« The Power » : un film d’horreur moralisateur saisissant [critique]

Célia Ait Ihaddadene
Célia Ait Ihaddadene
6 Min Read

Dans un monde où les hommes asseyent leur domination sociale, l’horreur devient le reflet de cette dure réalité. Reconnue pour sa série The Innocents sur Netflix, Corinna Faith a sorti le 8 avril 2021 son tout premier long-métrage, disponible à partir du 16 février 2022 dans les salles françaises. Une vraie critique de la société patriarcale est ficelée dans le scénario de la scénariste londonienne. Le pouvoir qu’elle confère aux hommes et les abus engendrés sont au cœur de l’action de ce drame horrifique, intitulé The Power

Plan du film The Power, Rose Williams - Cultea
Plan du film The Power – Rose Williams

DU FRISSON… mais pas seulement !

Saluée pour son rôle dans la série Reign, Rose Williams incarne dans The Power la protagoniste, Valerie. Jeune infirmière débutante, elle fait ses premiers pas dans le métier en renforçant l’équipe de nuit d’un hôpital londonien. Lugubre et délabré, l’établissement quasiment laissé à l’abandon n’est pas sans rappeler l’esthétique des films d’horreur des années 1970. 

Entre ses murs flotte un lourd mystère qui entraîne Val dans une valse mélancolique avec ses propres peurs et démons du passé qui refont surface dès le noir tombé. L’esprit d’une jeune fille, enchaîné dans les lieux à cause d’un horrible secret, planera durant l’intégralité des 24 heures que dure l’intrigue.

De quoi nous apporter une bonne dose de frissons !

Mais, si The Power est un film à classer dans la catégorie horreur, il n’en reste pas moins engagé. En effet, Corinna Faith met un point d’honneur à faire ressortir toute l’envergure du message qu’elle veut faire passer. 

La scénariste ne laisse rien au hasard : tout a une double signification, à commencer par son titre. The Power, pour les black-outs nocturnes organisés par le gouvernement londonien dans les années 1970 dans le but d’économiser l’électricité et de faire face à la grève des mineurs. The Power, pour symboliser le pouvoir que les hommes ont dans l’hôpital (et la société en général). Pour l’emprise qu’ils ont sur les femmes réduites au silence par peur de ne pas être écoutées. The Power, pour leurs comportements abusifs qui restent impunis. 

Durant tout le long-métrage, la nuit et le noir sont des métaphores de la société qui ferme les yeux sur le viol et ses conséquences sur les victimes réduites au silence quand elles osent s’exprimer.

Plan du film The Power, Rose Williams - Cultea
Plan du film The Power – Rose Williams

De l’originalité dans le cliché

The Power regorge de clichés et d’éléments qui auraient mérité d’être plus travaillés et moins délaissés.

Le lieu, un hôpital, est tout droit sorti du topo des films d’horreur et n’est pas un modèle en terme d’innovation. Les jumpscares sont nombreux et peu surprenants, pour ne pas dire redondants, et le scénario est trop évident. Dès les premières minutes du film, on devine sans difficulté ce qu’il va se passer.

The Power n’offre aucune surprise sur le déroulement de la trame. Il ne comporte aucune innovation à ajouter au genre. Par ailleurs, le passage du message peut, dans certaines scènes, se faire au détriment de l’horreur et du drame.

Mais, si la scénariste a pris le parti de reprendre toutes les mécaniques phares des films d’horreur de possession classiques, le scénario n’en reste pas moins bien ficelé. Nous pouvons saluer les talents de Rose Williams qui excelle dans toutes ses prises, en particulier dans les scènes de possession. De plus, l’effort de la mise en scène d’un tel sujet n’est pas à minimiser.

80% du film se déroule dans le noir. Pourtant, les plans et les ombres sont maîtrisés à la perfection. Le décor devient lugubre et terrifiant lorsque la lumière se coupe pour servir une fausse piste. On croit, durant tout le long-métrage, que c’est du noir qu’il faut avoir peur. Pourtant, la morale que Corinna Faith fait ressortir est toute autre…

La musique est peu présente, utilisée avec soin et parcimonie. Elle sert à mettre l’emphase sur certains moments et joue avec la frontière qui sépare le drame de l’horreur. Le cadrage, quant à lui, est saisissant. Nous avons l’impression de suivre Val dans sa nuit terrifiante grâce aux plans rapprochés, qui s’éloignent lorsque le noir n’est plus, puisque le danger « semble » hors de portée.

Le cadrage joue de manière générale sur la notion du silence, très importante dans la trame du film. Elle est à prendre en considération si on ne veut pas passer à côté des messages codés.

Difficile d’apporter une touche d’originalité à un genre déjà bien exploré… Et The Power n’est pas le premier à avoir essayé ! Si le film parait un peu lassant, redondant par moments, le fait que Corinna Faith utilise l’horreur et les phénomènes paranormaux pour appuyer une réalité sociale est remarquable. L’originalité de la scénariste ne réside donc pas dans l’horreur à proprement parler, mais dans sa manière de l’utiliser.

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