Comprendre la Convention citoyenne sur la fin de vie en 5 points

Sophie Volatier
Sophie Volatier
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La Convention citoyenne sur la fin de vie a commencé ce vendredi 9 décembre. Même si elle a quelque peu été éclipsée par la Coupe du monde, par l’inflation et par les risques de coupures d’électricité, cette Convention citoyenne n’en demeure pas moins importante. Il s’agit surtout d’un sujet hautement inflammable. Comme pour la Coupe du monde au Qatar, Cultea vous propose d’en comprendre les enjeux en 5 points. 

La Convention citoyenne sur la fin de vie a débuté ce vendredi 9 décembre. Près de 200 citoyens ont été tirés au sort par le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Âgés de 20 à 86 ans, ces citoyens ont jusqu’au mois de mars 2023 pour répondre à une question très précise : « Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? »

En creux, les épineuses questions des soins palliatifs, du suicide assisté et de l’euthanasie. En effet, contrairement au thème de la précédente Convention citoyenne, qui portait sur le climat, la fin de vie est loin de faire l’unanimité. Cultea vous aide à comprendre les pommes de discorde en 5 points.

Une Convention citoyenne sur la fin de vie, pourquoi ? 

Le président Emmanuel Macron était resté très discret sur la question au cours de son quinquennat précédent. Mais plusieurs événements semblent l’avoir fait changer d’avis. En 2021, Paulette Guinchard, secrétaire d’Etat du gouvernement Jospin, est morte par suicide assisté en Suisse. La même année, l’Espagne a légalisé l’euthanasie.

L’Assemblée nationale avait alors examiné un projet de loi qui défendait une « fin de vie libre et choisie ». Bien qu’il n’ait pas été adopté, le texte avait reçu une large approbation de l’opinion publique et de bien des députés.

Pourquoi le président de la République a-t-il opté pour une Convention citoyenne ? Emmanuel Macron mise en effet sur la démocratie directe. Le chef de l’exécutif a retenu la leçon de la crise des gilets jaunes. Les Françaises et les Français veulent une démocratie participative, et non une gouvernance verticale. L’idée de la Convention citoyenne sur la fin de vie est ainsi de dépolitiser le sujet.

Quelques termes pour bien comprendre les débats

Une pause définitions s’impose :

  • Sédation profonde : le médecin endort le ou la malade jusqu’à sa mort.
  • Acharnement thérapeutique : soins inutiles, disproportionnés, qui ont pour seul objectif de maintenir artificiellement la vie. La loi Leonetti (2005) interdit l’acharnement thérapeutique.
  • Suicide assisté : une personne souhaite se donner la mort, mais n’est pas en mesure de le faire.
  • Euthanasie : un médecin qui provoque la mort dans le cadre d’une maladie incurable.
  • Soins palliatifs : soins qui visent à soulager les souffrances du patient ou de la patiente, et non à guérir une maladie.

Que dit aujourd’hui la loi en France ?

C’est la loi Claeys-Leonetti (2016) qui régit la fin de vie en France. Cette loi stipule que les médecins doivent suivre les directives anticipées des patients, notamment lorsque ces derniers refusent tout acharnement thérapeutique. La loi autorise aussi la sédation profonde jusqu’à la mort. Mais seuls les patients aux pronostics vitaux engagés à très court terme peuvent en bénéficier.

Petite précision (qui a toutefois son importance) : les conclusions de la Convention citoyenne sur la fin de vie ne feront pas office de loi. La Première ministre Elisabeth Borne soumettra le texte au Parlement sous forme de projet de loi.

Les soignantes et soignants et la Convention citoyenne sur la fin de vie 

Autant donner la parole aux premiers concernés. A l’image des Françaises et des Français, les soignants et les soignantes ne tranchent pas. L’expression « fin de vie » fait elle-même débat. En 2021, la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) a envoyé à ses membres, des soignants pour la plupart, un questionnaire pour définir la fin de vie. Publiées sur le site CAIRN, les conclusions font état de deux définitions. En effet, certains pensent que les patients en fin de vie ont une espérance de vie de moins de quinze jours. D’autres affirment en revanche qu’il faut prendre en compte les personnes atteintes de maladies incurables, en phase avancée ou terminale.

C’est également la position de Jonathan Denis, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD). Ce dernier insiste sur la nécessité de mettre fin aux très grandes souffrances entraînées par des maladies incurables, comme les cancers ou les pathologies neurodégénératives. La question de la fin de vie met sur le devant de la scène les personnes non-mourantes, mais qui souffrent beaucoup.

Certains médecins préfèrent défendre le développement des soins palliatifs. Alexis Burnod, responsable des soins palliatifs de l’Institut Curie (Paris), insiste sur une phrase du serment d’Hippocrate : « Je ne provoquerai jamais la mort délibérément ». Pour lui, l’euthanasie va à l’encontre du serment d’Hippocrate. Dans une interview au Figaro, Claire Fourcade, présidente de la SFAP, affirme que la légalisation de l’euthanasie serait une « rupture éthique et anthropologique ». « L’euthanasie, c’est une loi pour les forts, ceux qui peuvent regarder la mort en face, ceux qui sont capables de la demander et d’en choisir l’heure », ajoute-t-elle, au cours de ce même entretien.

Toujours d’après la SFAP, les soignants et les soignantes insistent à l’unanimité sur « la complexité et l’individualité » de chaque cas clinique.

Une « crise du mourir » en France ? 

Les débats s’annoncent vifs. S’expriment en toile de fond une angoisse face à la mort et une esquive de notre finitude. Nos représentations de la mort ont en effet beaucoup évolué au gré des progrès de la médecine. Au Moyen Âge, on valorisait l’agonie et les douleurs, symboles d’un rapprochement avec le Christ. Les sciences et l’augmentation de l’espérance de vie ont changé la donne. On assiste ainsi à une « redéfinition de la bonne mort », pour reprendre les termes de la journaliste du Monde Marion Dupont.

Les progrès médicaux soulèvent d’autres questions, comme la nécessité (ou pas) de mettre fin à la vie pour soulager la douleur. La bonne mort serait-elle indolore ? Aujourd’hui, la mort est taboue, silencieuse. En 2012, le rapport du professeur Sicard sur la fin de vie en France pointait : « Il y a de moins en moins de place pour la mort dans la Cité. »

La fin de vie soulève de nombreuses dimensions. Comme le souligne la chercheuse Cynthia Muro dans son ouvrage Fin de vie et loi Leonetti, une personne en fin de vie peut ressentir de l’angoisse, de la culpabilité, se questionner sur le sens de sa vie, ses accomplissements… C’est une période lourde de questionnements, qu’il faut prendre au sérieux. Il est également nécessaire de prendre en compte les proches. 

 

Sources : 

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