Le grand hiver de 1709 : une vague de froid aux conséquences désastreuses !

Isalyne Marlier
Isalyne Marlier
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Le grand hiver de 1709 est un fléau de glace qui a dévasté la France, ainsi que l’Europe, rasant les récoltes et la population sur son passage. Une seule nuit aura suffi à faire basculer l’Europe dans une prison glacée. En une nuit, les températures chutèrent drastiquement, sans jamais remonter pendant des mois. Si les vagues de froid étaient courantes à cette période de l’année, celle de 1709 fut loin d’être ordinaire.

Le froid polaire de 1709 a entraîné la mort de centaines de milliers de personnes, rien qu’en France, le pays le plus touché. L’année s’annonçait déjà compliquée pour les Français avant que la vague de froid ne s’ajoute à l’équation. Des récoltes difficiles, des impôts conséquents et la guerre de Succession d’Espagne… Non, rien ne leur a été épargné.

Le grand hiver is coming

En France

Il pleuvait énormément sur le territoire, les jours qui précédèrent la catastrophe. Seulement, personne ne s’attendait à ce que les températures chutent à ce point. Les thermomètres affichaient -20 degrés ! La vague de froid venait d’abord du nord, passant par Lille avant d’atteindre Versailles pour terminer sa course dans la région lyonnaise. Personne n’est épargné dans l’Hexagone. En l’espace d’une nuit, la France fut littéralement congelée. Prises par surprise, les autorités ne purent lutter contre ce changement météorologique soudain. Le temps que des aides se mettent en place, il était déjà trop tard pour un bon nombre.

Les fleuves, les canaux, les ports… Le grand hiver paralysa tout sur son passage. L’eau fut gelée, tandis que les routes devinrent impraticables. Beaucoup moururent d’hypothermie, tandis que des élevages entiers furent décimés par le froid. Les villageois se retrouvèrent impuissants face à la catastrophe. Ainsi, dans certains villages privés de provisions, des habitants n’eurent d’autre choix que de brûler leur mobilier pour se réchauffer. Le froid polaire n’épargna pas les riches, qui ont également dû faire face à la perte de leurs stocks de nourritures et de boissons. De fait, même Versailles est touchée.

« Il fait un froid si affreux qu’on ne peut l’exprimer. Je suis assise devant un feu flamboyant, il y a un paravent devant ma porte, qui est fermée, afin que je puisse m’assoir ici avec une fourrure autour du cou et les pieds dans une peau d’ours, mais je frissonne quand même et peine à tenir ma plume. Je n’ai jamais connu un tel hiver, le vin gèle dans les bouteilles. »

Elisabeth-Charlotte de Bavière, duchesse d’Orléans, dans une lettre à la duchesse Sophie de Hanovre

En Europe

Même si la France fut particulièrement touchée par le grand hiver, ce dernier n’épargna pas le reste de l’Europe. En effet, le gel toucha un grand nombre de points d’eau dans le nord et le centre du continent. En Angleterre, la Tamise n’échappe pas à la règle et se retrouve entièrement gelée. Aux Pays-Bas, le port d’Amsterdam se voit réserver le même sort et devient prisonnier du grand hiver. Depuis le Danemark, il faut désormais voyager à cheval sur la mer Baltique pour rejoindre la Suède ou la Norvège. Nombreux furent les navires piégés dans la glace. A Venise, la population a même troqué ses gondoles pour des patins à glace !

Le Lagon gelé en 1709, par Gabriele Bella, une partie de la lagune gela en 1709 à Venise - Cultea
Le Lagon gelé en 1709, par Gabriele Bella, une partie de la lagune gela en 1709 à Venise.

La météo défia la nature et détruisit ce qui paraissait robuste. De fait, des témoins rapportent que des troncs d’arbres gelaient, puis se brisaient dans un grand fracas. La force invisible détruisit également des cloches d’églises, fendues sous le froid. Par ailleurs, ces températures changèrent même le cours politique des choses. Parmi ces changements, la guerre de Succession d’Espagne est suspendue et ne reprendra que lorsque les beaux jours reviendront.

Les conséquences du grand hiver

Des récoltes anéanties et une population affaiblie

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette vague de froid fut désastreuse. Elle fut le premier domino d’une suite de problèmes. Il faut savoir que la glace tint plusieurs mois, jusqu’à fondre enfin en avril 1709. Malheureusement, ce n’est que la moitié d’une bonne nouvelle. En contrepartie, des inondations menacèrent la population. Des pénuries alimentaires survinrent après le gel des récoltes. Toutes furent perdues et celles de l’été qui suivait n’ont même pas pu être plantées. Il faudra attendre 1710 avant que la situation ne s’améliore.

Le froid favorisa également la maladie. C’est ainsi qu’en 1709, à Rome, un virus entraîne une épidémie à l’échelle européenne pendant une année. Pour ne rien arranger, la peste s’invita également, venue de l’Empire ottoman. Résumé en quelques chiffres : en France, ce sont 600 000 personnes qui périront entre 1709 et 1710. Un déclin démographique important, tandis que le pays enregistre également un recul de 200 000 naissances par rapport à la moyenne annuelle à l’époque.

Un froid glacial sous le Roi-Soleil

Assez ironique de savoir que le grand hiver se déroula sous les yeux de Louis XIV, alors surnommé Roi-Soleil. Ce dernier tente de reprendre le contrôle alors que le monde devient fou. Paris est privée d’approvisionnement pendant trois mois. Dans le royaume, des gens meurent de faim et de froid, alors certains pillent pour survivre. Le roi appelle alors à la solidarité des Français pour faire face à ce chaos. De fait, il vendra sa vaisselle d’or afin de renflouer les caisses de l’Etat. Louis XIV organise des distributions de pain et incite l’aristocratie à en faire autant. Malheureusement, ses actions n’eurent pas beaucoup d’impact sur la misère héritée du grand hiver.

Le grand hiver est, encore aujourd’hui, l’hiver européen le plus glacial des 500 dernières années. C’est d’ailleurs une période qui intrigue encore les climatologues. En attendant, il s’agit surtout d’une période désastreuse qui contraste désormais tristement avec notre situation climatique actuelle.

 

Sources :

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