que ce soit. S’en suit alors un procès, objet d’une mise en scène politique autour du conflit en Algérie.
Rares sont les œuvres audiovisuelles à traiter des événements de la Guerre d’Algérie. Il faut dire que ce sujet est, encore aujourd’hui, particulièrement sensible dans le débat public. Il est donc très intéressant de voir comment Helier Cisterne réussit à s’emparer d’un sujet que personne n’ose vouloir traiter, en particulier sous un angle aussi controversé.
Toutefois, le réalisateur décide avant tout de jouer sur l’intimisme et le sentimentalisme du couple Fernand et Hélène autour de cette tragédie. On comprend qu’il s’agit ici de l’enjeu principal, mais, justement, c’est le gros problème du film.
Un climat politique au second plan…
Dans l’œuvre littéraire, l’écriture nous rappelle à travers chaque page cette triste période et nous plonge directement dans le conflit. Dans le film, les événements politiques à Alger ne semblent devenir au fur et à mesure qu’un vulgaire prétexte pour ajouter une grosse dose de drame dans la vie de couple de Fernand Iveton.
Cela aurait pu être une autre guerre, nous n’aurions pas vu la différence alors que c’était principalement ce que le film aurait dû cibler. On sait que Fernand Iveton était communiste, on sait qu’il se bat pour l’Algérie et qu’il est membre du Front de Libération Nationale avec certains de ses camarades… Mais on aurait apprécié que le film aille plus loin autour de ceci. Le film semble éviter tout enjeu politique trop poussé, là où cela est pourtant primordial dans l’intrigue.
Le film de Helier Cisterne met en avant Hélène, celle que l’on désigne comme la « femme du traître » Fernand. Toute leur vie de famille est le vecteur principal de l’émotion du film. De leur première rencontre à Paris en passant par leur départ pour Alger, jusqu’au procès de Fernand Iveton, tout est narré pour faire grandir leur amour et le mettre à rude épreuve. Seulement, on ne croit que très rarement à l’alchimie du couple. Certaines scènes semblent forcées et on a du mal à savoir si c’est la faute des dialogues qui sonnent faux, ou bien à l’interprétation de Vincent Lacoste et Vicky Krieps.
Un rythme aléatoire mais une ambiance exemplaire
De cette vie de couple en passant par la farce qu’est le procès, la narration alterne un montage entre le passé et le présent dont le rythme souffre. C’est parfois haletant, parfois très lent. Mais surtout, le film se refuse à révéler la guerre. Il aurait été important d’en faire son contexte principal afin de faire comprendre au public tout l’enjeu dramatique des événements. D’autant qu’on se perd assez rapidement avec ce montage alterné. On ne peut s’empêcher de croire que la production a aseptisé un sujet aussi important et les exactions commises.
Fort heureusement, les faiblesses de contextualisation politique sont rattrapées par une reconstitution exemplaire de l’époque, parfaitement mise en image. On revit parfaitement l’époque sur certaines scènes et les musiques savent coller avec l’ambiance. Notons d’ailleurs que certaines scènes sont mémorables et restent en tête longtemps après la fin du visionnage, notamment la scène finale qui est d’une virtuosité implacable et qui sait nous tenir en haleine. La ville d’Alger est somptueuse tout au long de l’œuvre. Dommage que ce soit si peu pour 90 minutes de films.
De nos frères blessés semble se contenter du strict minimum et se perd dans ses ambitions. On sent que l’œuvre avait du potentiel mais le réalisateur rate malheureusement son coche. Toutefois, il permet tout de même de faire découvrir l’histoire de cet homme qui méritait d’être découverte… Si c’était au moins l’une des volontés du film, c’est réussi.