L’incident Max Headroom : le piratage le plus étrange de la télévision !

Emeric Gallego
Emeric Gallego
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Voici une histoire bien curieuse et originale de la télévision américaine. L’incident Max Headroom est un piratage qui restera dans les mémoires médiatiques. En effet, trente-trois ans après les faits, cette enquête jamais résolue fascine encore, tant pour les motivations inconnues du pirate que pour l’ambiance du contenu. 

22 novembre 1987. Les programmes divertissants du soir à Chicago sont diffusés pour des millions de téléspectateurs. Dans l’un de ces programmes, Dan Roan, un journaliste sportif local parle sur Channel 9 du match de football américain entre les Chicago Bears et les Detroit Lions. Rien ne semble annoncer ce qui va se passer dans les prochaines minutes.

Pourtant, le signal vacille et les écrans ne diffusent plus la moindre image. Alors que les techniciens de la chaîne tentent de rétablir la fréquence, les télévisions reçoivent des images très étranges : celles d’un homme portant un masque en latex et des lunettes de soleil, semblant s’amuser devant sa caméra. Derrière lui, des motifs hypnotiques. L’étranger sourit. Cela peut paraître drôle… ou très effrayant. L’apparence de l’étranger n’est pas anodine. Elle rappelle celle du journaliste Max Headroom, personnage de fiction de la série éponyme. Lorsque le signal revient, Dan Roan semble complètement abasourdi :

« Si vous vous demandez ce qu’il vient de se passer… Eh bien moi aussi ! »

Max Headroom en direct !

Pour rappel, Max Headroom raconte l’histoire d’un journaliste de télévision évoluant dans une dystopie et qui se découvre un double digital. La série fut diffusée pour la première fois le 31 mars 1987. Faute d’une audience suffisante, la chaîne ABC la déprogramme très vite.

Quelques heures après l’entretien avec Dan Roan, tout semblait être rentré dans l’ordre. La chaîne diffuse alors Doctor Who, avec l’épisode intitulé The Horror of Fang Rock. Alors que le programme se déroule normalement, un son résonne soudainement et des lignes de balayage indiquent le début d’un enregistrement. Le pirate est de retour ! Si sa première intervention n’avait duré que quelques instants, celle-ci durera plus d’une minute. La scène qui suit peut paraître très dérangeante…

Cette seconde intervention restera célèbre. Le son est distordu, complètement inaudible. Cependant, on peut entendre certains éléments : le slogan de New Coke, le libéralisme et la chanson de Clutch Cargo. Les dernières images révèlent un complice (une jeune femme ?) frappant les fesses de Max Headroom avec une tapette à mouche, ce dernier hurlant : « Ils viennent me chercher ! ».

Suite à cette scène, il disparait totalement ! Personne ne comprend ce qui vient de se passer. Les spectateurs sont abasourdis par cette violente interruption de leur programme, mais aussi par les gestes particuliers du pirate. Les journaux, quant à eux, tenaient le phénomène du moment pour gagner de l’audience. Était-ce un message de terrorisme, un acte de résistance absurde ou tout simplement une grosse blague ?

Toutefois, ce ne fut pas la première affaire de piratage médiatique aux Etats-Unis. Un an plus tôt, un technicien de HBO, sous le pseudo Captain Midnidght, fit part de son mécontentement du prix de l’abonnement en interrompant le programme en cours. Bien évidemment, il fut rapidement retrouvé et condamné, contrairement à Max Headroom, dont l’identité est encore inconnue.

C’est probablement la raison pour laquelle cette affaire a pris une telle importance médiatique : nul ne sait qui est cet individu. Certains allaient même penser qu’il s’agissait d’un message extra-terrestre. Les premières pistes policières supposaient un matériel de transmission utilisé à quelques mètres de la chaîne de télévision. Mais l’enquête fut finalement abandonnée. Les policiers s’interrogeaient aussi sur les employés de la chaîne ou sur des personnes n’ayant pas obtenu un poste convoité.

Une influence Max Headroom ?

La notoriété de cette affaire a probablement scénarisé les hackers dans la culture populaire. L’interception de signaux de transmission est devenue un symbole presque obligatoire. Un geste permettant de faire passer des messages de rébellion par le protagoniste, ou de terreur par le grand méchant. Contrairement à cet incident qui ne semblait être qu’une plaisanterie, le hacker est glorifié au rang de porteur de message pour le peuple.

Les exemples sont nombreux : dans Batman de Tim Burton, V pour Vendetta ou Hackers. On pense aussi à Vidéodrome de David Cronenberg ou même simplement aux interventions de Vergil dans le jeu vidéo DMC Devil May Cry du studio Ninja Theory. La série Au-delà du réel jouait même sur ce piratage : « Ce n’est pas une défaillance de votre téléviseur. N’essayez donc pas de régler l’image. Nous maîtrisons, à présent, toute retransmission. »

En 2008, le groupe Anonymous reprenait la mise en scène du piratage dans une de leurs vidéos contre la Scientologie.

Aujourd’hui, la probabilité de voir une transmission piratée est très faible. Mais cela arrive encore parfois, comme en 2007 avec la diffusion de Lilo et Stitch sur Disney Channel. Le film fut alors remplacé par plusieurs minutes d’un film pornographique de catégorie extrême. Généralement, les coupables sont rapidement identifiés et arrêtés.

Max Headroom a-t-il commis le crime parfait ? Cette curieuse histoire semble avoir entraîné malgré elle le mythe du hacker s’emparant des transmissions. Aucune réponse n’est encore donnée aujourd’hui, et les motivations du hacker demeurent inconnues

Générique de la série Max Headroom

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Photographe et réalisateur indépendant. Certains de ses films ont obtenus une soixantaine de sélections en Festival à travers le monde. Rédacteur chez Cultea, ses écrits sur le Traumatisme abordé dans le jeu vidéo sont publiés sur le site !
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