« L’homme est un animal social » : que voulait dire Aristote ?

"L'homme est un animal social" : que voulait dire Aristote ? - Cultea

Aujourd’hui, nous connaissons de nombreuses expressions et citations. On peut les tirer des films ou bien des livres. Peu importe le sujet que ces derniers mettent en avant et peu importe leurs registres. Dans le registre de la sociologie, une phrase est particulièrement connue pour définir la nature humaine : « L’homme est un animal social ». Elle aurait été prononcée par Aristote. Mais qu’a-t-il vraiment souhaité exprimer avec cette phrase ? Et le sens de cette dernière n’a-t-il pas été modifié au fil du temps ? 

Qu’est-ce qu’Aristote souhaitait souligner ?

Au moment où Aristote écrit cette phrase, il rédige son ouvrage Politiques, composé de huit livres. Cet ouvrage est sorti au IVe siècle avant J-C. Aristote essaye de comprendre le fonctionnement d’une cité-État, sujet sur lequel il se pose beaucoup de questions. C’est à ce moment précis qu’il comprend une chose :

« Zoon Politikon » ; en français : « L’homme est un animal politique. »

En écrivant cette phrase, Aristote note un point-clé de son raisonnement. Il est propre à la nature humaine de s’assembler avec les autres pour survivre. Et c’est grâce au langage que les hommes peuvent ainsi s’allier aux autres. Du social naissent alors les alliances, qui s’inscrivent donc dans le registre de la politique.

Pour Aristote, un humain ne peut pas vivre parfaitement lorsqu’il n’est pas intégré dans une société. Cela va à l’encontre de sa nature. Soit il est plus faible que la majorité, soit il est plus fort que celle-ci. C’est ce qu’il explique dans son premier livre des Politiques, chapitre 2 :

« Il est manifeste, à partir de cela, que la cité fait partie des choses naturelles, et que l’homme est un animal politique, et que celui qui est hors cité, naturellement bien sûr et non par le hasard des circonstances, est soit un être dégradé soit un être surhumain. »

Pour Aristote, la cité est donc nécessaire à l’humain pour être heureux. Elle s’inscrit même dans le registre de l’impératif.

La théorie d’Hannah Arendt : une mauvaise compréhension de la phrase

Hannah Arendt est sûrement l’une des plus grandes références, en matière de philosophie politique et historique. Qui d’autre qu’elle pouvait retrouver à dire sur la phrase d’Aristote, réutilisée par de nombreux penseurs à toutes les époques ?

Hannah Arendt - Cultea
Hannah Arendt (source : Wikipédia)

Hannah Arendt n’est pas d’accord avec le sens de la phrase et, par conséquent, le fond de cette dernière. Elle explique :

« On a mal compris le terme politique, on l’a assimilé au social dès que les termes grecs ont été traduits en latin, dès qu’on les a adaptés à la pensée romano-chrétienne. »

Avec cette phrase, elle explique qu’en réalité le terme « social » n’existait pas dans le lexique grec. On utilisait le terme « politique ». Il est donc curieux de noter la présence du terme « social » dans une phrase d’Aristote, si ce dernier n’existait pas au moment de l’écriture de la phrase.

Pour l’Allemande, le fait d’être sociable ne peut pas véritablement définir la nature humaine. En revanche, la politique, quant à elle, peut la définir. Elle prend comme exemple la comparaison entre les animaux et les humains. Pour elle, tous les animaux sont sociables. Elle pense que la sociabilité est propre à l’animal :

« La sociabilité est une capacité de l’animal en général. Car tous les animaux peuvent faire « société », « vivre ensemble » avec leurs semblables. »

En revanche, les animaux ne peuvent pas mettre en place une organisation politique. Leur hiérarchie se base uniquement sur des facteurs biologiques et non politiques. Voilà ce qui fait la différence avec l’homme. C’est pourquoi Hannah Arendt définit plutôt la nature de l’homme comme dépendante de la politique et non de la sociabilité. Elle pensait également que c’est ce qu’Aristote souhaitait dire. Sinon pourquoi aurait-il appelé son ouvrage Politiques ?

Alors, qui a raison ? Aristote ou Hannah Arendt ? Quoi qu’il en soit, cette notion de la nature humaine qui dépend uniquement de la sociabilité n’a cessé de faire fleurir les questionnements. Des questionnements qui étaient encore d’actualité, il y a maintenant deux ans.

 

Sources :

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