Cambacérès : qui était l’homme à l’origine du premier Code Civil ?

Robin Uzan
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Si aujourd’hui le Code Civil nous paraît être une évidence en Droit français, ce fut loin d’être toujours le cas. Et derrière cet instrument juridique révolutionnaire se cache un homme inconnu du grand public : Jean-Jacques Régis de Cambacérès. 

Cambacérès : qui était-il ? 

Jean-Jacques Régis de Cambacérès naît en 1753 à Montpellier, dans une famille de magistrats. Bien qu’il soit issu de ce que l’on appelle la « noblesse de robe » , il vit une enfance assez modeste, voire assez pauvre.

Tout comme sa famille, il se tourne vers le droit pour devenir avocat et conseiller à la Cour des comptes du Languedoc. Mais Cambacérès est surtout connu pour son implication révolutionnaire.

En effet, il entre en politique dès les premiers jours de la Révolution. Spécialiste du droit, il participe à la nouvelle organisation judiciaire du pays. De la Révolution française (1789) jusqu’à la chute de Napoléon (1815), il occupera divers postes de pouvoir. Il deviendra même le deuxième personnage le plus important de l’État.

Le Code Civil : une révolution juridique 

L’une des volontés phares de la Révolution française était de doter le pays d’une Constitution écrite. Mais à cela s’ajoutait une volonté farouche d’uniformiser le Droit français. Car sous l’Ancien Régime, le droit n’était pas le même en fonction des provinces. On retrouvait ainsi :

  • Le Code Justinien (hérité du Droit romain antique), qui s’appliquait surtout au sud du pays et en Alsace.
  • Le Droit Oral. Il s’agissait du Droit Coutumier propre à chaque région de France.

C’était à la fois un casse-tête juridique et un gros problème pour l’unité de l’État. Cambacérès s’attelle alors à la rédaction d’un Code Civil, afin d’offrir à la France une véritable uniformisation juridique. Mais la rédaction de ce Code ne se fera pas sans peine.

Les échecs successifs

Trois projets seront rejetés avant que le Code Civil de 1804 ne soit adopté sous Napoléon. Il faut dire que la période révolutionnaire n’était pas vraiment propice à mettre en place une institution juridique pérenne (changements de régimes, tensions politiques, période de la Terreur, etc.).

Les trois projets rejetés le sont respectivement en 1793, 1794 et 1796 :

  • 1793, le projet comportait 695 articles divisés en deux parties (les personnes & les biens). Le refus est en partie dû à sa longueur, puisque considéré comme trop riche. En outre, de nombreux désaccords étaient apparus par rapport aux dispositions du projet. Notamment la disposition pour l’égalité des époux concernant la gestion du ménage (donner plus de droits aux femmes ? Qu’est-ce que c’est que cette hérésie ?).
  • 1794, cette fois le projet est rejeté car considéré comme trop court. Celui-ci était constitué de 287 articles, avec une division en trois parties de la législation civile. L’égalité des époux était cependant renforcée par la suppression de l’autorité paternelle, malgré les dissensions à propos du précédent Code.
  • 1796, plusieurs articles sont adoptés, mais le Code dans son ensemble est rejeté. Là encore, les droits concernant l’égalité des époux font grincer des dents la branche conservatrice de l’État. Certaines dispositions sont jugées comme immorales. Notamment le divorce et les droits accordés aux enfants nés hors-mariage.

1804 : le Code Civil est enfin adopté

En 1799, Napoléon Bonaparte prend le pouvoir. Cambacérès devient alors l’un de ses plus proches conseillers. Après la deuxième campagne d’Italie, Napoléon convoqua Cambacérès. L’Histoire retiendra ces propos :

« Vous avez fait plusieurs codes, ne pensez-vous pas qu’il serait utile de les refondre et de présenter au Corps législatif un projet qui fût à la hauteur de ce siècle et digne du gouvernement ? »

Cambacérès travaille alors de plus belle à l’élaboration du Code Civil. Le 8 mars 1804, les 36 lois du projet sont classées et numérotées. Finalement, c’est le 21 mars 1804 que le Code Civil est enfin promulgué, venant révolutionner le Droit en France mais également dans le monde. Puisque ce Code sera énormément exporté lors des guerres napoléoniennes.

Le Code civil des Français, 21 mars 1804 : quelques points de repère - napoleon.org

Cambacérès : un « Deuxième Consul » assez controversé

Jean-Jacques Régis de Cambacérès fut le deuxième homme le plus puissant de l’État Français. Juste derrière Napoléon (qui était bien évidemment le Premier Consul). Il reçut des pouvoirs délégués de la part de l’Empereur et fut son plus proche conseiller avec Sieyès.

Avide de pouvoir et de richesses, Cambacérès était connu pour ses réceptions grandioses et extravagantes. Un goût pour la grandeur que Napoléon exploitera au profit de la France, afin d’ancrer la puissance de son Empire dans l’inconscient collectif.

Cependant, Cambacérès fut l’objet de vives critiques durant toute la période révolutionnaire, et même après. Il fut notamment qualifié régulièrement de « girouette », du fait de sa capacité à se maintenir au pouvoir, malgré les changements de régimes réguliers après la Révolution. En outre, son homosexualité supposée lui valut de nombreuses caricatures. Notamment sous la Restauration (1814 – 1830), où les royalistes s’en donnèrent à cœur joie.

Bien qu’il soit aujourd’hui inconnu du grand public, Cambacérès a pourtant joué un rôle primordial dans la construction de la France moderne. Un rôle qui a encore une influence sur notre régime républicain et sur notre façon d’appréhender le droit. Encore aujourd’hui, le Code Civil dont il est à l’origine est en vigueur en France et est mis à jour chaque année. Mais plus qu’en France, ce Code a inspiré la juridiction de nombreux pays, tant il fut novateur. 

 

Sources : 

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Journaliste, photographe et réalisateur indépendant, écrire et gérer Cultea est un immense plaisir et une de mes plus grandes fiertés.
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