« First Man » de Damien Chazelle est une épopée lunaire très intimiste [critique]

"First Man" de Damien Chazelle est une épopée lunaire très intimiste [critique]

Damien Chazelle est de retour et n’a rien perdu de sa superbe ! Après l’acclamé La La Land, le réalisateur franco-américain s’attaque à l’un des événements historiques les plus connus : la conquête de la Lune. Voilà donc un film qui devrait faire faire une syncope aux complotistes. Mais qu’importe ! Que vaut ce fameux First Man ? S’il s’agit d’une indéniable réussite cinématographique, on peut toutefois se demander si l’angle scénaristique choisi était le meilleur. Focus. 

Un réalisme saisissant

First Man interpelle dès son ouverture par son incroyable réalisme. Il est bluffant de constater à quelle point on se sent immergé dans ces décors cinématographiques et dans les aventures de Neil Armstrong. Damien Chazelle surprend par la proximité qu’il instaure avec les personnages, les machines et l’espace. Tout est mis en place visuellement pour qu’on se sente inclus dans l’aventure : camera subjective, caméra embarquée, shaky cam, caméra à l’épaule… Le réalisme est poussé à l’extrême et nous laisse au plus proche de l’action mais également au plus proche des personnages. Si cela est tout bonnement extraordinaire pour tout ce qui concerne les scènes spatiales ou celles d’entrainement, force est de constater que cela marche parfois moins pour celles plus intimistes.

En effet, se sentir immergé dans les cockpits est une expérience incroyable et pourrait bien déclencher des vocations pour la conquêtes spatiales. Cependant, la caméra à l’épaule et la shaky cam (c’est-à-dire une déstabilisation volontaire de la caméra) ne sont malheureusement pas toujours pertinentes lors des scènes plus intimes. Certes, la proximité avec les personnages permet de nous attacher à eux et d’être les plus proches possibles de leurs émotions. Mais la caméra parfois trop mouvante sans justification a plus tendance à sortir le spectateur du film que l’y immerger lorsqu’il s’agit des dialogues ou des scènes plus posées. Un peu plus de stabilité sans ôter la proximité aurait surement été très appréciée afin de laisser le spectateur souffler.

Des acteurs au top de leur forme

Qui dit proximité avec les personnages dit proximité avec les acteurs. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils sont tous impeccables. Ryan Gosling, le principal intéressé, nous offre une interprétation toute en sobriété, mais loin du mutisme qu’on lui reproche régulièrement dans ses films. S’il interprète Neil Armstrong de manière très solennelle, il n’en oublie pas de nous émouvoir dans plusieurs scènes, notamment dans une séquence très intimiste en début de film. Cette scène sonne d’ailleurs comme une façon de rappeler aux spectateurs que OUI, Ryan Gosling est un véritable acteur, n’en déplaise à quelques mauvaises langues.

Les personnages secondaires s’en sortent tous tout aussi bien, notamment Claire Foy, impeccable en Janet Armstrong. Cette dernière nous offre également une performance des plus sobres, mais tout aussi efficace que celle de son partenaire. La comédienne déjà aperçue dans The Crown et Unsane n’a surement pas fini de nous éblouir dans des rôles aussi complexes que différents. Jason Clarke (La planètes des singes – l’affrontement) est lui aussi impeccable dans le rôle du regretté Ed White. Il nous offre un personnage aussi sympathique que bienveillant, dont la gentillesse sert aussi bien de béquille à Neil qu’aux spectateurs, qui sont très proches des émotions de ce dernier. Corey Stoll (Ant-Man) nous offre quant à lui une interprétation assez surprenante de l’astronaute Buzz Aldrin, dépeint ici comme un homme aussi flamboyant qu’imbu de lui même. Très antipathique aux yeux de plusieurs personnages, ce dernier passerait même pour un beauf à certains moments. Une drôle de représentation, qui risque de ne pas plaire au véritable Buzz. 

Un bon angle scénaristique pour cette histoire ? 

Nous pouvons constater sans grande difficulté que ce nouveau film de Damien Chazelle est d’une maîtrise qui force le respect. Cependant, il faut se poser une question qui risque de faire débat dans les prochaines semaines parmi les cinéphages : First Man a-t-il été abordé sous le bon angle ? En effet, l’histoire se concentre bien plus sur la psychologie de Neil Armstrong que sur l’exploit de la conquête lunaire. Et peut-être est-ce dommage, quand on sait tous les défis qu’a dû relever la NASA pour réaliser un tel exploit technologique. En fait, ce film aurait peut-être dû s’appeler Neil ou encore Armstrong, tant il est axé sur la vie et la psychologie de ce dernier. Certes il s’agit là de pinaillage, mais ce petit détail aurait surement fait la différence concernant les attentes des spectateurs à propos de cette œuvre.

Si cet angle scénaristique choisi ne fait pas de First Man un mauvais film (loin de là), il nous prive toutefois de certaines explications scientifiques à propos de la conquête lunaire, que beaucoup de personne auraient peut-être aimé découvrir. En bref, s’intéresser un peu plus aux incroyables défis relevés par tous ces scientifiques aurait surement été bénéfique à cette épopée connue de tous, sans l’être réellement. On ne peut toutefois que saluer la volonté d’assumer ce parti pris jusqu’au bout concernant la psychologie de Neil, qui nous offre quelques scènes très fortes en émotion, notamment une lors de la mission lunaire.

S’il est abordé sous un angle qui ne plaira pas à tout le monde, First Man reste un film qui confirme une fois encore l’immense talent et la versatilité de Damien Chazelle. Une œuvre d’ailleurs parfaitement calibrée pour les Oscars et qui ne devrait pas manquer d’y être nominée lors de la prochaine cérémonie. Aussi émouvant qu’impactant visuellement, ce film devrait sans nul doute susciter un intérêt nouveau des spectateurs à propos de la conquête spatiale. 

Bande-annonce : First Man

Journaliste, photographe et réalisateur indépendant, écrire et gérer Cultea est un immense plaisir et une de mes plus grandes fiertés.

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