Après s’être intéressé aux rouages d’une enquête qui patine au sein d’une société rongée par une masculinité dangereuse, le réalisateur Dominik Moll s’intéresse à une brigade de l’IGPN, la Police des polices, avec Dossier 137. Que parvient-il à montrer en prenant ce point de vue de notre système judiciaire ?
La sobriété de la mise en scène
Il semble que depuis la sortie en 2022 de La Nuit du 12, film multi-récompensé lors de la 48ème cérémonie des César, le réalisateur Dominik Moll possède un attrait tout particulier envers l’ordre régi par la police et leur manière de procéder face aux cas particuliers. Le point qui l’intéressait le plus dans sa précédente réalisation était le côté humain face à une enquête qui s’essouffle avec en point d’orgue le personnage de Yohan Vivès, incarné brillamment par Bastien Bouillon.
Il en devenait le point central de la thématique du film via sa persistance et son implication personnelle dans une enquête où la distance émotionnelle devait être essentielle. Sa réalisation participait à amener une ambiance pesante et froide face à un système montrant ses limites face à une atrocité sans nom.

Même si Dossier 137 ne cherche pas à reproduire ce qui a fait le succès de La Nuit du 12, on y retrouve ici et là quelques rapprochements, notamment au niveau de sa mise en scène. Dominik Moll et son équipe ne veulent amener leur point de vue dans la thématique abordée. Ils décident d’y apporter un regard ouvert face à la tragédie qui mènera à l’implication de l’IGPN, l’Inspection Générale de la Police Nationale, pour nous laisser seuls juges de la situation.
L’enquête prend place durant les manifestations des gilets jaunes qui se sont propagées dans l’ensemble du territoire français en 2018 et la débâcle face à l’utilisation sans manque de coordination des tirs de flash-ball par les équipes policières mobilisées. À travers sa mise en scène, Dominik Moll se focalise sur les failles des corps de métier face à une situation qui s’emballe pour finalement, montrer les limites de ce système.
Un système dos au mur
Le prisme principal de ce récit est l’enquêtrice de l’IGPN, Stéphanie Bertrand, incarnée avec une très grande simplicité par Léa Drucker. Ce choix de point de vue nous permet de s’immerger dans l’enquête avec ce qui semble au premier abord la vision la plus neutre de l’enquête. Prise entre deux feux, celle de la Police et des victimes, l’IGPN se doit d’être le plus distant possible de la situation pour en tirer le jugement le plus juste.

Ce jugement peut malheureusement se retourner contre ce qu’elle représente, d’où le regard négatif qu’elle renvoie au sein des services policiers. Néanmoins, c’est de par sa présence que ce système se doit de rester irréprochable pour ne pas abuser du pouvoir que l’on confère aux agents de l’ordre.
C’est tout cela qui est analysé par le biais de cette enquête. Au fur et à mesure du visionnage, il devient clair que cette vision s’est bel et bien embrouillée durant les manifestations de 2018. Qui en est réellement fautif ? Qui doit-on officiellement blâmer ? C’est toute la question que pose le film.

Face à un système défaillant et face à une profonde injustice à ses yeux, le personnage de Léa Drucker entreprend des méthodes qui jouent avec la limite des pouvoirs qui lui sont conférés. Il est dommage que ces limites soient parfois amenées maladroitement par le film pour faire avancer la thématique mais, il n’empêche que cela soulève des questions et nous interroge.
C’est essentiellement du côté de sa vie privée que la thématique prend tout son sens. En implémentant un ex-mari qui se place du côté des policiers et qui ne soutient pas l’IGPN qui dessert à ses yeux tous les principes des forces de l’ordre, la réalité d’une fracture se fait ressentir. Au milieu de ce conflit se trouve un fils tiraillé entre deux visions de la police et qui n’arrive pas à porter ce poids familial sur ses épaules.

C’est ainsi que personne ne veut assumer ses actes en jouant sur les mots et les images pour s’extirper d’un cercle vicieux qu’ils ont eux-mêmes créés. La possibilité de l’admettre ternirait officiellement les évènements du Bataclan, dans lesquels les policiers ont été vus comme des héros.
Finalement, les grands perdants sont les familles des victimes qui ne cherchent qu’à mettre un nom et un visage face aux brutalités qu’ils ont subies mais qui se retrouvent embarquées dans un système plus fort qu’elles. C’est tout cela que met en avant le réalisateur sans ne jamais prendre parti d’un camp ou d’un autre tout en montrant les conséquences d’une investigation sans fin.
Dossier 137 est un constat. Face à un système judiciaire qui n’arrive plus à maintenir l’ordre en son propre sein, le film de Dominik Moll ne cherche pas à désigner un coupable mais à montrer un rouage qui ne fonctionne pas. À l’image des Misérables de Ladj Ly, cette mise en abyme nous questionne et nous montre une réalité bien plus nuancée qu’elle ne paraît l’être.
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