Le film Johnny Mnemonic, sorti en 1995 et réalisé par Robert Longo, est une œuvre d’action et de science-fiction qui s’inscrit dans le genre cyberpunk, s’appuyant sur la nouvelle de William Gibson du même nom. L’histoire plonge le spectateur dans un futur dystopique où la technologie domine tous les aspects de l’existence humaine, explorant les tensions entre l’homme et la machine. Au centre de l’histoire se trouve Johnny, joué par Keanu Reeves, un passeur de données qui est capable de stocker des informations confidentielles directement dans son cerveau à cause d’une chirurgie.
Initialement conçu par Gibson et Longo comme un film en noir et blanc au budget modeste d’environ 2 millions, rappelant l’esthétique d’Alphaville de Jean-Luc Godard, le projet a évolué sous la pression des studios. L’arrivée de Keanu Reeves, boosté par son succès dans Speed, a transformé le film. Le budget est donc monté à 27 millions de dollars. Le cadre de Johnny Mnemonic est le reflet frappant d’un monde rongé par le progrès technologique et les implants neuronaux étant la norme.
Ce monde est marqué par une stratification sociale extrême où les plus puissants exploitent les plus vulnérables, transformant donc la technologie en outil de domination. La mission de Johnny prend une tournure dramatique quand un transfert de données tourne mal, ce qui fait de lui la cible d’assassins et d’hommes d’affaires corrompus avides de récupérer les informations qu’il transporte dans son cerveau. Ces informations, dont il n’a pas connaissance, contiennent un secret capable de bouleverser l’ordre établi. Dans sa quête pour retrouver ses souvenirs d’enfance perdus, Johnny doit non seulement échapper à ses poursuivants, mais aussi confronter les limites physiques et mentales imposées par son rôle de passeur.
L’environnement dystopique de Johnny Mnemonic
L’environnement dystopique se caractérise d’abord par une société stratifiée entre des populations marginales, les populations de la classe moyenne et une élite dominante. En liant cet environnement aux avancées technologiques, on peut s’imaginer qu’il s’agit de supériorité matérielle : par exemple, Johnny a accès à une prothèse mémorielle qui crée déjà une distinction sociale entre lui et les sous-teks ou Jane. Ceci est appuyé dans les dialogues lorsque Spider fait remarquer à Johnny que cette prothèse n’est pas accessible pour les populations marginales.
Il incarne donc cette distinction entre deux sociétés, il est ni marginal ni élite, ce qui le place en héros cyberpunk. Il est est un héros de par sa mission, il détient en sa possession la clé de la sauvegarde de l’humanité, et il a en sa capacité le pouvoir de détruire l’ascendant des corporations élitistes sur l’ensemble du peuple opprimé. Il a d’autant plus la place de héros qu’il est face à un dilemme cornélien : choisir d’être égoïste, soulager sa mémoire peu importe à qui vont les donner et sauver sa propre vie, ou risquer la mort et livrer ses informations pour le salut de l’humanité et la fin du monopole des corporations.
Architecture cyberpunk
L’architecture cyberpunk est une fusion entre le futurisme et la décadence qui crée des environnements à la fois étrangers et familiers. La précarité des installations sous Teks nous montre une construction hâtive dans le but de loger une population marginale grandissante. De plus, la base de sous Teks est construite en hauteur, ce qui donne l’impression d’un monde déjà surchargé et crée plusieurs dimensions : la terre ferme, le royaume des cieux “J-Bone le dit lui-même : ‘J’ai les clés du paradis.’”
Ils ont donc construit un nouvel habitat, un nouveau monde. Il y a ici une vision paradoxale du monde : car on y trouve aussi des buildings flambant neufs avec une technologie développée apparente. La lumière des buildings symbolise la supériorité de classe, la supériorité éblouit le bas monde. L’intérieur de la base sous Teks se divise en une multitude d’endroits où la technologie transparaît. On a l’exemple de la salle principale, avec cet immense tour d’écran de télévision et ce bassin où réside le dauphin qui est harnaché à plusieurs câbles, nous montrant par ailleurs la supériorité de l’homme sur la nature par la technologie.
L’esthétique cyberpunk au cinéma
L’esthétique cyberpunk se retrouve dans plusieurs séquences marquantes. La première séquence est celle où Johnny rentre dans la matrice : le visuel est exclusivement fait en VFX et il semble reproduire l’intérieur d’un immense ordinateur. Il y a un foisonnement de détails qui symbolise un monde infini pour le spectateur. Les couleurs sont très flashy, ce qui crée une abondance de lumière visible à l’écran.
Inutile de préciser que ce film est en soit, le premier Matrix.
Le système de la matrice semble être construit comme un véritable labyrinthe : des routes semblent être prédéfinies et elles semblent mener à des espaces réels de la narration. Par exemple, on retrouve l’hôtel dans lequel Johnny a récupéré les données dans cette même matrice. Il y a donc un étroit lien entre le monde réel et le monde numérique. L’esthétique cyberpunk se retrouve aussi dans les costumes : par exemple, dans la scène du bar où Jane défie Ralfi, on peut voir des implants apparents sur plusieurs des personnages. Le maquillage sur d’autres protagonistes, les coiffures, les vêtements fortement inspirés de la mouvance punk.
Johnny est un personnage inspiré d’une des nouvelles issues de William Gibson, ce qui nous montre qu’il y a d’abord une concrétisation de l’imaginaire cyberpunk par la mise en image, c’est-à-dire qu’on peut visualiser ce monde qu’on ne pouvait qu’imaginer avant. Et là, toute la question est celle de la mise en scène : comment retranscrire au mieux ce qui est essentiel ? Et c’est là où on retrouve l’aspect multidimensionnel du mouvement cyberpunk, on passe d’une description littéraire à une expression par l’image.
En soi, le personnage passe d’une dimension qui est plate à une représentation 2D. Les principaux thèmes musicaux du film ont cette ambiance électronique, cybernétique ; on entend par exemple des kicks distordus, des bruits métalliques, des bruits de glitch qui amplifient le passage de Johnny dans le monde numérique de la matrice, ce qui favorise l’immersion du spectateur et renforce l’esthétique cyberpunk. On peut aussi retrouver dans plusieurs des thèmes musicaux des morceaux de punk qui collent avec cet univers violent, froid. Cette manière de chanter nous rappelle la soif d’expressions des sous Teks.
Influence du film Johnny Mnemonic sur le jeu Cyberpunk 2077
Le personnage principal de Johnny Mnemonic ainsi que le personnage secondaire de Spider sont repris dans le jeu Cyberpunk 2077. Leurs caractéristiques préservées dans le jeu, ce qui en fait des héros du monde cyberpunk à part entière. Des mécaniques du film sont reprises, avec notamment l’entrée dans les matrices avec ce système de hacking symbolisé par une interface d’énigmes. La scène d’augmentation cybernétique dans le jeu se retrouve aussi dans le film quand Spider tente de délester Johnny des informations contenues dans son cerveau.
Johnny Mnemonic est un film complexe : étant une adaptation d’un roman fondateur du cyberpunk, il préfigure de nombreux aspects esthétiques et narratifs des jeux et des films cyberpunks actuels. Il interroge le spectateur sur le rapport à la technologie et la soif d’invention qui pourrait au final nous desservir.
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